Mise en page 1 - Algérie news quotidien national d'information
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12 dclg<br />
é<br />
a a e décryptage<br />
Analyses & Décryptages<br />
Dans cette édition :<br />
«J'ai choisi tous mes ministres<br />
parce que je n'étais pas demandeur<br />
du poste de chef de gouvernem<strong>en</strong>t»<br />
<strong>Algérie</strong> News : Alors d'accord ! Vous n'êtes pas du système<br />
mais, vous dira-t-on, vous avez servi un pouvoir<br />
dont le principal objet a été de confisquer les<br />
libertés. D'accord, vous n'<strong>en</strong> êtes pas mais vous l'avez<br />
servi. En tant que commis de l'Etat, <strong>en</strong> tant que tout<br />
ce que vous voulez, vous avez été à son service.<br />
Sid Ahmed Ghozali : Vous posez là une vaste question.<br />
Est-ce que servir son pays, c'est servir le système<br />
politique qui le dirige ? Est-ce que lorsque l'on n'est<br />
pas satisfait de la qualité du système politique, il faut<br />
refuser de servir son pays ? Avant de comm<strong>en</strong>ter votre<br />
jugem<strong>en</strong>t, vous me r<strong>en</strong>voyez à un de mes chers maîtres,<br />
mon très respecté professeur de physique au<br />
lycée, Dieu bénisse son âme. Un grand professeur<br />
comme il y <strong>en</strong> avait avant l'indép<strong>en</strong>dance et même<br />
après. Et il v<strong>en</strong>ait me voir quand j'étais à Sonatrach<br />
comme on r<strong>en</strong>d visite à un fils. Il n'aimait pas beaucoup<br />
le régime de Boumediène. Il m'a dit : «Mon fils,<br />
tu es complice du régime de Boumediène parce que tu<br />
produis du pétrole, qui lui fournit l'arg<strong>en</strong>t pour perdurer.»<br />
Je me souvi<strong>en</strong>s lui avoir rétorqué : «Et vous<br />
cher Maître qui avez formé et continuez à former des<br />
générations <strong>en</strong>tières de cadres sci<strong>en</strong>tifiques qui vont<br />
travailler dans les administrations, dans les <strong>en</strong>treprises<br />
au service du pays, et dont, à leur tour, le travail va forcém<strong>en</strong>t<br />
profiter au système politique qui nous dirige,<br />
vous considérez-vous comme un serviteur du régime<br />
puisque vous l'approvisionnez <strong>en</strong> une richesse qui est<br />
<strong>en</strong>core plus forte que le pétrole et l'arg<strong>en</strong>t du pétrole,<br />
la richesse humaine ?»<br />
Donc la réponse à votre question sur la relation<br />
service public-service du pouvoir n'est, ni simple, ni<br />
standard.<br />
J'avais pris tout à l'heure l'exemple du chef de service<br />
hématologie au CHU d'Oran, je vi<strong>en</strong>s de citer le<br />
cas de mon anci<strong>en</strong> maître.<br />
Je peux citer un troisième cas, éminemm<strong>en</strong>t politique<br />
celui-ci : Mohamed Boudiaf. Vous savez que ce<br />
chef historique de la Révolution incontestable et<br />
incontesté, s'est opposé au pouvoir personnel, au pouvoir<br />
unique et au pouvoir militaire, ce qui lui a coûté<br />
de perdre sa liberté <strong>en</strong> 1963 et d'être forcé à l'exil de<br />
1965 à 1992.<br />
Puis <strong>en</strong> 1992, il a répondu à l'appel du gouvernem<strong>en</strong>t<br />
et de l'Armée pour la sauvegarde de la<br />
République.<br />
Dans chacune de ces deux situations, Boudiaf a-til<br />
servi ou desservi son pays ? A-t-il <strong>en</strong> 1963 manqué à<br />
son pays <strong>en</strong> refusant de servir dans le cadre d'un pouvoir<br />
illégitime ? Et <strong>en</strong> 1992, Boudiaf a-t-il desservi<br />
l'<strong>Algérie</strong> <strong>en</strong> y rev<strong>en</strong>ant après une démission considérée,<br />
trop vite et indûm<strong>en</strong>t, par beaucoup comme un<br />
coup d'Etat ? N'ignorant certainem<strong>en</strong>t pas qu'<strong>en</strong> rev<strong>en</strong>ant<br />
aux affaires, il sauvait la mise au système politique<br />
<strong>en</strong> place, s'est-il montré <strong>en</strong> faisant don de sa personne<br />
