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P O P A
C H U B B Y
INTERVIEW
L'artillerie lourde du B lu es
Popa Chubby pourrait donner à penser, au
premier abord, qu’il est un joueur de heavy
métal plombé et grailleux, avec sa bouille de
gros balèse et ses tatouages rock’n’roll. Le
titre de son dernier album, "One Million Bro-
ken Guitars”, vient lui aussi renforcer encore
cette apparence décidément trompeuse :
au contraire de tout ça, Popa Chubby est un
mec tranquille, réfléchi, sympa et sincère
avant tout, dont le seul mot d’ordre est
“musique”. Démonstration par l’exemple.
^ Rockstyle n° 23
Pourquoi es-tu passé de Sony à Dixie Frog Records ?
Eh bien.,. Disons que Sony et moi n'avions
plus rien à faire ensemble ! J'ai fait un
album pour eux, qui au début devait être produit
par Torn Dawn, un producteur légendaire
qui a bossé avec Ray Charles, Aretha
Franklin, Cream et également avec d’autres
pointures ; et alors que j'enregistrais avec
lui, les m ecs de Sony n'ont plus voulu que
nous travaillions ensemble et m'ont demandé
de reproduire en entier l'album à ma façon.
Je leur ai répondu que moi j'étais guitariste et
non pas producteur. J'ai laissé tomber ce deal
qui ne me convenait pas et peu après, j'ai
rencontré Philip dans un midem dans le sud
de la France. Il s ’est trouvé que nous étions
sur la même longueur d’onde, m usicalem ent,
ce qui pour moi est très important. Je n'ai
pas besoin que l'on me dise ce que j ’ai à faire
et la seule réponse que j'ai à donner si l'on
veut orienter ma musique contre mon gré
est : “allez vous faire foutre" !
Tu as écrit sur la jaquette de ton album que tu as
cassé une guitare en France et qu’on ne fait pas
d’omelette sans casser d ’œufs... Si tu as cassé un
million de guitares sur cet album, serait-ce ta plus
grosse omelette ?
Je n'ai pas encore cassé autant de guitares,
m ais j'y travaille ! Non, en France, ce n'était
pas intentionnel, la gratte est tombée. J ’ai
dégommé une ou deux guitares en tout
depuis le début. Parfois on est frustré, si tu
vois ce que je veux dire. Pour n'importe quelle
raison, parce que tu t'es engueulé avec ta
copine, parce que la maison de disque te les
casse ou fait un boulot de merde, parce que
le son est m auvais, parce que le batteur
craint, parce que tu crains toi-même, parce
que ta guitare refuse de sonner comme tu le
lui ordonnes... Et pourtant je ne suis pas le
genre nerveux ! Cela dit, pour répondre à ta
question, cet album est mon plus gros effort,
et de loin. C ’est le disque dans lequel j ’ai m is
le plus de moi-même. Le plus de travail, le
plus de passion, le plus de tout ce que j ’ai pu
donner. J'a i m is du mien en quantité dans
mes album s précédents, m ais je crois que
Par Charles Legraverand
dans celui-là, j'y ai mis un
petit peu plus encore et c ’est
ce qui fait la différence. Ceci
est normal : comme le tem ps
passe, mon jeu progresse et
se charge de nouvelles choses ou se solidifie
: j'ai donc l'occasion de mettre un peu plus
de moi à chaque fo is... Et des choses
m eilleures, je l’espère. Sur cet album -ci, il y
a certaines choses qui sont apparues et que
je guettais depuis un bon bout de tem ps,
com m e... Tu vois, j'adore un bon riff. Je suis
à fond dans le riff. Il n'y a rien de tel qu'un
grand riff de guitare. C'est ce avec quoi on
fait une bonne chanson. Et je suis à fond
également dans le rythm e, dans le groove,
dans l’harmonie, dans la melodie, et tous
ces constituants annexe d'une bonne chanson.
Il me sem ble que toutes ces choses se
sont données rendez-vous dans cet album .
Tu parles parfois comme un joueur de heavy métal...
Et qu’est-ce que le heavy métal ? C'est du
rock, m ec. Que ce soit AC/DC, Led Zeppelin
ou M etallica, ce sont de gros riffs qui déménagent,
c ’est du rock'n'roll (il frappe sur la
table un rythm e). C'est le truc bête et efficace,
où tu dois headbanger et surtout pas trop
réfléchir ! J'aim e le rock'n'roll, j ’aim e le
heavy métal.
Le blues aussi est une musique facile... Une gamme
à cinq notes et des riffs standards...
