Après <strong>le</strong> succès de “L’héritage (fes Celtes” et de sa version live, Dan Ar Braz persiste et signe avec “FiniSïiPres’'’, la suite logique de son prédécesseur. ■y Rencontre avec un troubadour des temps modernes i . Par D aniel Reyes Photos Terrasson
Dan Ar Braz, tu es avant tout un guitariste. Pourtant la guitare est très peu mise en avant sur <strong>le</strong>s albums avec THéritage des Celtes. Cela ne te fruste pas un peu ? Dans cet album , il était effectivement question de mettre la guitare un peu plus en avant, et après l'enregistrement de l'album , on a considéré qu'el<strong>le</strong> l'était. M ais avec un peu de recul, je m 'aperçois qu'au bout du com pte, el<strong>le</strong> ne l’est pas. Ils y a trois instrum entaux qui n'ont pas été retenus parce qu’il y en avait trop. Il a fallu faire un choix. Il fallait privilégier <strong>le</strong> col<strong>le</strong>ctif une fois de plus, non pas aux dépends de la guitare, mais avec la guitare. Ce qui intéresse <strong>le</strong>s gens dans l'Héritage des Celtes, c'est l'ensem b<strong>le</strong>. Je pense que la guitare intéresse moyennement <strong>le</strong> grand public. IL y a des gens qui viennent me voir des fois et ils me disent: «Vous n'êtes pas <strong>le</strong> guitariste de Dan Ar Braz ? C'est très rigolo, il y a une assim ilation. Je suis sûr que si on faisait une enquête auprès de ceux qui ont acheté mes album s avec l’Héritage, on s'apercevrait que ce n'est pas la guitare qui prime forcément. M ais il y en a un petit peu quand même ! Moi, je dirais juste suffisam m ent . Disons qu'il y a la touche Dan ar Braz, et au-delà d'avoir beaucoup de guitare, il y a la cou<strong>le</strong>ur que j'ai l'intention d’utiliser dans <strong>le</strong>s temps qui viennent. Donc m aintenant je travail<strong>le</strong> - en fait j'y travail<strong>le</strong> depuis déjà longtemps- su r <strong>le</strong> projet qui suivra. Si c'est possib<strong>le</strong> ! Car ou cela va nous mener cette histoire, je n'en sais rien. Nous n'avons pas encore travaillé sur l’étranger, et si l'étranger s'enc<strong>le</strong>nche, avec <strong>le</strong> premier, <strong>le</strong> live et celui-là, j ’en ai au moins <strong>pour</strong> 2 ou 3 ans. Donc la guitare va rester encore un peu en retrait durant tout ce tem ps et c'est un peu ... oui en fait c ’est vrai que c est un peu frustrant. La guitare ne me manque pas au sens technique du terme, el<strong>le</strong> me manque comme moyen d'expressio n. Tout ce qui m 'est arrivé depuis quelques années, ça m'a bien travaillé. Je n'ai plus été confronté aux tournées solos où j'étais obligé de faire un répertoire très varié. Par ce fait, je suis revenu à l'essentiel de la guitare. J ’ai envie de jouer des mélodies. La guitare gym nastique, ce n'est plus de mon âge. Je laisse ça aux autres. Il y a par exemp<strong>le</strong> dans l'album des morceaux comme «La Broella» ou «Finisterres» où la mélodie de la guitare prime sur <strong>le</strong> côté technique. C'est ce genre d’approche de la guitare que je veux faire et c'est donc un peu frustrant parce qu'il va falloir que j'attende. Je <strong>pour</strong>rais résum er en disant que L’Héritage des Celtes, c'est <strong>pour</strong> moi une prison dorée. Tu veux revenir à quelque chose qui se situerait plus dans l’esprit des albums «Septembre B<strong>le</strong>u» ou «Musique <strong>pour</strong> <strong>le</strong>s si<strong>le</strong>nces à venir» ? Oui, c ’est ça. En fait, il y a un troisième album qui est prêt, et qui doit former une trilogie avec <strong>le</strong>s deux autres. Avant que l’Héri- tage des Celtes ne se réalise, j ’étais parti sur un projet instrumental tout en me posant la question de savoir com m ent faire <strong>pour</strong> que ce disque se vende plus. Mon idéal, ce n’est pas de vendre dans l'absolu, c ’est de vendre suffisam m ent <strong>pour</strong> pouvoir vivre de ma m usique. J'a i trouvé un truc et je <strong>le</strong> garde dans mon tiroir. L'idée, en travaillant à partir de la musique instrum enta<strong>le</strong>, c'était de faire une approche vers une grande maison de disque, trouver une accroche et dans un prem ier tem ps, de jouer des mélodies connues à la guitare, avec <strong>le</strong> risque que cela comporte de se voir accuser de jouer de la musique d'ascenseur -m ais ça je m ’en fous !