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Erdemovic - Arrêt - Opinion individuelle et dissidente de M. le ... - TPIY

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5. Conclusions à tirer <strong>de</strong> la jurispru<strong>de</strong>nce sur la contrainte, dans <strong>de</strong>s cas <strong>de</strong> crimes <strong>de</strong> guerre <strong>et</strong><br />

crimes contre l'humanité impliquant <strong>le</strong> meurtre <strong>de</strong> personnes innocentes.<br />

40. J'ai mentionné l'argument <strong>de</strong> l'Accusation selon <strong>le</strong>quel une exception s'était progressivement<br />

dégagée dans <strong>le</strong> droit coutumier international excluant la contrainte comme excuse recevab<strong>le</strong> pour<br />

<strong>de</strong>s crimes impliquant <strong>le</strong> meurtre <strong>de</strong> personnes innocentes . C<strong>et</strong> argument ne peut se fon<strong>de</strong>r que sur<br />

une affaire canadienne (Hölzer <strong>et</strong> consorts , mentionnée au paragraphe 26, supra) ainsi que sur <strong>le</strong>s<br />

règ<strong>le</strong>ments militaires du Royaume-Uni <strong>et</strong> <strong>de</strong>s Etats-Unis (para. 29, supra). Mais on doit m<strong>et</strong>tre ces<br />

éléments <strong>de</strong> coutume en contraste avec <strong>de</strong>s éléments opposés, à savoir la jurispru<strong>de</strong>nce fournie que<br />

je viens juste d'examiner ainsi que la législation opposée que l'on trouve dans tant <strong>de</strong> pays <strong>de</strong> droit<br />

romain (cf. note 63, supra) 102 . Selon moi, c<strong>et</strong>te contradiction flagrante entre <strong>le</strong>s pratiques <strong>de</strong>s<br />

différents Etats mène au rej<strong>et</strong> <strong>de</strong> l'argument <strong>de</strong> l'Accusation : aucune règ<strong>le</strong> coutumière particulière<br />

ne s'est dégagée en droit international sur la question <strong>de</strong> savoir si la contrainte peut, oui ou non, être<br />

admise en tant qu'argument exonératoire dans <strong>de</strong>s affaires <strong>de</strong> crimes impliquant l'exécution <strong>de</strong><br />

personnes innocentes.<br />

41. Comme je l'ai fait remarquer, la majorité <strong>de</strong>s membres <strong>de</strong> la Chambre d'appel est parvenue à<br />

c<strong>et</strong>te même conclusion, bien qu'en utilisant <strong>de</strong>s arguments distincts . Cependant - <strong>et</strong> là, je ne souscris<br />

pas à l'opinion <strong>de</strong> la majorité - la majorité <strong>de</strong>s membres <strong>de</strong> la Chambre d'appel ne tire pas <strong>de</strong><br />

l'absence d'une règ<strong>le</strong> généra<strong>le</strong> la seu<strong>le</strong> conclusion logique, à savoir que l'on doit appliquer, au cas<br />

par cas, la règ<strong>le</strong> généra<strong>le</strong> sur la contrainte à toutes <strong>le</strong>s catégories <strong>de</strong> crimes , qu'il y ait eu ou non<br />

meurtre. J'étudierai plus en détail ce que je considère être - avec respect - <strong>de</strong>s fail<strong>le</strong>s dans l'opinion<br />

<strong>de</strong> la majorité. Pour l'instant, je voudrais approfondir la conclusion logique que je viens <strong>de</strong> formu<strong>le</strong>r.<br />

C<strong>et</strong>te conclusion est la suivante : même en cas <strong>de</strong> crimes <strong>de</strong> guerre <strong>et</strong> crimes contre l'humanité<br />

impliquant un meurtre, un tribunal pénal international confronté à la question <strong>de</strong> la contrainte , doit<br />

appliquer, au moins, <strong>le</strong>s quatre critères définis ci-<strong>de</strong>ssus (Cf. para . 16, supra), à savoir 1) une<br />

menace grave <strong>de</strong> mort ou d'atteinte à l'intégrité physique ; 2) pas <strong>de</strong> moyens appropriés perm<strong>et</strong>tant<br />

d'échapper à c<strong>et</strong>te menace; 3) proportionnalité <strong>de</strong>s moyens utilisés pour échapper à la menace ; 4) la<br />

situation <strong>de</strong> contrainte ne doit pas avoir été provoquée par la personne-même qui la subit.<br />

