La Au terme de cette déc<strong>en</strong>nie historique, <strong>le</strong> Secrétariat d'État ti<strong>en</strong>t à exprimer ses félicitations aux innombrab<strong>le</strong>s initiatives des groupes de femmes. Le Secrétariat d'État est cep<strong>en</strong>dant consci<strong>en</strong>t que <strong>le</strong>s succès acquis ne sont que des étapes vers une amélioration de plus <strong>en</strong> plus grande de la condition de la femme canadi<strong>en</strong>ne. C'est dans cet esprit que <strong>le</strong> Secrétariat d'État redoub<strong>le</strong>ra d'efforts notamm<strong>en</strong>t pour réduire la vio<strong>le</strong>nce faite aux femmes et accroître <strong>le</strong>ur accès à une autonomie socio-économique. Secrétariat Secretary d'État ot State
Malaises d'une casseuse de veillées par Lucie Leboeuf L a Vie <strong>en</strong> rose me demande de faire une critique du féminisme comme je <strong>le</strong> connais et <strong>le</strong> vis. Je p<strong>en</strong>sais faire l'artic<strong>le</strong> faci<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t. J'allais r<strong>en</strong>contrer mon groupe de recherche sur <strong>le</strong> vécu religieux des femmes et, <strong>en</strong>semb<strong>le</strong>, on aurait vite rempli trois pages. «Les fil<strong>le</strong>s, c'est l'temps de chia<strong>le</strong>r contre <strong>le</strong>s féministes», ai-je annoncé, <strong>en</strong>courageante. «Mais chia<strong>le</strong>r contre quoi ?», ontel<strong>le</strong>s répondu. «Les féministes sont o.k.». Fin de la discussion. Alors me voici face à mon papier et à mon crayon, à me creuser la cervel<strong>le</strong>. Procédons méthodiquem<strong>en</strong>t : j'ai 43 ans, dont dix-huit de vie commune avec <strong>le</strong> même homme, trois fils de 17, 15 et 13 ans, une <strong>format</strong>ion universitaire. Comm<strong>en</strong>t suis-je dev<strong>en</strong>ue féministe ? En organisant une garderie <strong>en</strong> milieu populaire, <strong>en</strong> luttant pour <strong>le</strong>s droits des assistées socia<strong>le</strong>s, <strong>en</strong> créant des li<strong>en</strong>s <strong>en</strong>tre <strong>le</strong>s femmes du Tiers-Monde et <strong>le</strong>s femmes d'ici. Pause : mes fils vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t bouffer avant de dormir. Eux, vont certainem<strong>en</strong>t avoir des critiques. «Pourquoi critiquer ? Vouloir l'égalité, c'est bi<strong>en</strong> normal. Les épais, c'est <strong>le</strong>s hommes qui refus<strong>en</strong>t», me rétorque l'aîné subito presto. Et tac ! Bon. Repr<strong>en</strong>ons. Être féministe, qu'estce que ça veut dire ? Lutter <strong>en</strong> solidarité avec d'autres femmes, puisque j'<strong>en</strong> suis une. Parce que des femmes, ayant visages réels, ont donné un nom de chair, de personne aimée et respectée, à la lutte pour l'avortem<strong>en</strong>t, contre la pauvreté, <strong>le</strong> viol, l'inceste, l'exploitation. Le féminisme que j'ai connu, que je connais, c'est <strong>le</strong> refus du mépris <strong>en</strong>vers ces femmes que j'aime ; c'est la soif de dignité et de respect pour el<strong>le</strong>s et pour moi. C'est la foi dans la paro<strong>le</strong> des femmes, notre paro<strong>le</strong>. Foi dans notre maturité, dans notre apti- mars 1985 tude à pr<strong>en</strong>dre la vie, par tous <strong>le</strong>s chemins, qu'ils dérang<strong>en</strong>t ou dérog<strong>en</strong>t. Mais me voilà assiégée par <strong>le</strong> doute : mon approche estel<strong>le</strong> acceptab<strong>le</strong> pour <strong>le</strong>s féministes, <strong>le</strong>s «vraies», ou bi<strong>en</strong> est-ce que ça fait culcul ? ? ? Défier <strong>le</strong> quotidi<strong>en</strong> Décidém<strong>en</strong>t, je n'ai ni <strong>le</strong> coeur ni la tête à l'analyse <strong>en</strong> bonne et due forme, mais plutôt des malaises à partager. Par exemp<strong>le</strong> : j'ai mon chum, mon mari, et avec lui, <strong>le</strong> désir de continuer à re<strong>le</strong>ver <strong>le</strong> défi de bâtir un nouveau rapport homme-femme. Défier l'épaisseur du quotidi<strong>en</strong> : c'est là. pour moi, <strong>le</strong> vrai test Mais 18 ans de mariage, ça ne soulève pas de gros applaudissem<strong>en</strong>ts <strong>en</strong> milieu féministe. Il faudrait plutôt annoncer son divorce. N'y a-t-il pas là une forme d'intolérance, une approche à s<strong>en</strong>s unique?... En rejetant <strong>le</strong> modè<strong>le</strong> patriarcal, capitaliste, faut-il aussi r<strong>en</strong>ier la relation possib<strong>le</strong>, ess<strong>en</strong>tiel<strong>le</strong> (même si el<strong>le</strong> n'est pas la seu<strong>le</strong> «vraie» ou «norma<strong>le</strong>») <strong>en</strong>tre femmes et hommes qui ont <strong>le</strong> goût de construire autre chose, mais <strong>en</strong>semb<strong>le</strong> 7 Et sans doute aussi avec des <strong>en</strong>fants. Quel<strong>le</strong> place réserve-t-on aux <strong>en</strong>fants "> Malgré <strong>le</strong>s luttes pour des garderies et pour des grossesses librem<strong>en</strong>t cons<strong>en</strong>ties, ne concevons-nous pas la maternité un peu... à reculons? Être mère n'est pas d'abord signe d'oppression, d'exploitation ! Au contraire, c'est souv<strong>en</strong>t <strong>le</strong> <strong>le</strong>vier de l'agressivité pot<strong>en</strong>tiel<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t révolutionnaire des femmes, de <strong>le</strong>ur pouvoir, particulièrem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> terrain populaire. Je p<strong>en</strong>se, par exemp<strong>le</strong>, à la force des femmes d'Afrique du Sud, qui lutt<strong>en</strong>t avec <strong>le</strong>s écolièr-e-s contre l'apartheid. Je p<strong>en</strong>se aux grandmères de la Place de mai, <strong>en</strong> Arg<strong>en</strong>tine, qui, pour retrouver <strong>le</strong>urs <strong>en</strong>fants et petits- 27 <strong>en</strong>fants kidnappés par <strong>le</strong>s militaires, n'hésit<strong>en</strong>t pas à défier un régime totalitaire de droite. Je p<strong>en</strong>se aux femmes de l'OPDS 1 , à Montréal, qui ont occupé <strong>le</strong> bureau d'un ministre p<strong>en</strong>dant deux semaines pour résister à l'appauvrissem<strong>en</strong>t de <strong>le</strong>urs famil<strong>le</strong>s. Et quel<strong>le</strong> place fait-on aux ado<strong>le</strong>sc<strong>en</strong>t-e-s 9 On dirait que <strong>le</strong> féminisme n'intervi<strong>en</strong>t pas suffisamm<strong>en</strong>t auprès des jeunes, notamm<strong>en</strong>t à l'éco<strong>le</strong> 2 . C'est que <strong>le</strong>s mères féministes sont loin d'être seu<strong>le</strong>s à éduquer, diriger, inspirer <strong>le</strong>urs <strong>en</strong>fants. Il y a <strong>le</strong>s ami-e-s, <strong>le</strong>s voisin-e-s, la télé, l'éco<strong>le</strong>... qui, eux, sont rarem<strong>en</strong>t féministes. Le rapport de force finit par être très inégal et nous passons pour <strong>le</strong>s éternel<strong>le</strong>s casseuses de veillées ! Ne pourrait-on pas développer des pédagogies plus appropriées ? Et comm<strong>en</strong>t nous par<strong>le</strong>r <strong>en</strong>tre nous, <strong>le</strong>s articulées qui sav<strong>en</strong>t tout et toutes cel<strong>le</strong>s qui s<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t que c'est pas correct <strong>le</strong>s revues porno chez <strong>le</strong> coiffeur de <strong>le</strong>urs jeunes, <strong>le</strong>s grosses farces sexistes dans <strong>le</strong>s partys de famil<strong>le</strong>, mais ne sav<strong>en</strong>t pas comm<strong>en</strong>t faire, qui cherch<strong>en</strong>t, qui s'effrai<strong>en</strong>t dans un quotidi<strong>en</strong> qui devi<strong>en</strong>drait continuel<strong>le</strong> situation de combat 7 Comm<strong>en</strong>t nous donner <strong>le</strong>s moy<strong>en</strong>s de vivre sans passer pour fol<strong>le</strong>s, et sans capitu<strong>le</strong>r ? Ces malaises sont <strong>en</strong> même temps espoir, puisque accepter de s'<strong>en</strong> par<strong>le</strong>r annonce déjà un demain de paro<strong>le</strong> partagée. Ça me r<strong>en</strong>d confiante <strong>en</strong> notte capacité de continuer la batail<strong>le</strong>. Ça pousse comme à mes accouchem<strong>en</strong>ts. Ri<strong>en</strong> ne peut arrêter cette puissance qui se dégage de nous. Lucie Leboeuf est animatrice au C<strong>en</strong>tre pastoral <strong>en</strong> milieu ouvrier et ag<strong>en</strong>te d'éducation pour des organisations populaires à Montréal. 1/ Organisation populaire des droits sociaux. 2/ Mise à part l'<strong>en</strong>quête exceptionnel<strong>le</strong> du comité de condition féminine de la CEQ, sur <strong>le</strong> harcè<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t sexuel dans <strong>le</strong>s éco<strong>le</strong>s. LA VIE EN ROSE
Change language