- et puis après, une fois avoir acquis une certaine reconnaissance, revenir à ce qu' il y a eu ava n t, c'est-à-dire «M usique <strong>pour</strong> <strong>le</strong>s si<strong>le</strong>nces à venir» et «Septembre B<strong>le</strong>u» et au troisièm e qui s'appel<strong>le</strong> «A la mémoire des INTERVIEW vo<strong>le</strong>ts blancs». Comme je l'ai dit, il est déjà prêt. Ces trois disques là, ça aurait fait <strong>pour</strong> moi comme un coffret, un hymne instrumental à l'ado<strong>le</strong>scence, à l'enfance. Et puis bon, entre tem ps, il y a eu L'Héritage qui, ce n'est pas un hasard, m'est tombé dessus, et je suis parti dans cette aventure là, qui correspond à des choses auxquel<strong>le</strong>s je crois, m ais qui dépasse bien souvent la musique. Ce sont plus des idées, <strong>le</strong>s idées d'une certaine Bretagne que j'idéalise un petit peu. Et quand tu as une occasion d’exprim er tes idées, tu ne la laisses pas passer. Ce qui fait q u'effectivem ent, tout <strong>le</strong> reste <strong>pour</strong> <strong>le</strong> moment reste dans l’expectative. il y a des gens <strong>pour</strong> qui j ’ai tel<strong>le</strong>ment d’admiration que j ’ai l’impression de <strong>le</strong>ur arriver au premier doigt de pied Tu par<strong>le</strong>s d’une certaine idée de la Bretagne. Ne penses-tu pas que <strong>le</strong>s gens qui écoutent l ’Héritage des Celtes aujourd’hui, n'y voient aucune idée politique, aucune revendication, contrairement au public dans <strong>le</strong>s années 70, et sont en fait affirmés par <strong>le</strong> phénomène de mode qu’est plus ou moins devenu la musique celtique ? Phénomène de mode, ça reste à définir, parce que nous, dans <strong>le</strong>s années 8 0 , on n’a pas arrêté de jouer de la musique celtique, ou de la musique de Bretagne. Il n’y jam ais eu autant de m usiciens, de groupes que dans <strong>le</strong>s années 8 0 , alors que l’on n’en parlait pas à Paris. Oui mais <strong>le</strong>s dizaines de compilations qui sortent actuel<strong>le</strong>ment, el<strong>le</strong>s entrent tout de même bien dans <strong>le</strong> processus d'un phénomène de mode ? Ca se sont <strong>le</strong>s m archands et je n'y peux rien m alheureusem ent. Si tout ça tombe à l'eau, ils seront responsab<strong>le</strong>s et ils s'en foutent com plètem ent. Et puis, il y a des gens qui font ça en Bretagne aussi, c'est partout, il n'y a pas qu'en France. M ais même si la m usiq ue celtiq ue est victim e de son su ccès, moi je continuerai de toute façon, quoiqu'il arrive. Il n'y qu'a revoir mes interview s des années 7 0 et cel<strong>le</strong>s des années 9 0 , il n’y a pas photo, j'ai exactem ent <strong>le</strong> même discours, je n’ai pas arrêté de dire la même chose. Peut-être que m aintenant je suis juste un peu plus réaliste. Enfin j'espère. M ais effectivement, cette histoire de mode, ça devient n'importe quoi. J ’ai refusé a deux reprises des com pilations de mes disques plus anciens. J ’aurais pu accepter et j'aurais gagné encore plus d'argent, m ais <strong>pour</strong> quoi faire ? Pour faire capoter l'héritage, certainem ent pas ! J'ai eu des demandes parce que des gens se sont dit «tiens ! Il a un fond de catalogue !» ...lls ont demandé à ma maison de disques si je voulais bien faire des com pil', et comme dieu merci je suis propriétaire des bandes, j ’ai dit non. Tu as dû trouver un nouveau public en Bretagne, mais n ’as tu pas peur que <strong>le</strong>s anciens fans de Dan ar Braz, ceux de la période 70 soient un peu déçus, voir dérangés par un projet tel que l'Héritage des Celtes ? Je ne crois pas. Tu sais, mes disques d'avant, j ’en ai vendu entre dix et vingt mil<strong>le</strong> par album . C'est super de vendre ça dans une petite maison de disque et il faut relativiser <strong>le</strong>s choses. Depuis la sortie de l'héritage, mes ventes des anciens album s n’ont pas augmenté énormément. Les gens iraient acheter plus faci<strong>le</strong>m ent un disque du Bagad Kemper ou de Karen Matheson. Ca, je l'ai com pris après. Il y a un décalage et ça ne me dérange pas du tout. Au début, ça m'a intrigué, m ais je l’accepte. Effectivem ent, j ’ai bien un noyau de fans. Je ne veux pas <strong>le</strong>s diminuer, et s'il ne sont pas très nombreux, ce sont eux qui m ’ont perm is d’exister pendant des années. Ceux qui s'intéressent vraiment à la guitare de Dan, je dirais qu’ils sont 10 ou 1 5 0 0 0 sur 3 5 0 0 0 0 , c ’est pas énorme ! Mais je préférerais toujours 1 0 0 0 0 personnes qui te suivent et te permettent de faire la musique que tu aim es plutôt que d’avoir tout d’un coup un public vaste qui te noie complètement et dont tu n’arrives pas à sortir. Et puis, il y en a quelques-uns qui m ’écrivent, ça me fait plaisir, ça me conforte dans l’idée qu’il ne faut pas abandonner. De toute façon je n’abandonnerais pas. Je disait tout-à-l’heure que j’étais dans une prison Hiver 97 ^