Christina Dechamps* LES VARIATIONS SYNTAXIQUES EN ...
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<strong>Christina</strong> Dechamps *<br />
<strong>LES</strong> <strong>VARIATIONS</strong> <strong>SYNTAXIQUES</strong> <strong>EN</strong> BELGIQUE<br />
FRANCOPHONE ET LEUR RECEPTION AUPRES<br />
D’UN PUBLIC NON FRANCOPHONE<br />
Resumo<br />
Na primeira parte do artigo, a autora faz uma descrição pormenorizada das<br />
variações sintácticas do francês falado na Bélgica, com especial incidência<br />
nas diferenças de utilização das preposições observadas na Bélgica<br />
francófona. Na segunda parte, apresenta um inquérito proposto a um grupo<br />
de estudantes portugueses do primeiro ano da Faculdade de Letras da Universidade<br />
de Lisboa e comenta os resultados obtidos. Esse inquérito tem por<br />
objectivo analisar a reacção dos alófonos portugueses às variações linguísticas<br />
de tipo diatópico.<br />
1. Présentation des particularités linguistiques en Belgique<br />
francophone<br />
Comme il l’a été souvent démontré, le français est loin d’être une<br />
langue homogène dans les différentes régions de la francophonie<br />
malgré le semblant d’unité que véhiculent les média ou même<br />
l’enseignement. Chaque aire francophone a son français qui peut lui-<br />
-même varier de province en province, de ville en ville. Nous sommes<br />
face à une diversité que rendent peu compte les dictionnaires ou autres<br />
outils de description linguistique mais qui fait la richesse de la langue de<br />
Voltaire.<br />
* Leitora de Francês no Departamento. de Linguística geral e Românica da<br />
Faculdade de Letras da Universidade de Lisboa<br />
polifonia, Lisboa, Edições Colibri, n.º 3, 2000, pp. 69-83
Cette diversité est dépendante principalement de trois facteurs:<br />
1) le facteur temps (diachronie)<br />
2) le facteur social (diastratique)<br />
3) le facteur lieu (diatopie) qui sera le plus étudié dans ce travail<br />
même si nous ne pouvons pas écarter absolument les deux autres.<br />
Cependant, pour qu’il y ait diversité, il faut qu’il y ait une référence,<br />
une norme. Pour le français, cette norme est le français utilisé dans les<br />
milieux cultivés de Paris et diffusé par la presse, la radio, la télévision<br />
et l’enseignement.<br />
Dans cet article, nous allons surtout nous concentrer sur les<br />
particularités des français de Belgique que l’on appelle couramment<br />
belgicismes. 1<br />
En Belgique, comme dans d’autres aires francophones, certaines<br />
particularités du français ont été institutionnalisées, créant ainsi une<br />
homogénéité différente de la française, suisse ou québecoise et relayée<br />
par les média locales et l’école. Cependant, malgré cette officialisation,<br />
beaucoup de particularités demeurent propres à des régions bien<br />
circonscrites et entretiennent la diversité linguistique au sein d’un<br />
même pays. C’est comme cela que nous ne pouvons pas parler du<br />
français de Belgique mais des français de Belgique.<br />
Pendant longtemps, le belgicisme a été une maladie culpabilisante.<br />
Beaucoup de générations ont souffert d’insécurité linguistique face à la<br />
France et aux Français, malheureusement souvent peu sensibles à<br />
l’altérité et nourris d’une vision monolithique et immuable de la langue<br />
française. De cette manière, les Belges ont gommé les particularités<br />
qui font l’originalité de leur langue sous l’influence de manuels destinés<br />
à la chasse aux belgicismes. «Ne dites pas… mais dites…». 2<br />
1 L’utilisation de cette appellation est sujette à caution et devrait dans<br />
certains cas être évitée. Il faut savoir que certaines particularités que nous<br />
