Erdemovic - Arrêt - Opinion individuelle et dissidente de M. le ... - TPIY
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probab<strong>le</strong>, voire certain, que si la personne agissant sous la contrainte avait refusé <strong>de</strong> comm<strong>et</strong>tre son<br />
crime, celui-ci aurait été <strong>de</strong> toute façon perpétré par <strong>de</strong>s personnes autres que l'accusé. L'exemp<strong>le</strong> <strong>le</strong><br />
plus courant d'un tel cas est celui d'un peloton d'exécution qui est formé pour tuer <strong>le</strong>s victimes <strong>et</strong><br />
auquel <strong>le</strong>s accusés participent d'une manière ou d'une autre, soit en tant que membre actif 105 , soit en<br />
tant qu'organisateur 106 , mais seu<strong>le</strong>ment sous menace <strong>de</strong> mort. Dans ce cas, si une personne membre<br />
du peloton d'exécution refuse tout d'abord d'obéir mais doit fina<strong>le</strong>ment exécuter l'ordre, sous la<br />
contrainte , el<strong>le</strong> peut être excusée <strong>de</strong> son acte. En eff<strong>et</strong>, qu'el<strong>le</strong> ait ou non été tuée, qu'el<strong>le</strong> ait ou non<br />
participé à l'exécution, <strong>le</strong>s civils, prisonniers <strong>de</strong> guerre, <strong>et</strong>c... auraient été tués dans tous <strong>le</strong>s cas. Si<br />
el<strong>le</strong> avait choisi <strong>de</strong> respecter son obligation juridique <strong>de</strong> ne pas tuer <strong>de</strong>s personnes innocentes, el<strong>le</strong><br />
aurait el<strong>le</strong>-même perdu la vie, ce qui n'aurait servi à personne ni à rien, à part créer un exemp<strong>le</strong><br />
d'héroïsme pour l'humanité (ce que <strong>le</strong> droit ne peut en aucun cas exiger d'el<strong>le</strong>). Le sacrifice <strong>de</strong> sa<br />
propre vie aurait été vain. Dans ce cas, <strong>le</strong>s maux potentiels (la menace proférée à l'encontre <strong>de</strong> sa vie<br />
<strong>et</strong> la mort en découlant) seraient plus grands que <strong>le</strong>s remè<strong>de</strong>s (sa décision <strong>de</strong> ne pas comm<strong>et</strong>tre <strong>le</strong><br />
crime, c'est-à-dire, <strong>de</strong> ne pas participer à l'exécution).<br />
En somme, la règ<strong>le</strong> coutumière <strong>de</strong> droit international sur la contrainte, qui s'est dégagée sur la base<br />
<strong>de</strong> la jurispru<strong>de</strong>nce <strong>et</strong> <strong>de</strong>s règ<strong>le</strong>ments militaires <strong>de</strong> certains États, n'exclut pas la recevabilité <strong>de</strong> la<br />
contrainte dans <strong>de</strong>s affaires <strong>de</strong> crimes <strong>de</strong> guerre <strong>et</strong> crimes contre l'humanité, dont <strong>le</strong> crime ou délit<br />
central est l'assassinat ou <strong>le</strong> meurtre illégal. Cependant, étant donné que <strong>le</strong> droit à la vie est <strong>le</strong> droit<br />
<strong>de</strong> l'Homme <strong>le</strong> plus fondamental, la règ<strong>le</strong> exige que <strong>le</strong>s critères généraux d'existence <strong>de</strong> la contrainte<br />
soient appliqués <strong>de</strong> façon particulièrement rigoureuse dans <strong>le</strong> cas d'exécution <strong>de</strong> personnes<br />
innocentes.<br />
45. D'après une tendance qui semb<strong>le</strong> se dégager <strong>de</strong> la jurispru<strong>de</strong>nce, il faudra peut -être faire une<br />
distinction entre <strong>le</strong>s différents échelons hiérarchiques militaires ou civils lors <strong>de</strong> l'évaluation <strong>de</strong>s<br />
circonstances factuel<strong>le</strong>s qui pourraient établir la contrainte. Comme l'a souligné la Cour suprême du<br />
Canada dans l'affaire Finta , plus <strong>le</strong> rang hiérarchique <strong>de</strong> la personne recevant l'ordre assorti <strong>de</strong><br />
contrainte est bas, plus la probabilité <strong>de</strong> l'existence d'un choix moral réel est mince 107 . Cela, comme<br />
<strong>le</strong> souligna <strong>le</strong> Procureur dans l'affaire Feurstein <strong>et</strong> consorts , pourrait être d'autant plus vrai dans <strong>le</strong><br />
cas <strong>de</strong> soldats ordinaires formant un peloton d'exécution. Il soutint qu'en règ<strong>le</strong> généra<strong>le</strong>, ils ne<br />
<strong>de</strong>vraient pas être tenus responsab<strong>le</strong>s d'un crime qu'ils peuvent avoir reçu l'ordre <strong>de</strong> comm<strong>et</strong>tre 108 .<br />
46. De plus, un tribunal d'instance statuant sur un plaidoyer fondé sur la contrainte prendra peut-être<br />
en compte un autre facteur, à savoir si oui ou non, <strong>et</strong> dans quel<strong>le</strong> mesure, la personne dont il a été<br />
prouvé qu'el<strong>le</strong> avait agi sous la contrainte avait <strong>le</strong> désir <strong>de</strong> comm<strong>et</strong>tre <strong>le</strong> crime ou <strong>le</strong> délit. Pour ce<br />
faire, <strong>le</strong> tribunal pourra tenter <strong>de</strong> savoir si la personne qui aurait agi sous la contrainte a avoué à la<br />
première occasion qui s'est présentée <strong>le</strong> crime qu'el<strong>le</strong> a commis <strong>et</strong> l'a signalé aux autorités<br />
compétentes. Si la personne mise en cause ne l'a pas fait, alors on pourrait en déduire qu'el<strong>le</strong> a<br />
consenti à, <strong>et</strong> donc, souhaité l'acte qu'el<strong>le</strong> a commis sous la contrainte 109 .<br />
6. Considérations fina<strong>le</strong>s<br />
47. Je soutiens que <strong>le</strong>s règ<strong>le</strong>s juridiques internationa<strong>le</strong>s régissant la contrainte en cas <strong>de</strong> meurtre,<br />
comme j'ai tenté <strong>de</strong> <strong>le</strong> déduire <strong>de</strong> la jurispru<strong>de</strong>nce <strong>et</strong> <strong>de</strong> la pratique , sont à la fois réalistes <strong>et</strong><br />
f<strong>le</strong>xib<strong>le</strong>s. El<strong>le</strong>s tiennent éga<strong>le</strong>ment davantage compte <strong>de</strong>s aspirations socia<strong>le</strong>s que la règ<strong>le</strong> suggérée<br />
par l'Accusation <strong>et</strong> cel<strong>le</strong> mise en avant par la majorité.<br />
Le droit se fon<strong>de</strong> sur ce que la société peut raisonnab<strong>le</strong>ment attendre <strong>de</strong> ses membres . Il ne <strong>de</strong>vrait<br />
pas établir <strong>de</strong>s critères <strong>de</strong> comportement intenab<strong>le</strong>s qui exigent <strong>de</strong> l'humanité que ses membres<br />
<strong>de</strong>viennent <strong>de</strong>s martyrs <strong>et</strong> taxer <strong>de</strong> criminel tout acte ne respectant pas <strong>de</strong> tels critères.