à l'<strong>Algérie</strong> comme un homme du système ?<br />
Difficile à croire !<br />
Pour qui connaît Mohamed Boudiaf, il est impossible<br />
d'avoir un soupçon de doute sur son patriotisme,<br />
sa clairvoyance, son indép<strong>en</strong>dance et sa rigueur d'esprit<br />
et donc pas le moindre doute sur ses profondes<br />
motivations qu'il a été le seul après Dieu à connaître.<br />
Je fais partie de la génération qui a été éduquée<br />
dans la perspective de travailler au service du public,<br />
aussi bi<strong>en</strong> familialem<strong>en</strong>t que par le FLN, mouvem<strong>en</strong>t<br />
de libération <strong>national</strong>e, précisém<strong>en</strong>t ce front fondé par<br />
la génération du même Mohamed Boudiaf.<br />
C'est pour ça que dans ma génération, très peu<br />
nombreux fur<strong>en</strong>t ceux qui ne choisir<strong>en</strong>t pas d'emblée<br />
de r<strong>en</strong>trer dans le service public. Très jeunes, nous<br />
avons été propulsés à des postes de responsabilité des<br />
plus élevés dans le service public, ce que l'on appelle<br />
des postes politiques <strong>en</strong>tre guillemets. Directeur d'administration<br />
c<strong>en</strong>trale est un poste politique dans le<br />
s<strong>en</strong>s, c'est admis dans le monde <strong>en</strong>tier, où on peut y<br />
être nommé à discrétion et être <strong>en</strong>levé à discrétion.<br />
Des postes <strong>en</strong> somme, qui sont la charnière <strong>en</strong>tre le<br />
pouvoir politique et les pouvoirs publics. Jeunes, nous<br />
avons commis la naïveté de p<strong>en</strong>ser que nous, nous<br />
étions faits pour nous occuper des affaires techniques<br />
du pays et nous avons laissé la politique aux autres.<br />
Nous avons cru sincèrem<strong>en</strong>t qu'on pouvait servir à<br />
des postes aussi élevés tout <strong>en</strong> laissant la politique aux<br />
autres. Et bi<strong>en</strong> maint<strong>en</strong>ant, mais pas à l'époque, je<br />
peux vous dire que c'était naïf. C'était une erreur de<br />
jeunesse. C'était une erreur parce qu'à partir de certains<br />
niveaux, on ne peut pas servir <strong>en</strong> se désintéressant<br />
de la politique. Cette reconnaissance a posteriori<br />
de l'erreur cont<strong>en</strong>ue dans le fait mésestimé de l'importance<br />
de l'appart<strong>en</strong>ance au système politique, ne fait<br />
que r<strong>en</strong>forcer mon affirmation que je n'ai jamais été<br />
dans le pouvoir politique.<br />
D'ailleurs, à l'occasion de ma visite au Quotidi<strong>en</strong><br />
d'Oran, il y a un peu moins de trois années, ce fut cette<br />
même thèse et presque mot pour mot, comme je vi<strong>en</strong>s<br />
de le faire, que j'ai développée auprès de mes interlocuteurs,<br />
le DG et son principal éditorialiste, à leur<br />
demande, sur leur <strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t et <strong>en</strong> off, puisque<br />
j'étais allé les voir pour parler seulem<strong>en</strong>t de l'Iran.<br />
C'est dev<strong>en</strong>u le l<strong>en</strong>demain dans les titres du journal<br />
: Ghozali : «Nous sommes les harkis du système»<br />
puis «Ghozali reconnaît qu'il est un harki»,... Voilà<br />
comm<strong>en</strong>t, via des servants consci<strong>en</strong>ts ou non du pouvoir,<br />
journalistes au Quotidi<strong>en</strong> d'Oran, fut lancé le lynchage<br />
médiatique, au prix d'une triple trahison de la<br />
déontologie et de l'éthique journalistique : non-respect<br />
du off, citation infidèle, citation tronquée et sortie<br />
de son contexte<br />
J'aimerais rev<strong>en</strong>ir sur l'expression «naïveté».<br />
Quand vous parlez de naïveté de votre part, est-ce<br />
que cela veut dire que vous pr<strong>en</strong>iez vos ordres quelque<br />
part ? Parce que même <strong>en</strong> tant que chef du gouvernem<strong>en</strong>t,<br />
est-ce que vous pouvez affirmer que<br />
