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Un héritage<br />

insupportab<strong>le</strong><br />

À Francine Pel<strong>le</strong>tier.<br />

Je t'écris parce que j'ai aimé ton<br />

artic<strong>le</strong> dans l'Ag<strong>en</strong>da des femmes<br />

85 2 . J'y ai lu des constatations<br />

qui m'ont éclairée, auxquel<strong>le</strong>s<br />

je pouvais <strong>en</strong>fin m'id<strong>en</strong>tifier.<br />

Tu dis qu'il nous reste à nommer<br />

de A à Z <strong>le</strong> monde dans<br />

<strong>le</strong>quel nous voulons vivre... ça<br />

me par<strong>le</strong> <strong>en</strong>fin d'av<strong>en</strong>ir et d'action<br />

! Pour nous, <strong>le</strong>s jeunes,<br />

qui n'avons pas participé aux grandes<br />

manifestations des années 70, qui connaissons<br />

plus l'amertume que l'espoir créé par<br />

cette époque du féminisme, c'est ess<strong>en</strong>tiel<br />

D'ail<strong>le</strong>urs, ce qui a surgi surtout, <strong>en</strong> lisant ta<br />

réf<strong>le</strong>xion sur <strong>le</strong>s dix dernières années du<br />

féminisme, c'est un s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t de colère<br />

devant l'héritage insupportab<strong>le</strong> que nos<br />

aînées nous ont légué.<br />

De quoi aurait l'air un féminisme attirant<br />

et viab<strong>le</strong>, dis-tu ? Mais de quoi a l'air celui<br />

qu'on nous propose maint<strong>en</strong>ant, celui que<br />

l'on m'a proposé il y a quatre ans ? À 23 ans,<br />

on me demandait d'être codirectrice d'un<br />

théâtre féministe, et c'était merveil<strong>le</strong>ux. Je<br />

n'avais pas à att<strong>en</strong>dre la mort des aînées<br />

pour hériter de l'<strong>en</strong>treprise ! Nous étions<br />

deux nouvel<strong>le</strong>s, nous créerions de concert.<br />

La création des femmes, du moins au<br />

Théâtre expérim<strong>en</strong>tal des femmes, s'effondrait<br />

sous <strong>le</strong> poids de la fatigue et des<br />

déchirem<strong>en</strong>ts. Parce que nous considérions<br />

que c'était important, et par besoin<br />

d'id<strong>en</strong>tité col<strong>le</strong>ctive, nous avons décidé de<br />

poursuivre <strong>le</strong> travail, car, sans <strong>en</strong> avoir<br />

comme vous la nostalgie, nous avions<br />

énormém<strong>en</strong>t mystifié <strong>le</strong>s années 70<br />

Vous aviez tant parlé alors que nous n'y<br />

étions pas ! Comme <strong>le</strong> disait une jeune<br />

mars 1965<br />

«Je suis tannée de me faire rabâcher <strong>le</strong>s oreil<strong>le</strong>s par <strong>le</strong>s plus<br />

vieil<strong>le</strong>s, de <strong>le</strong>ur fatigue, de <strong>le</strong>ur épuisem<strong>en</strong>t, de <strong>le</strong>ur désespoir et<br />

de <strong>le</strong>ur regard hautain sur la relève dont je suis. '»<br />

Le texte suivant n'avait pas été prévu; nous ne soupçonnions pas<br />

la colère des «jeunes» féministes <strong>en</strong>gagées, de cel<strong>le</strong>s qui, sans<br />

avoir connu l'euphorie des années 70, nous suiv<strong>en</strong>t de près, et<br />

que nous considérions simp<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t comme notre prolongem<strong>en</strong>t.<br />

par Ginette Noiseux<br />

comédi<strong>en</strong>ne : «Je n'ose plus poser de questions<br />

à des femmes qui sont tannées de se<br />

répéter.»<br />

À découvert<br />

Nous avons peur d'être rejetées par <strong>le</strong>s<br />

féministes, cette mauvaise peur de ne pas<br />

être assez informées, assez qualifiées. Alors<br />

nous lisons, nous lisons, sans vraim<strong>en</strong>t<br />

trouver notre place. Bi<strong>en</strong> sûr, nous nous<br />

reconnaissons à travers ces écrits mais<br />

nous nous demandons où nous allons, sans<br />

assises, sans alliées, à découvert, à l'intérieur<br />

de col<strong>le</strong>ctifs divisés.<br />

On veut qu'émerg<strong>en</strong>t de notre génération<br />

de nouvel<strong>le</strong>s théorici<strong>en</strong>nes génia<strong>le</strong>s, et<br />