appelons belgicismes sont présentes dans des français autres que ceux de<br />
Belgique. Un exemple bien classique est celui de septante et nonante. Il<br />
s’agit de belgicismes, bien sûr, mais aussi d’helvétismes et de<br />
québequismes. Même des auteurs bien français comme Mauriac, Péguy,<br />
Nerval ou Renard les emploient dans leurs écrits (Grevisse, 1991, §573).<br />
2 Le premier témoin de cette insécurité linguistique est un ouvrage<br />
grammatical de 1806 de Antoine-Fidèle POYART, Flandrismes, wallonismes<br />
et expressions impropres dans le langage français, publié à Bruxelles.<br />
C’est d’ailleurs dans ce livre que se trouve la première occurrence de<br />
belgicisme. Le malaise linguistique amplifiera lors de l’indépendance du<br />
pays en 1830 même s’il existe certains courants de pensée cherchant pour<br />
le jeune pays une identité propre à défendre face à la présence française<br />
dominante et de là, une langue propre et originale. De nombreux ouvrages<br />
de ce type seront publiés par la suite et jusqu’à nos jours. Le titre du livre<br />
suivant est assez évocateur: Le mauvais langage corrigé ou vocabulaire<br />
des locutions vicieuses les plus répandues (…) dont environ 500
D’ailleurs, serait-ce un hasard si les meilleurs grammairiens de la<br />
langue française sont belges? Comme diraient Michel TROUSSON et<br />
Michel BERRÉ (BLAMPAIN et alii, 1997:354-355), les Belges souffrent<br />
d’une crise de confiance chronique […] en une langue qu’ils ne<br />
parviennent pas à s’approprier.<br />
Si, à présent, nous examinons de plus près ces belgicismes, nous<br />
remarquons qu’ils sont de différents types et qu’il n’est pas toujours<br />
possible d’établir un classement. Ceci dit, les grammairiens ont pris<br />
l’habitude de les classer en trois catégories:<br />
1) particularités lexicales<br />
2) particularités morphologiques<br />
3) particularités syntaxiques<br />
La première catégorie est sans conteste la plus représentée alors<br />
que les particularités syntaxiques sont relativement peu nombreuses.<br />
Un rapide survol d’un ouvrage comme celui de Marc Van<br />
Campenhoudt (1993) nous montre que la plupart des belgicismes<br />
consistent en:<br />
1) des périphrases verbales (ex. avoir difficile pour éprouver des<br />
difficultés);<br />
2) des utilisations absolues de verbes transitifs (ex. courtiser);<br />
3) des utilisations de régimes indirects au lieu de régimes directs (ex.<br />
demander après qqn);<br />
4) des utilisations de régimes directs au lieu de régimes indirects (ex.<br />
délibérer qqch);<br />
5) des emplois particuliers de pronoms (ex. vous me ferez savoir<br />
quoi pour savoir ce qu’il en est);<br />
6) des emplois particuliers de prépositions (ex. sur le bus pour dans<br />
le bus ou l’invention de endéans pour dans le délai de);<br />
7) des conjonctions (ex. ça fait que pour si bien que);<br />
8) des adverbes (ex. aussi vite pour aussitôt);<br />
9) des redondances (ex. au plus… au plus… pour plus… plus…);<br />
10) des inversions (ex. avoir de l’argent assez pour avoir assez d’argent);<br />
11) des commutations (ex. fort petit pour très petit);<br />
12) et des locutions idiomatiques (ex. additionner des pommes et des<br />
poires pour mélanger les torchons et les serviettes).<br />
Les origines des belgicismes sont diverses et les deux plus<br />
importantes sont certainement l’archaï sme et l’influence régionale. En<br />
fait, énormément de particularités en Belgique sont des archaï smes de<br />
la langue française ayant survécu en province (c’est la cas notamment<br />
employées journellement en Belgiques de J. ROUCHET publié en 1845. La<br />
prise de conscience de la richesse des français de Belgique est relativement<br />
récente.
