Lettre du g.nie n. 31 - Le génie militaire français
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taine Gravier, conseiller très écouté de<br />
son chef : « J’étais le chouchou… ! » m’a<br />
confié André Gravier. Il consiste à procéder<br />
à l’enfouissement général <strong>du</strong> personnel<br />
et <strong>du</strong> matériel conservé sur le site, de<br />
façon à empêcher l’ennemi de régler ses<br />
tirs par télé métrage de nos positions sur<br />
ce site plat exposé aux vues directes<br />
lointaines. Cette sage décision a été<br />
maintenue malgré les difficultés de réalisation<br />
: en effet, sous une mince couverture<br />
de sable, on arrive rapidement à un<br />
socle calcaire, tendre il est vrai, mais<br />
nécessitant un harcèlement constant de<br />
piocheurs à la motivation vacillante sous<br />
le soleil. D’autant que l’aide apportée par<br />
les trois compresseurs <strong>du</strong> gé<strong>nie</strong> était forcément<br />
limitée.<br />
Toujours est-il qu’au bout de trois mois, la<br />
position est pratiquement indécelable de<br />
l’extérieur : les 3 700 combattants sont<br />
enfouis, les emplacements de combat<br />
avec position de rechange réalisés, les PC<br />
et tous les véhicules indispensables invisibles<br />
: essentiellement 63 Bren Cariers,<br />
camions PC, ambulances, camions tracteurs<br />
des 54 canons de 75 mm et des 40<br />
Bofors, soit environ 200 véhicules divers,<br />
installés moteur en avant dans des abris<br />
adaptés avec rampe d’accès. Par des terrassements<br />
en terrain rocheux, le gé<strong>nie</strong><br />
participe à l’enfouissement des 4 batteries<br />
d’artillerie (24 canons de 75 tout azimut),<br />
des 30 canons de 75 répartis sur les positions<br />
d’infanterie, des 18 canons 40 Bofors<br />
antiaériens des fusiliers marins, des PC et<br />
de l’hôpital. En outre les trois « portes »<br />
sont protégées par des réseaux de barbelés<br />
agrémentés de sonnettes.<br />
L’essentiel de la mission <strong>du</strong> gé<strong>nie</strong> va<br />
consister à réaliser les obstacles minés.<br />
<strong>Le</strong>s Anglais avaient posé 11 900 mines AC<br />
autour <strong>du</strong> polygone : une bande continue<br />
de densité 1 sur cinq rangées distantes<br />
de 1 m. <strong>Le</strong> doublement de cet obstacle<br />
périphérique est entrepris sans tarder<br />
(11 900 mines), suivi <strong>du</strong> renforcement des<br />
3 box, de l’observatoire d’artillerie de<br />
la cote 186 et <strong>du</strong> fort sud (11000 mines<br />
au total). <strong>Le</strong> rattachement de Bir Hakeim<br />
à la ligne de défense alliée au nord de la<br />
position se tra<strong>du</strong>it par la réalisation<br />
des deux branches <strong>du</strong> « V » sur 8 km environ,<br />
chacune avec 2 bandes minées<br />
(32 000 mines AC).<br />
Mais le point fort de ce môle de défense<br />
réside dans la réalisation de marais de<br />
mines, suivant une conception originale<br />
DROIT RÉSERVÉ<br />
La lettre <strong>du</strong> gé<strong>nie</strong><br />
<strong>du</strong> capitaine Gravier : il s’agit de couvrir<br />
une surface importante, allant jusqu’à<br />
3 km au-delà des limites <strong>du</strong> polygone, de<br />
petits champs de mines AC à faible densité,<br />
avec un tracé inspiré des défenses<br />
de Vauban, dans une place forte comme<br />
Neuf-Brisach, rendant impossible l’approche<br />
des champs de mines par les<br />
sapeurs ou les blindés ennemis, inéluctablement<br />
canalisés vers les positions battues<br />