nous sommes marquées de la honte de<br />

notre infertilité. Ces théorici<strong>en</strong>nes naîtront<br />

de notre nouvel<strong>le</strong> conception de la sexualité<br />

II faut l'avoir vécue et <strong>en</strong> par<strong>le</strong>r pour<br />

qu'el<strong>le</strong>s puiss<strong>en</strong>t l'écrire. J'évoque ici la<br />

luxuriance, <strong>le</strong> narcissisme, la puissance<br />

sexuel<strong>le</strong> féminine. Mais il y a de quoi transformer<br />

<strong>le</strong> monde ! Serons-nous prêtes à<br />

sout<strong>en</strong>ir ces femmes qui oseront <strong>le</strong>s premières<br />

franchir toutes <strong>le</strong>s barrières psychiques<br />

de <strong>le</strong>ur id<strong>en</strong>tité d'opprimées ~> Peut-on<br />

concevoir un amour <strong>le</strong>sbi<strong>en</strong> de son corps<br />

dans une relation hétérosexuel<strong>le</strong> ?<br />

Dans l'iso<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t<br />

Nous, cel<strong>le</strong>s de 25 à 30 ans. sommes<br />

aussi <strong>le</strong>s produits d'une lutte qui nous a<br />

éveillées à choisir des métiers monopolisés<br />

par <strong>le</strong>s hommes. Nous sommes <strong>le</strong> produit<br />

du patriarcat qui a instauré, dans nos<br />

éco<strong>le</strong>s, des structures favorisant l'individualisme,<br />

afin que mai 68 ne soit jamais<br />

47<br />

plus. Mais nous n'avons pas dropé nos<br />

études à cause de la crise économique ou<br />

du haut taux de divorces.<br />

Nous voilà aujourd'hui des spécialistes<br />

(scénographes, auteures, éclairagistes, etc.).<br />

compét<strong>en</strong>tes, mais pour la plupart sans<br />

travail et sans organisation C'est-à-dire<br />

sans réseaux pour nous «backer», pour<br />

nous recevoir. Nous manquons d'institutions<br />

pour refléter notre multiciplicité.<br />

Notre spécialisation ne va pas à contrecourant<br />

de nos idéaux. El<strong>le</strong> devrait tisser<br />

<strong>en</strong>tre nous des li<strong>en</strong>s et nous permettre de<br />

nommer de A à Z <strong>le</strong> monde dans <strong>le</strong>quel nous<br />

voulons vivre. Or. quels li<strong>en</strong>s existe-t-il<br />

<strong>en</strong>tre <strong>le</strong>s femmes biologistes, philosophes,<br />

scénographes "> Tout se ti<strong>en</strong>t, <strong>en</strong>tre ma<br />

recherche sur l'imaginaire féminin branchée<br />

sur <strong>le</strong> milieu écologique, la médecine<br />

bio-dynamique et la philosophe Mary Daly.<br />

Comm<strong>en</strong>t se fait-il alors que nous soyons si<br />

isolées 7<br />

II est temps de rétablir des ponts - et nos<br />

priorités. De nous dévoi<strong>le</strong>r. Tant mieux si<br />

1985 est l'année des bilans. Cela implique<br />

que c'est aussi l'année des perspectives<br />

d'av<strong>en</strong>ir, *p<br />

Ginette Noiseux est scénographe et. depuis quatre<br />

ans. codirectrice du Théâtre expérim<strong>en</strong>tal des<br />

femmes à Montréal<br />

1/ Lise Vaillancourt, écrivaine et codirectrice<br />

aussi du TEF, dans un texte quel<strong>le</strong> nous <strong>en</strong>voyait<br />

à la suite de la <strong>le</strong>ttre de Ginette Noiseux.<br />

Il Ag<strong>en</strong>da des femmes 198S Éd. du Remueménage.<br />

Montréal. 1984. Des militantes féministes<br />

y analysai<strong>en</strong>t «<strong>le</strong>ur» déc<strong>en</strong>nie : Co<strong>le</strong>tte<br />

Beauchamp. Nico<strong>le</strong> Lacel<strong>le</strong>. Francine Pel<strong>le</strong>tier.<br />

Hélène Pedneault, Co<strong>le</strong>tte Bétit et <strong>le</strong>s éditrices.<br />

LA VIE EN ROSE

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