de délibérer qqch que l’on retrouve dans les pièces de Corneille ou<br />
Molière) ou sont des emprunts aux langues de contact, les parlers locaux<br />
d’une part (bruxellois, picard, wallons), les langues des régions ou<br />
pays limitrophes d’autre part (néerlandais, allemand, anglais) mais encore<br />
les langues africaines via les coloniaux ou les langues parlées par<br />
les communautés immigrées résidentes en Wallonie et à Bruxelles. Par<br />
ailleurs, au-delà du simple calque, il existe de nombreux et complexes<br />
mécanismes de production. Les plus récurrents sont les suivants:<br />
1) l’analogie (ex. s’accaparer de pour accaparer, analogie sur la<br />
construction de s’emparer de),<br />
2) l’ellipse (suppression de l’objet jugé superfétatoire) (ex. courtiser),<br />
3) l’adverbialisation de prépositions et absence de complément (ex.<br />
marcher derrière),<br />
4) l’économie du système (ex. avoir difficile),<br />
5) et l’exploitation novatrice de ressources grammaticales orthodoxes.<br />
Par exemple, le développement de l’article zéro (ex. jouer<br />
piano pour jouer au piano).<br />
Ces dernières lignes nous fait bien entrevoir que le belgicisme est<br />
un phénomène très complexe produit par une alchimie linguistique,<br />
parfois des plus obscures car il n’est pas toujours évident de connaître<br />
la vraie origine de toutes les particularités des français de Belgique.<br />
À présent, nous allons surtout nous attarder sur l’emploi des<br />
prépositions. D’après le répertoire de Marc Van Campenhoudt (1993)<br />
et le Bon Usage (1991), nous avons établi une liste plus ou moins<br />
exhaustive des particularités d’emploi des prépositions en<br />
Belgique(annexe 1).<br />
2. Enquête sur l’emploi des prépositions en français<br />
de Belgique<br />
Cette liste, sous la forme de tableau (les expressions belges à<br />
grande et leur équivalent en français standard à droit) (annexe 2), a été<br />
soumise à 51 étudiants portugais de première année en Langues et<br />
Littératures Modernes et en Études Européennes à la Faculté de<br />
Lettres de l’Université de Lisbonne afin de pouvoir observer et<br />
analyser la réaction des allophones portugais à des variations<br />
syntaxiques de ce type. L’enquête consistait en un questionnaire<br />
préliminaire (pour mieux connaître l’interrogé et ses rapports avec la<br />
langue française) et en une liste de 73 phrases courtes ou expressions
présentant des emplois de prépositions propres aux Belges<br />
francophones et l’équivalent en français standard. La question était de<br />
déterminer quels étaient les items qui leur semblaient "incorrects".<br />
Huit enquêtes ont été écartées car les interrogés étaient de langue<br />
maternelle française. Seuls les allophones ont été pris en considération<br />
pour cette étude; donc seules 43 enquêtes ont été analysées et divisées<br />
en huit groupes correspondant au nombre d’année(s) d’étude du<br />
français (1, 3, 5, 6, 7, 8, 9, 10 ans).<br />
L’âge de ces étudiants varie entre 17 et 53 ans; la majorité a 18 ans<br />
(nés en 1981 – 23 sur 43) (moyenne d’âge du groupe: 20,2 ans) et est<br />
du sexe féminin (38 sur 43).<br />
La plupart des belgicismes ont été repérés, confrontés ainsi à la<br />
norme parisienne. Les résultats ont varié entre 38 et 66 items<br />
reconnus; ce qui a donné une moyenne de 51 items par enquête.<br />
Les expressions propres au français de Belgique le plus souvent<br />
considérées comme appartenant à la norme sont au nombre de 21 et<br />
seront commentées individuellement. Les chiffres entre parenthèses<br />
indiquent le nombre d’interrogés qui ont reconnu l’expression belge<br />
comme "incorrecte".<br />
Item 24: «il envoie ces colis par train» (6 sur 43)<br />
A Paris, on aurait dit: «il envoie ces colis en train, par le train».<br />
L’expression belge ici a l’avantage d’être plus synthétique, comme<br />
l’est d’ailleurs le portugais<br />
Item 70: «Une bière à pression» (9 sur 43)<br />
À Paris, on aurait dit: «une bière à la pression» ou plus couramment<br />
«une bière pression». Au Portugal, dans le langage familier, on parle de<br />