42. Le troisième critère - la proportionnalité (en d'autres termes, la solution choisie ne doit pas être<br />

disproportionnée par rapport au mal ou si l'on préfère, <strong>le</strong> moindre <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux maux doit être choisi) -<br />

sera, en pratique <strong>le</strong> plus diffici<strong>le</strong> à remplir lorsque <strong>le</strong> crime reproché implique <strong>le</strong> meurtre<br />

d'innocents. Peut-être, bien que cela relève <strong>de</strong> la décision d'une Chambre <strong>de</strong> première instance ou<br />

d'un juge , ce critère ne sera-t-il jamais rempli chaque fois que l'accusé sauvera sa vie aux dépens <strong>de</strong><br />

cel<strong>le</strong> <strong>de</strong> sa victime, puisque <strong>le</strong>s difficultés philosophiques , mora<strong>le</strong>s <strong>et</strong> juridiques qui décou<strong>le</strong>nt du<br />

fait <strong>de</strong> m<strong>et</strong>tre ainsi en balance une vie contre cel<strong>le</strong> d'autrui sont énormes, voire insurmontab<strong>le</strong>s.<br />

Comment un juge peut-il se convaincre que la vie d'une personne valait moins que cel<strong>le</strong> d'une<br />

autre ? Réciproquement , cependant, lorsque il n'y a pas <strong>de</strong> choix direct entre la vie <strong>de</strong> la personne<br />

agissant sous la contrainte <strong>et</strong> la vie <strong>de</strong> la victime - en d'autres termes, dans <strong>de</strong>s situations où il est<br />

très probab<strong>le</strong> que la personne subissant la contrainte ne pourra pas sauver la vie <strong>de</strong>s victimes,<br />

quoiqu'el<strong>le</strong> fasse - la contrainte pourrait peut- être être utilisée avec succès comme moyen <strong>de</strong><br />

défense. Une fois <strong>de</strong> plus, ce sera au juge ou au tribunal saisi <strong>de</strong> l'affaire <strong>de</strong> statuer à la lumière <strong>de</strong>s<br />

éléments <strong>de</strong> preuves disponib<strong>le</strong>s. Le tribunal jugera peut-être, dans une affaire donnée, que l'accusé<br />

n'a pas fait tout ce qui était en son pouvoir pour sauver <strong>le</strong>s victimes avant <strong>de</strong> cé<strong>de</strong>r à la contrainte ou<br />

que l'hypothèse selon laquel<strong>le</strong> el<strong>le</strong>s seraient mortes <strong>de</strong> toute façon n'est pas suffisamment<br />

corroborée. Cependant, ce qui est important ici - <strong>et</strong> c'est là la principa<strong>le</strong> pomme <strong>de</strong> discor<strong>de</strong> entre la<br />

majorité <strong>et</strong> moi-même -, c'est que c<strong>et</strong>te question <strong>de</strong>vrait être examinée par la Chambre <strong>de</strong> première<br />

instance avec tous <strong>le</strong>s faits la sous-tendant. La Défense ne <strong>de</strong>vrait pas se voir empêchée tota<strong>le</strong>ment<br />

<strong>et</strong> a priori d'invoquer l'excuse <strong>de</strong> la contrainte par une décision <strong>de</strong> ce Tribunal international stipulant<br />

que, en droit, <strong>le</strong> fait d'agir sous la contrainte ne peut jamais constituer un argument <strong>de</strong> défense<br />

lorsque <strong>de</strong>s innocents ont été tués. C'est une approche tota<strong>le</strong>ment dogmatique qui, <strong>de</strong> plus, ne trouve

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