vous n'avez jamais pris vos ordres ailleurs ?<br />
J'ai choisi tous mes ministres. Il y a des témoins qui<br />
sont vivants et d'autres qui ne sont plus de ce monde.<br />
Je p<strong>en</strong>se notamm<strong>en</strong>t, à Aboubekr Belkaïd. J'avais<br />
auparavant, songé à lui, avec l'accord de Chadli, pour<br />
qu'il le nomme à mes côtés comme ministre délégué<br />
aux Affaires étrangères du temps du gouvernem<strong>en</strong>t<br />
Hamrouche. Au dernier mom<strong>en</strong>t, le mouvem<strong>en</strong>t avait<br />
été avorté par le pouvoir qui ne l'avait pas <strong>en</strong> odeur de<br />
sainteté et au moy<strong>en</strong> d'une campagne médiatique<br />
assez odieuse. Chef de gouvernem<strong>en</strong>t, je l'ai imposé,<br />
comme je l'ai fait pour un autre ami Lakhdar Brahimi<br />
aux Affaires étrangères. Je connaissais les réserves des<br />
militaires à son égard du temps où j'étais moi-même à<br />
la tête de la diplomatie algéri<strong>en</strong>ne. Je suis obligé, avec<br />
le temps, de reconnaître qu'ils ont été beaux joueurs<br />
<strong>en</strong> ne s'opposant pas à sa nomination par le Présid<strong>en</strong>t,<br />
<strong>en</strong> se faisant viol<strong>en</strong>ce.<br />
J'ai choisi tous mes ministres parce que je n'étais<br />
pas demandeur du poste de chef de gouvernem<strong>en</strong>t. A<br />
l'Assemblée, l'APN, quand j'ai prés<strong>en</strong>té mon gouvernem<strong>en</strong>t<br />
à l'investiture, j'ai donné les raisons de mon<br />
acceptation de la fonction dans une situation insurrectionnelle<br />
à l'époque : «Ma solidarité avec le peuple<br />
algéri<strong>en</strong> et avec l'ANP.» Drôle de situation où c'est à<br />
l'ombre des chars que le gouvernem<strong>en</strong>t gouverne et<br />
que la population se rassure !<br />
Mon prédécesseur, démis, déclaré officiellem<strong>en</strong>t, la<br />
première <strong>en</strong>trée historique du FLN dans l'opposition.<br />
Un de ses députés lors des débats sur mon programme<br />
n'y va pas avec le dos de la cuillère : «Tu nous as dit que<br />
tu es là pour six mois pour préparer les élections législatives<br />
et voilà que tu nous prés<strong>en</strong>tes un programme<br />
comme si tu allais durer une éternité… tu courtises<br />
l'armée pour t'ouvrir les chemins de la présid<strong>en</strong>ce de<br />
la République. Je me cont<strong>en</strong>te de lui répondre que le<br />
mom<strong>en</strong>t vi<strong>en</strong>dra où il découvrira que «je ne suis là<br />
que pour six mois. Pour être le mouton du sacrifice».<br />
Vous trouverez tout cela et autres détails du programme<br />
et des débats dans les archives de l'Assemblée,<br />
du gouvernem<strong>en</strong>t ou des médias publics.<br />
J'étais ministre des Affaires étrangères quand, ayant<br />
eu v<strong>en</strong>t des tractations magouilles qui se tramai<strong>en</strong>t<br />
<strong>en</strong>tre l'équipe gouvernem<strong>en</strong>tale démise et le FIS pour<br />
ALGERIE NEWS Lundi 26 novembre 2012<br />
se partager le pouvoir, je prés<strong>en</strong>tai ma démission au<br />
Présid<strong>en</strong>t. La crise du Golfe est aussitôt interv<strong>en</strong>ue<br />
pour contrarier ma décision. Un ministre des<br />
Affaires étrangères qui démissionne <strong>en</strong> pleine<br />
guerre <strong>en</strong>tre Arabes, il y a mieux comme abandon<br />
de poste !<br />
Il est facile mais vain de dire a posteriori, mais a<br />
posteriori seulem<strong>en</strong>t, que si j'ai eu tort ou raison<br />
d'accepter la responsabilité. Et il est facile aussi<br />
d'inv<strong>en</strong>ter, comme explication à ma nomination, la<br />
thèse d'un «complot m<strong>en</strong>é <strong>en</strong>tre Ghozali et l'armée<br />
pour qu'il soit à la présid<strong>en</strong>ce de la République».<br />
Car tel fut le message propagé par mes prédécesseurs.<br />
Ce n'était pas la première fois qu'on disait de<br />
moi que je complotais pour être présid<strong>en</strong>t de la<br />