«fino» (Nord) et de «imperial» (Lisbonne et Sud). L’expression<br />
standard est «cerveja a pressão».<br />
Item 11: «il a envoyé une lettre en exprès» (11 sur 43)<br />
À Paris, on aurait dit: «il a envoyé une lettre exprès» et au Portugal,<br />
on dit «enviar uma carta em expresso»; ce qui a motivé le choix des<br />
interrogés.<br />
Item 68: «spécifique à quelque chose, à quelqu’un» (15 sur 43)<br />
À Paris, on aurait dit: «spécifique de quelque chose, de quelqu’un».<br />
En Belgique, l’utilisation de la préposition «à» est certainement due à<br />
l’analogie avec l’expression «propre à», très proche sémantiquement.<br />
Le portugais utilise également la préposition «a».<br />
Item 61: «la compote aux pommes» (16 sur 43)
À Paris, on aurait dit: «la compote de pommes». En portugais, on dit<br />
«compota de maçãs»; donc, dans le cas présent, les interrogés n’ont<br />
pas été influencé par leur langue maternelle. Néanmoins, une structure<br />
telle qu’elle existe en Belgique est présente également en France, dans<br />
le langage familier.<br />
Item 6: «Hors danger» (17 sur 43)<br />
À Paris, on aurait: «Hors de danger»…quoique… Il existe de<br />
nombreuses expressions figées dans le français standard où la locution<br />
prépositive «hors de» a perdu son «de» (et l’article, par la même<br />
occasion) et qui sont entrées dans l’usage (ex. «hors série», «hors<br />
texte», «hors pair»,…). Par analogie, «hors de danger» ainsi que «hors<br />
de comparaison», «hors de cause», «hors de propos»,… ont perdu leur<br />
«de» en Belgique et se sont figées. L’analogie a toujours été un des<br />
grands moteurs de l’évolution de la langue française dû à l’existence<br />
d’une certaine paresse linguistique… Apparemment nos étudiants y<br />
sont sensibles même si en portugais, on dit «livre de perigo» (donc il<br />
n’y a ici aucune raison pour avancer l’argument du calque en guise<br />
d’explication).<br />
Item 36: «il présente un concours» (17 sur 43)<br />
À Paris, on aurait dit: «il se présente à un concours». Le verbe<br />
«présenter» est un transitif direct ou intransitif. On peut présenter un<br />
projet, un ami, des vœux,… mais pas un concours. Néanmoins il faut<br />
savoir que le portugais connaît une structure similaire au français de<br />
Belgique: apresentar um concurso.<br />
Item 62: «La confiture aux fraises» (17 sur 43)<br />
À Paris, on aurait dit: «la confiture de fraises» et au Portugal, «doce<br />
de morangos». cf. item 61.<br />
Item 54: «Il vient chez sa mère pour l’embrasser» (18 sur 43)<br />
À Paris, on aurait dit: «il vient auprès de sa mère pour<br />
l’embrasser». Cet item est assez vague vu le manque de contexte et<br />
nous pensons qu’il a été mal compris par les interrogés qui ont saisi<br />
que la personne se rendait dans la maison de sa mère pour<br />
l’embrasser. Les apprenants maîtrisent mal les différences d’emploi<br />
entre venir et aller; ce qui explique la confusion. Ainsi il est préférable<br />
de ne pas prendre en considération cet item.<br />
Item 5: «Dans une lettre, sous la date du 16 mars…» (19 sur 43)<br />
À Paris, on aurait dit: «Dans une lettre, à la date du 16 mars…».<br />
Item 25: «Il est en deuil pour sa mère» (19 sur 43)
À Paris, on aurait dit: «Il est en deuil de sa mère».<br />
Item 43: «Il s’accapare de l’attention du public» (19 sur 43)<br />
À Paris, on aurait dit: «il accapare l’attention du public». Le<br />
belgicisme, ici, est une analogie sur «s’emparer de», proche sémantiquement.<br />
Item 54: «il va au coiffeur» (20 sur 43)<br />
À Paris, on aurait dit: «il va chez le coiffeur». Une fois de plus, le<br />
calque sur le portugais («ir ao cabeleireiro») a motivé le choix des<br />
interrogés. Par ailleurs, ce tour s’entend de plus en plus dans d’autres<br />
parties de la francophonie; de nouveau, l’analogie entre en jeu. «Aller<br />
au boucher» prend le pas sur «aller chez le boucher», conformément à<br />
l’expression «aller à la boucherie».<br />
Item 72: «verser au ravin» (20 sur 43)<br />
À Paris, on aurait dit: «verser dans le ravin». Le terme «ravin»<br />
étant une notion relativement difficile à saisir pour des apprenants FLE<br />