O uais, c ’est sû r que c'est fa c ile ... Je ne dirais
pas le contraire. M ais si c ’est si facile,
prends une guitare et monte sur scène !
Montre-moi à quel point c'est facile ! Mais
tu sais, je ne suis pas un joueur de blues traditionnel,
loin de là. Je ne joue pas du pur
blues, je joue du blues basé rock'n'roll. Ou
plutôt du blues basé rock. Rock comme
m usique populaire, avec du groove, du rythm
e, de l'âm e.
Que t ’apportes ta musique en dehors de l ’argent,
j ’espère ?
Oh, oublie le fric, c ’est le truc le moins
important pour moi. La m usique est la passion
de ma vie ; elle est la raison pour
laquelle je me lève le matin : la raison pour
laquelle je me couche aussi. Tout ce que je
fait est dédié à la m usique. Ce n'est pas une
partie de ma vie, r'e st ma vie tout entière.
Pour beaucoup de m usiciens, les choses
sont différentes. Ils se disent : “ maintenant
je suis un m usicien, à présent je ne le suis
plus, je suis une rock star, un poseur” ! Je
pense que tous ces poseurs de merde doivent
être élim inés ! Aussi loin que je puisse
m'en rappeler, j'ai toujours aim é et voulu
faire de la m usique.
Quel est ton sujet de discussion favori ?
La vie. Il faut être philosophe et y penser par
soi-m êm e, parce que personne ne détient
aucune réponse. Mon sujet de discussion
favori est le sens de la vie. Qu’est-ce que
nous foutons ici et pourquoi nous y som m es.
Qui que tu sois, un clochard ou Madonna,
que tu aies la tête remplie ou vide, tu te
poses les mêmes questions. Nous avons
tous les m êm es. Tout le monde se dit ça :
“Ok. Je suis su r cette planète, en vie, et un
jour je vais la quitter. Je ne sais pas ce qu’il
y a après. Alors qu’est-ce que je fais ici et
pourquoi ?". Ce sont les questions auxquelles
nous devons tous faire face à un
moment ou à un autre. Et je pense que l’art
est une expression de ceci. Qu'il esf une
expression de la vie. Qu'est-ce que la philosophie
? C ’est juste le fait d’intellectualiser
ces questions que nous avons tous en nous.
Es-tu croyant en quelque chose ?
Pas en Dieu, en tout cas. Pas en l'image d'un
vieux bonhomme assis sur un nuage qui me
dirait “sois un bon garçon et tu seras récompensé".
Je ne crois pas au chantage divin. Je
pense qu’il y a une force supérieure dans l’univers
et qu'elle est au-delà de ma compréhension
d'être humain. Cela ne m’intéresse pas
d'essayer d’imaginer quelle apparence cela a.
Tu peux l'appeler Dieu, ou Force, ou tout ce
que tu voudras, mais je crois que quelque
chose existe et émet des lois positives. Si tu es
en communication avec cette force, tu es
capable de créer tout ce que tu veux.
N'est-ce pas un peu naïf ?
(Un moment) Oui, c ’est naïf, absolum ent,
m ais la naïveté n'est pas un défaut à mon
sens. N'as-tu ja m ais fait quelque chose pour
la première fois avec succès, san s réfléchir à
ce que tu faisa is, et lorsque tu recommences
en te posant des questions, tu échoues ? Je
crois qu'approcher les choses de façon naive
n’est pas un m auvais procédé. Je crois sin ­
cèrem ent au pouvoir de l'esprit de l'être
hum ain. Je crois qu’on peut, avec la volonté,
contrôler parfaitem ent sa propre réalité ;
pas les circonstances, bien sûr, m ais son
être. Ses décisions. Je veux dire : qu'est-ce
qu'un disque ? Avant de faire un disque, il
faut y penser. Et ensuite tes pensées deviennent
actions, et tes actions concrétisent ta
pensée, qui devient physique... M ais je ne
suis qu’un joueur de guitare, pas un philosophe
!
Quel est ton meilleur souvenir en tant que musicien ?
Un de mes m eilleurs souvenirs est le dernier
concert que j'ai donné à Paris au Batacian.
Ce fut une de ces nuits où tout fonctionne à
m erveille et ou les kids sont à fond dans la
m usique et répondent super bien à la
moindre note. D’une façon générale, chaque
moment où le public se soucie de ma
m usique autant que moi-même est à mettre
dans mes m eilleurs souvenirs. Celui où il n'y
répond pas, ou il n'est pas touché par elle
est à mettre dans les pires.
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