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INTERVIEW
L E V E L L E R S
Ils sont cinq aussi, britanniques aussi, mais n'ont rien d'autre en commun avec les Spice Girls.
Non, décidément, The Levellers seraient plutôt d'une autre Angleterre que celle-là: une étonnante
et fantasque Angleterre où Sid Vicious, violon au poing, se sifflerait une bière de plus avec
le dernier marin triste qui passe. En tournée en France à 1' occasion de la sortie de leur nouvel
album, «Mouth to Moutb» ils traînent derrière eux un vent de pure folie jubilatoire. Shocking !
Le nouvel album des Levellers est un drôle de
mélange entre musique punk, rock et folk. Comment
expliques-tu ce mélange original, sachant que vous
êtes un groupe anglais ?
Nous som m es de Brighton, tu sais, et il existe
en Angleterre aussi, et surtout à Brighton,
une grande tradition folk, un peu com m e en
Irlande ou en Ecosse. M ais pour être honnête,
ce n est pas exactem ent dans cette tradi-
tion-là que nous puisons nos influences. En
fait, nous som m es mordus de m usique folk
irlandaise, qui nous sem ble beaucoup plus
excitante. A Brighton, il y a une grosse com ­
munauté irlandaise et en sortant pour aller
boire un coup, nous avons constam m ent
baigné dans cette am biance-là. Beaucoup
d'autres pubs, d'ailleurs, n'aim aient pas trop
nos dégaines alors, on traînait plutôt avec
les irlandais. Et plus, on écoutait leur
musique folk, plus on se rendait compte que
les textes de leurs chansons étaient comme
de vrais textes punk-rock, c’étaient d'incroyables
chansons anticonform istes, souvent
politiques, avec ju ste une guitare
acoustique, ça nous fascinait !
Quel est le point de départ de votre travail, la
musique ou les textes ?
Les deux, vraim ent ! Parfois, j'écris des
textes que je donne à Mark ou Sim on, et ils
mettent ça en m usique. D'autres fois, ils ont
des accords et on trouve ensuite des mots
qui collent bien à r atm osphère. Et puis des
fois, tout est là d'un seul coup, avec une guitare
acoustique et un texte déjà fait. C ’est le
groupe entier. On répète entre nous jusqu'à
ce que ça tourne bien. En fait, tu vois, c'est
plutôt Mark et Sim on, les deux chanteurs,
qui composent les m usiques m ais le reste du
groupe travaille aux arrangem ents.
Vos disques semblent plutôt mettre en avant la
musique...
Non, les textes aussi sont fondam entaux,
vraim ent, et en fait, on ne peut pas les dissocier
de la m usique. Tous deux se servent
m utuellem ent. Ce que nous aim ons par dessus
tout, avec Levellers, c'est communiquer.
Il est donc important pour nous que les gens
écoutent ce que nous avons à dire, même
s'ils ne comprennent pas toujours tout. Oui,
c'est important qu'ils s'approprient nos mots,
qu'ils en fassent ce qu'ils veulent dans leurs
im aginaires propres, même si ça devient différent
de ce que nous avons voulu dire au
départ. Ce que nous cherchons avant tout,
c'est de rendre, grâce à la m usique, les gens
joyeux, nous voulons être positifs même si
nos textes peuvent parfois sem bler un peu
nostalgiques. Nous aim ons regarder devant
nous, et garder nos distances par rapport
aux événem ents. C'est ce qui explique l‘ ironie
de nos textes aussi, c'est com m e ça que
nous aim ons vivre !
Pourquoi avoir indu dans cet album une section
cuivre, et un ensemble de cordes ? C’est la première
fois, je crois...
Oui, pratiquem ent, puisque nous avons déjà
enregistré une petite fois avec des cuivres.
Mais quand nous nous som m es réunis pour
travailler «Mouth to Mouth» , le nouvel
album , nous voulions vraim ent qu'il sonne
différemment des autres. Jusqu'àprésent,
nous hésitions à jouer avec d'autres gens,
nous aim ions bien nous retrouver tous les
cinq, ça nous convenait. Cette fois, nous
n'avons pas procédé de la même m anière.
Nous avons décidé de tout mettre en oeuvre
pour que les chansons soient bonnes, de
tout mettre au service de la m usique. Si on
pensait qu'une chanson avait besoin de
quelque chose, on essayait. C'est com m e ça
que nous avons m is du piano sur certaines,
c'était la première fois, le piano, ou des
cuivres ou des co rd es... On voulait briser nos
schém as habituels et se donner plus de possibilités
m usicales.
J'ai un petit problème avec ce disque.- je trouve qu'il
renifle la bière à plein nez, et vous n'arrêtez pas,
dans les paroles, de parler de vin. Qu'est-ce qui se
passe, qu'est-ce qui vous arrive ?!...
(R ires) Tu sais, nos chanteurs boivent beaucoup,
ils écrivent toujours les chansons en
buvant, et c'est vrai qu'on appartient à une
grande tradition de buveurs de bière... Mais
Par Frédéric Aribit
le vin, ça convient bien aussi pour une certaine
image qu'on aim e, une certaine image
de décadence...
Pour parler un peu d'autre chose, qu'est-ce que tu
écoutes en ce moment ?
Le dernier disque que j'ai acheté, c'est celui
de The Verve. Je trouve ça très bon. Sinon,
j'avoue que je n'écoute pas grand-chose de
la m usique récente, j'en suis encore avec les
Clash ou Led Zep, je trouve qu'il y a tout, là-
dedans, vraim ent I Je pense que la musique
actuelle n'est pas à cette hauteur-là. C'est
vrai pourtant qu'en Angleterre, on a aujourd'hui
une m eilleure m usique qu'il y a
quelques années à peine, où tout était «bien-
pop-bien-propre» et que tous les groupes se
copiaient les uns les autres pour finalem ent
faire tous la même chose.
The Levellers n'a pas encore vraiment trouvé son
public en France, alors que vous êtes très populaires
en Angleterre et ailleurs. Comment expliques-
tu cela ?
En fait, dès le début, on a beaucoup pi us
tourné en Allem agne, en Suède, des endroits
ou on m arche plutôt bien, m aintenant. Et
puis, on n'a pas eu de chance à cette
époque-là puisque pour la tournée prévue en
France, je suis tombé très m alade et on a dû
tout annuler. Ce qui fait qu'il n'y a que deux
ou trois ans à peine que nous avons com ­
mencé àjouer ici, nous avons donc des
choses à rattraper, des choses à prouver,
encore. M ais nous sentons, à chaque fois
que nous venons, que le courant passe de
mieux en mieux et nous aim ons beaucoup
jouer en France.
Hiver 9 7 E E