et le manque de contexte nous fait soupçonner que cette expression a<br />
été mal comprise par les interrogés qui ont répondu n’importe quoi. Il<br />
est préférable de ne pas prendre en considération cet item.<br />
Item 51: «il va à la côte» (21 sur 43)<br />
À Paris, on aurait dit: «il va sur la côte». L’utilisation de la<br />
préposition «à» en français standard est admise lorsque l’on envisage la<br />
réalité du côté de la mer. Sinon, dans la plupart des cas, on l’envisage<br />
du côté de la terre et alors, on dit: «aller sur la côte». Les interrogés<br />
ont préféré la formule belge car elle rappelle la formulation portugaise<br />
«ir à costa».<br />
Item 67: «réduire quelque chose à morceaux» (21 sur 43)<br />
À Paris, on aurait dit: «réduire quelque chose en morceaux». Le<br />
portugais utilise également la préposition «em».<br />
Item 71: «une épingle à sûreté» (21 sur 43)<br />
À Paris, on aurait dit: «une épingle de sûreté». «Épingle à sûreté» se<br />
dit certainement par analogie avec «épingle à cheveux».<br />
Item 10: «Il a des pantoufles dans ses pieds» (22 sur 43)<br />
À Paris, on aurait dit: «Il a des pantoufles à ses pieds». Le<br />
belgicisme est en fait un tour ancien dans la langue française mais qui<br />
n’est plus accepté par les grammaires normatives.<br />
Item 29: «Il joue football» (22 sur 43)
À Paris, on aurait dit: «il joue au football». Ici de nouveau,<br />
l’économie linguistique entre en jeu et séduit les interrogés réconfortés<br />
par ailleurs dans leur choix par leur langue maternelle («jogar<br />
futebol»). «Jouer football» est un flandricisme.<br />
Item 50: «il trouve à redire sur tout» (23 sur 43)<br />
À Paris, on aurait dit: «il trouve à redire de tout, à tout». Une fois de<br />
plus, le portugais a influencé les interrogés (utilisation de la préposition<br />
«sobre»).<br />
Item 73: «Voilà 53F de retour» (23 sur 43)<br />
À Paris, on aurait dit: «voilà 53F en retour».<br />
3. Conclusion<br />
Face aux résultats de cette enquête, nous pouvons avancer que la<br />
conclusion principale serait que certaines tournures du français de<br />
Belgique sont similaires au portugais vu que le français de Belgique est<br />
souvent plus synthétique que la norme parisienne, comme l’est<br />
également le portugais par rapport au français. De plus, cette similitude<br />
conduit les allophones portugais à écrire et à parler en «belge» dans<br />
certains cas précis. Néanmoins, l’utilisation de tournures belges ne<br />
nuisent pas à la communication car on joue souvent ici sur des subtilités<br />
de la langue sur lesquelles parfois même des francophones de France<br />
hésitent et le contexte est toujours une aide fondamentale à la bonne<br />
perception d’un énoncé. Ceci dit, cette approche superficielle du<br />
problème de l’emploi des prépositions en français nous montre que des<br />
emplois «non officiels» d’une part et d’autre part, des emplois officiels<br />
mais appartenant à une autre langue romane se retrouvent grâce à<br />
l’héritage latin qui leur est commun. La question que l’on pourrait se<br />
poser à présent et qui mériterait un débat approfondi serait de savoir<br />
quelle norme enseigner. Juger erronée une expression en français car<br />
c’est un simple calque du portugais non admis par la norme peut être<br />
considéré comme un acte injustifié alors que cette même expression<br />
est utilisée et acceptée dans d’autres aires francophones autres que la<br />
France ou la région parisienne.<br />
Cet article touche à sa fin et il a soulevé un certain nombre de<br />
questions qu’il serait intéressant d’approfondir. Nous nous sommes<br />
contentés ici de faire un rapide survol du sujet; néanmoins le but de<br />
cette étude est particulièrement de décrire une situation afin de<br />
sensibiliser le lecteur à la problématique complexe de l’emploi des
prépositions en français, problématique dont on ne peut parler dans un<br />
seul travail d’une dizaine de pages.<br />
4. Bibliographie<br />
BLAMPAIN, D. et alii (1997): Le français en Belgique, Louvain-la-Neuve,<br />
Duculot.<br />
CASEIRO, M. e H. V<strong>EN</strong>TURA (1998): Guia prático de verbos com preposições,<br />