par les tirs directs, choisies en<br />
conséquence.<br />
Ainsi la ceinture de marais de mines réalisée<br />
par le capitaine Gravier représente<br />
une superficie de 3 620 hectares truffée<br />
d’éléments de champs de mines isolés de<br />
100 m de long (1 mine par m, 100 mines<br />
AC par élément) avec renforcement sur<br />
les lisières, soit au total 63 300 mines AC.<br />
Finalement, les sapeurs <strong>du</strong> capitaine<br />
Gravier posent en moins de trois mois<br />
140 000 mines AC et 2000 mines AP, avec<br />
balisage réglementaire et relevés de<br />
pose.<br />
Dès la première attaque, le 27 mai matin,<br />
la démonstration est faite de l’excellence<br />
<strong>du</strong> concept Gravier : à 8 heures, la division<br />
italienne Ariete attaque la position<br />
par l’est avec un assaut de 70 chars<br />
M13 équipés de canons de 75. Au terme<br />
d’un combat furieux, qui se termine<br />
au corps à corps, l’ennemi se retire vers<br />
– 40 –<br />
SOMMAIRE<br />
Éditorial <strong>du</strong> général<br />
<strong>Le</strong> mot <strong>du</strong> général Françoise<br />
Sommaire<br />
L’actualité en bref<br />
<strong>Le</strong> gé<strong>nie</strong> combat<br />
<strong>Le</strong> gé<strong>nie</strong> construit<br />
<strong>Le</strong> gé<strong>nie</strong> secourt<br />
<strong>Le</strong> gé<strong>nie</strong> instruit<br />
◆ Histoire<br />
Expériences<br />
A savoir<br />
Coup d’œil sur…<br />
Témoignage<br />
A lire<br />
Multimédia<br />
13 heures, laissant derrière<br />
lui 32 carcasses fumantes,<br />
détruites pour moitié au 75 en<br />
tir direct, l’autre moitié ayant<br />
sauté sur les mines AC.<br />
Par la suite, malgré les moyens<br />
aéroterrestres énormes rassemblés<br />
autour de Bir Hakeim,<br />
l’ennemi réussira seulement à<br />
conquérir l’observatoire d’artillerie<br />
de la cote 186, le 8 juin,<br />
mais ne pénétrera pas plus<br />
avant sur la position. L’enfouissement a<br />
permis une remarquable économie des<br />
forces : moins de 100 morts, côté <strong>français</strong>,<br />
entre le 26 mai et la sortie de vive<br />
force <strong>du</strong> 10 juin.<br />
Laissons la parole à Rommel (La guerre<br />
sans haine) : « … Rarement, sur le<br />
champ de bataille d’Afrique, m’avait été<br />
livré un combat aussi <strong>du</strong>r. <strong>Le</strong>s Français<br />
s’étaient retranchés dans leurs postes<br />
de combat très habilement disposés,<br />
dans leurs tranchées, leurs petits bastions<br />
et leurs nids de mitrailleuses tous<br />
entourés d’une épaisse ceinture de<br />
mines. De telles positions sont presque<br />
inaccessibles au feu de l’artillerie ou au<br />
bombardement aérien, car seul un coup<br />
direct peut en avoir raison… »<br />
On dispose aussi <strong>du</strong> témoignage de Lutz<br />
Koch, correspondant de guerre proche<br />
d’Hitler, qui accompagne les pion<strong>nie</strong>rs<br />
lors de l’assaut de la cote 186 : « … le 8<br />
juin devient un jour d’honneur pour les<br />
pion<strong>nie</strong>rs. Sous le commandement <strong>du</strong><br />
colonel Hacker, chef des pion<strong>nie</strong>rs de<br />
l’armée blindée, Rommel assistant luimême<br />
dans les premières lignes au<br />
développement de l’attaque, les pion<strong>nie</strong>rs<br />
ouvrent la route dans les champs<br />
de mines… <strong>Le</strong>s pion<strong>nie</strong>rs avancent<br />
mètre par mètre. <strong>Le</strong> colonel Hacker saute<br />
sur une mine avec sa voiture. » Il faudra<br />
acheminer encore des renforts.