République.<br />
La première fois de ma vie professionnelle où<br />
j'ai nourri le projet d'être présid<strong>en</strong>t de la<br />
République, c'était fin 1998, quand j'ai fait ma<br />
déclaration d'int<strong>en</strong>tion de me prés<strong>en</strong>ter aux élections<br />
«<strong>en</strong>core faut-il, avais-je précisé, qu'il y ait<br />
compétition».<br />
Mais jamais au grand jamais, je n'ai songé ni à<br />
être chef du gouvernem<strong>en</strong>t, ni présid<strong>en</strong>t de la<br />
République, ni même à être ministre des Finances<br />
de Chadli puisque j'ai été rappelé de force de<br />
Bruxelles.<br />
Mais M. Ghozali, excusez-moi, avoir de l'ambition,<br />
c'est légitime ! Est-ce que vous voulez dire<br />
que vous regrettez votre itinéraire…<br />
Je n'ai absolum<strong>en</strong>t aucun regret. A mon s<strong>en</strong>s,<br />
l'ambition personnelle n'est pas illégitime, si on<br />
veut servir les g<strong>en</strong>s, le pays dans le cadre de l'intérêt<br />
général ! Encore faut-il que l'ambition personnelle<br />
soit étroitem<strong>en</strong>t associée à une ambition collective.<br />
Ce que je dénonce, c'est l'ambition personnelle à<br />
elle seule c'est-à-dire la recherche du pouvoir pour<br />
le pouvoir.<br />
On me lance souv<strong>en</strong>t comme preuve de cette<br />
sempiternelle appart<strong>en</strong>ance au système, le fait que<br />
j'ai été présid<strong>en</strong>t de Sonatrach.<br />
On oublie seulem<strong>en</strong>t, que c'est une petite<br />
équipe d'Algéri<strong>en</strong>s se comptant sur les doigts d'une<br />
seule main qui <strong>en</strong> sont les géniteurs. J'ai fait partie<br />
de cette équipe et c'est dans mon bureau de directeur<br />
de l'énergie que nous avons mis au point le<br />
projet de décret de création de la Sonatrach. C'est<br />
de mon bureau que le décret est parti à la signature<br />
de B<strong>en</strong> Bella. Aucune autorité politique de l'époque<br />
n'avait ça <strong>en</strong> tête. Cela n'<strong>en</strong>lève ri<strong>en</strong> au mérite politique<br />
qui échoit à B<strong>en</strong> Bella d'<strong>en</strong> avoir décidé la<br />
fondation, ni celui qui revi<strong>en</strong>t à Boumediène pour<br />
l'avoir accompagnée dans son parcours durant 13<br />
ans, qui l'a sout<strong>en</strong>ue et l'a protégée dans un <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t<br />
bureaucratique et politici<strong>en</strong> des plus<br />
hostile.<br />
Je n'ai pas été parachuté au fauteuil de présid<strong>en</strong>t<br />
d'une Sonatrach de 120 000 personnes. J'ai été son<br />
présid<strong>en</strong>t quand elle était à l'état d'un décret, <strong>en</strong><br />
début d'application et une petite poignée, de<br />
cadres. C'est 14 ans après que je l'ai quittée à l'état<br />
d'une société de standing inter<strong>national</strong> et de<br />
120 000 employés. C'était pour ses pères fondateurs<br />
et pour ceux qui ont grandi avec elle, une av<strong>en</strong>ture<br />
humaine exceptionnelle. Sonatrach n'a pas été une<br />
faveur dont nous aurait gratifiés le régime, qui lui<br />
fut au contraire plutôt hostile. Ce fut une institution<br />
qui fut édifiée malgré le régime, hormis le souti<strong>en</strong><br />
de Boumediène, de Belaid Abdesselam, son<br />
présid<strong>en</strong>t de la première année puis ministre de<br />
tutelle, rares fur<strong>en</strong>t les membres de l'establishm<strong>en</strong>t<br />
qui à l'instar de Ahmed Medeghri, Kaid Ahmed, se<br />
montrèr<strong>en</strong>t amicaux à son égard.<br />
Le reste était hostile à comm<strong>en</strong>cer par les services<br />
de sécurité. D'abord, parce qu'ils étai<strong>en</strong>t marqués<br />
par la propagande de nos part<strong>en</strong>aires français<br />
qui, eux, savai<strong>en</strong>t où allait m<strong>en</strong>er Sonatrach. Les<br />
Français savai<strong>en</strong>t que Sonatrach était faite pour se