Lisboa, Lidel.<br />
COIMBRA, A. e L. de OLIVEIRA (1996): Dicionário de francês-português /<br />
português-francês, Lisboa, Editorial Notícias.<br />
DEPECKER, L. (1990): Les mots de la francophonie, Paris, Belin, Col. «Le<br />
français retrouvé».<br />
GREVISSE, M. (1991): Le Bon Usage, Louvain-la-Neuve, Duculot.<br />
HANSE, J. (1996): Nouveau dictionnaire des difficultés du français moderne,<br />
Louvain-la-Neuve, De Boeck-Duculot.<br />
PERFEITO, A. et alii (1998): Dicionário da língua portuguesa, Porto, Porto<br />
Editora.<br />
REY, A. (1998): Dictionnaire historique de la langue française, Paris, Le<br />
Robert.<br />
VAN CAMP<strong>EN</strong>HOUDT, M. (1993): Particularités lexicales, syntaxiques et<br />
sémantiques des français parlés en Belgique – Répertoire alphabétique,<br />
Bruxelles, ISTI.<br />
Annexe 1<br />
La préposition “à”<br />
Arracher aux pommes de terre (arracher les pommes de terre)<br />
Couper au blé (couper le blé)<br />
Cueillir aux fraises (cueillir les fraises)<br />
Planter aux sapins (planter des sapins)<br />
Sonner à messe (sonner la messe)<br />
Aller au coiffeur (aller chez le coiffeur)<br />
Il voyage au bus (il voyage en bus)
Mettre à place (mettre en place)<br />
Réduire qqch à morceaux (réduire qqch en morceaux)<br />
Verser au ravin (verser dans le ravin)<br />
Aller à la côte (aller sur la côte)<br />
Au moins je travaille, au moins je suis fatigué (Moins je travaille, moins je suis<br />
fatigué)<br />
Au plus je travaille, au plus je suis fatigué (Plus je travaille, plus je suis fatigué)<br />
Au plan de la politique agricole, le ministre a déclaré… (sur le plan de la politique…)<br />
La compote aux pommes (la compote de pommes)<br />
La confiture aux fraises (la confiture de fraises)<br />
Une épingle à sûreté (une épingle de sûreté)<br />
Une bière à pression (une bière (à la) pression)<br />
Spécifique à qqn, qqch (spécifique de qqn, qqch)<br />
La préposition “après”<br />
Il cherche après sa mère (il cherche sa mère)<br />
Il voit après sa mère<br />
Il demande après le fonctionnaire… (il demande le fonctionnaire…)<br />
La préposition “avec”<br />
Comment ça va avec vous? (comment allez-vous?)<br />
Je vais me voir avec ma tante (je vais voir ma tante)<br />
Il courtise avec la fille de l’épicier (il courtise la fille de l’épicier)<br />
Il profite avec la baisse des taux d’intérêt… (il profite de la baisse…)<br />
Il est occupé avec cette cliente (il s’occupe de cette cliente)<br />
Il va à la faculté avec le bus (il va à la faculté en bus)<br />
Avec la grève des bus, je vais être en retard (à cause de la grève des bus, je<br />
vais…)<br />
La préposition “chez”
Il vient chez sa mère pour l’embrasser (il vient auprès de sa mère pour<br />
l’embrasser)<br />
La préposition “entre”<br />
Il sent entre lui-même la bonté (il sent en lui-même la bonté)<br />
La préposition “dans”<br />
Il a des pantoufles dans ses pieds (il a des pantoufles à ses pieds)<br />
La préposition “de”<br />
Il s’accaparer de l’attention du public (il accapare l’attention du public)<br />
Il ne sait de rien (il ne sait rien)<br />
Je lui ai téléphoné du matin (je lui ai téléphoné le matin)<br />
Je vais à l’école de pied (je vais à l’école à pied)<br />
Il prend de bonne part cette critique (il prend en bonne part cette critique)<br />
Bois de chablis (bois chablis)<br />
Voilà 53F de retour (voilà 53F en retour (dans un magasin))<br />
La préposition “en”<br />
Il a envoyé une lettre en exprès (il a envoyé une lettre exprès)<br />
Il travaille en noir (il travaille au noir)<br />
Il a trouvé ce chien en rue (il a trouvé ce chien dans la rue)<br />
Pour en cas (pour le cas où)<br />
La préposition “par”<br />
Il envoie ces colis par train (il envoie ces colis en train, par le train)<br />
La préposition “parmi”<br />
Les cubes se sont emboîtés l’un parmi l’autre (les cubes se sont emboîtés l’un<br />
dans l’autre)<br />
La préposition “pour”
Ce morceau de viande est bon pour rôtir (ce morceau de viande est bon à rôtir)<br />
Il est endeuil pour sa mère (il est en deuil de sa mère)<br />
Il parie pour 1000 F (il parie 1000F)<br />
Pour le surplus (au surplus, au reste, d’ailleurs)<br />
L a préposition “sous”<br />
Sous la date du (à la date du)<br />
L La préposition “sur”<br />
Il crie sur sa mère (contre sa mère)<br />
Il répond sur cette critique (il répond à cette critique)<br />
Il trouve à redire sur tout (il trouve à redire de tout)<br />
Il se fâche sur sa mère (il se fâche avec sa mère)<br />
Il se met en colère sur sa mère (contre sa mère)<br />
Il est en colère sur sa mère (contre sa mère)<br />
Il est enragé sur sa mère (contre sa mère)<br />
Il est fâché sur sa mère (contre sa mère)<br />
Il est furieux sur sa mère (contre sa mère)<br />
Il est jaloux sur sa mère (jaloux de sa mère)<br />
Il fait ce travail sur deux heures (il fait ce travail en deux heures)<br />
Il travaille sur un bureau d’avocats (il travaille dans un bureau d’avocats)<br />
Il a lu l’information sur le journal (il a lu l’information dans le journal)<br />
Il a trouvé ce chien sur la rue (il a trouvé ce chien dans la rue)<br />
Il a rencontré son cousin sur le bus (il a rencontré son cousin dans le bus)<br />
Sur ce temps-là, il est allé acheter le journal (pendant ce temps-là, il est allé…)<br />
Emplois sans préposition<br />
Il a réfléchi tout un temps (il a réfléchi pendant tout un temps)<br />
Il a chaud ses pieds (il a chaud à ses pieds)<br />
Il a mal la tête (il a mal à la tête)<br />
Ils vont dans la salle de bain chacun leur tour (ils vont dans la salle de bain<br />
chacun à leur tour)<br />
Hors cause (hors de cause)<br />
Hors combat (hors de combat)<br />
Hors comparaison (hors de comparaison)<br />
Hors danger (hors de danger)<br />
Hors doute (hors de doute)<br />
Hors mesure (hors de mesure)
Hors prix (hors de prix)<br />
Hors proportion (hors de proportion)<br />
Hors propos (hors de propos)<br />
Hors question (hors de question)<br />
Hors saison (hors de saison)<br />
Il y a des fourmis tous côtés dans cette maison (il y a des fourmis de tous<br />
côtés dans …)<br />
Enquête commodo-incommodo (enquête de commodo-incommodo)<br />
Il travaillera jusque la mort (il travaillera jusqu’à la mort)<br />
Il saute bat du lit (il saute à bat du lit)<br />
Le conseil de classe délibère les résultats des examens (le conseil de classes<br />
délibère sur les résultats…)<br />
Le conseil de classe délibère chaque étudiant (le conseil de classe délibère sur<br />
le cas de chaque étudiant)<br />
Il joue football (il joue au football)<br />
Il joue le piano (il joue du piano)<br />
Il parle sa tante (il parle à sa tante)<br />
Il présente un concours (il se présente à un concours)<br />
Il renonce un bail (il renonce à un bail)<br />
Il renonce un locataire (il renonce à un locataire)<br />
Il renseigne l’ouverture du magasin au client (il renseigne le client sur<br />
l’ouverture du magasin)<br />
Il reste étudier dans sa chambre (il reste à étudier dans sa chambre)<br />
Il a besoin trois aspirines pour dormir (il a besoin de trois aspirines pour<br />
dormir)<br />
Néologismes<br />
Document à remplir endéans trois jours (document à remplir dans le délai de<br />
trois jours)<br />
Annexe 2<br />
1) Au plus je travaille, au plus je suis<br />
fatigué<br />
2) Avec la grève des bus, je vais<br />
être en retard<br />
3) Ce morceau de viande est bon<br />
pour manger<br />
Plus je travaille, plus je suis fatigué<br />
à cause de la grève des bus, je vais…<br />
ce morceau de viande est bon à<br />
manger
4) Comment ça va avec vous? comment allez-vous?<br />
5) Dans une lettre sous la date du<br />
6 mars<br />
dans une lettre à la date du 16 mars<br />
6) Hors danger hors de danger<br />
7) Hors question hors de question<br />
8) Il a besoin la musique pour dormir il a besoin de la musique pour dormir<br />
9) Il a chaud ses pieds il a chaud à ses pieds<br />
10) Il a des pantoufles dans ses pieds il a des pantoufles à ses pieds.<br />
11) Il a envoyé une lettre en exprès il a envoyé une lettre exprès<br />
12) Il a grondé l’élève et pour le<br />
surplus, il l’a frappé<br />
il a grondé l’élève et au surplus,…<br />
13) Il a lu l’information sur le journal il a lu l’information dans le journal.<br />
14) Il a mal la tête il a mal à la tête.<br />
15) Il a réfléchi tout un temps il a réfléchi pendant tout un temps<br />
16) Il a rencontré son cousin sur le<br />
bus<br />
il a rencontré son cousin dans le bus.<br />
17) Il a trouvé ce chien en rue il a trouvé ce chien dans la rue<br />
18) Il a trouvé ce chien sur la rue il a trouvé ce chien dans la rue.<br />
19) Il arrache aux pommes de terre il arrache les pommes de terre<br />
20) Il cherche après sa mère il cherche sa mère<br />
21) Il courtise avec la fille de l’épicier il courtise la fille de l’épicier.<br />
22) Il crie sur sa mère il crie contre sa mère<br />
23) Il demande après le<br />
fonctionnaire…<br />
il demande le fonctionnaire…<br />
24) Il envoie ces colis par train il envoie ces colis en train<br />
25) Il est en deuil pour sa mère il est en deuil de sa mère<br />
26) Il est fâché sur sa mère il est fâché contre sa mère<br />
27) Il est occupé avec cette cliente il s’occupe de cette cliente<br />
28) Il fait ce travail sur deux heures il fait ce travail en deux heures<br />
29) Il joue football il joue au football<br />
30) Il joue le piano il joue du piano<br />
31) Il met à place ses affaires il met en place ses affaires<br />
32) Il ne sait de rien il ne sait rien<br />
33) Il parie pour 1000 F il parie 1000F<br />
34) Il parle sa tante il parle à sa tante<br />
35) Il prend de bonne part cette<br />
critique<br />
il prend en bonne part cette critique<br />
36) Il présente un concours il se présente à un concours.<br />
37) Il profite avec la baisse des taux<br />
d’intérêt…<br />
il profite de la baisse…<br />
38) Il renonce un bail il renonce à un bail<br />
39) Il renonce un locataire il renonce à un locataire<br />
40) Il renseigne l’ouverture du magasin au client il renseigne le client sur<br />
l’ouverture du magasin
41) Il répond sur cette critique il répond à cette critique<br />
42) Il reste étudier dans sa chambre il reste à étudier dans sa chambre.<br />
43) Il s’accapare de l’attention du<br />
public<br />
il accapare l’attention du public<br />
44) Il saute bas du lit il saute à bas du lit<br />
45) Il se fâche sur sa mère il se fâche avec sa mère<br />
46) Il sent entre lui-même la bonté il sent en lui-même la bonté<br />
47) Il travaille en noir il travaille au noir<br />
48) Il travaille sur un bureau<br />
d’avocats<br />
il travaille dans un bureau d’avocats<br />
49) Il travaillera jusque la mort il travaillera jusqu’à la mort.<br />
50) Il trouve à redire sur tout il trouve à redire de tout<br />
51) Il va à la côte il va sur la côte<br />
52) Il va à la faculté avec le bus il va à la faculté en bus<br />
53) Il va au coiffeur il va chez le coiffeur<br />
54) Il vient chez sa mère pour<br />
l’embrasser<br />
il vient auprès de sa mère pour …<br />
55) Il voyage au bus il voyage en bus<br />
56) Il y a des fourmis tous côtés dans il y a des fourmis de tous côtés dans<br />
cette maison<br />
…<br />
57) Ils vont dans la salle de bain ils vont dans la s.d.b. chacun à leur<br />
chacun leur tour<br />
tour<br />
58) Je lui ai téléphoné du matin je lui ai téléphoné le matin<br />
59) Je vais à l’école de pied je vais à l’école à pied<br />
60) Je vais me voir avec ma tante je vais voir ma tante<br />
61) La compote aux pommes la compote de pommes<br />
62) La confiture aux fraises la confiture de fraises<br />
63) Le conseil de classe délibère le conseil de classe délibère sur le cas<br />
chaque étudiant<br />
de chaque étudiant.<br />
64) Le conseil de classe délibère les / le conseil de classes délibère sur les<br />
résultats des examens<br />
résultats…<br />
65) Les cubes se sont emboîtés l’un les cubes se sont emboîtés l’un dans<br />
parmi l’autre<br />
l’autre<br />
66) Pour en cas il viendrait, je lui ai<br />
préparé à dîner<br />
pour le cas où il viendrait,…<br />
67) Réduire qqch à morceaux réduire qqch en morceaux<br />
68) Spécifique à qqn, qqch spécifique de qqn, qqch<br />
69) Sur ce temps-là, il est allé acheter<br />
le journal<br />
pendant ce temps-là, il est allé…<br />
70) Une bière à pression une bière pression<br />
71) Une épingle à sûreté une épingle de sûreté<br />
72) Verser au ravin verser dans le ravin<br />
73) Voilà 53F de retour voilà 53F en retour (magasin)