CSN aux <strong>en</strong>têtées de la Vie <strong>en</strong> rose! Comme vous, <strong>le</strong>s 80,000 femmes du secteur public CSN sont déterminées à al<strong>le</strong>r de l'avant Le Gouvernem<strong>en</strong>t veut nous imposer un recul de 20 ans. Pas question! Nous voulons garder nos jobs et pouvoir <strong>le</strong>s faire bi<strong>en</strong> Chacune à notre manière, travail<strong>le</strong>uses dans <strong>le</strong> secteur public ou <strong>le</strong> secteur privé, dans <strong>le</strong>s groupes populaires, usagères des services publics, notre batail<strong>le</strong> est commune!
Un héritage insupportab<strong>le</strong> À Francine Pel<strong>le</strong>tier. Je t'écris parce que j'ai aimé ton artic<strong>le</strong> dans l'Ag<strong>en</strong>da des femmes 85 2 . J'y ai lu des constatations qui m'ont éclairée, auxquel<strong>le</strong>s je pouvais <strong>en</strong>fin m'id<strong>en</strong>tifier. Tu dis qu'il nous reste à nommer de A à Z <strong>le</strong> monde dans <strong>le</strong>quel nous voulons vivre... ça me par<strong>le</strong> <strong>en</strong>fin d'av<strong>en</strong>ir et d'action ! Pour nous, <strong>le</strong>s jeunes, qui n'avons pas participé aux grandes manifestations des années 70, qui connaissons plus l'amertume que l'espoir créé par cette époque du féminisme, c'est ess<strong>en</strong>tiel D'ail<strong>le</strong>urs, ce qui a surgi surtout, <strong>en</strong> lisant ta réf<strong>le</strong>xion sur <strong>le</strong>s dix dernières années du féminisme, c'est un s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t de colère devant l'héritage insupportab<strong>le</strong> que nos aînées nous ont légué. De quoi aurait l'air un féminisme attirant et viab<strong>le</strong>, dis-tu ? Mais de quoi a l'air celui qu'on nous propose maint<strong>en</strong>ant, celui que l'on m'a proposé il y a quatre ans ? À 23 ans, on me demandait d'être codirectrice d'un théâtre féministe, et c'était merveil<strong>le</strong>ux. Je n'avais pas à att<strong>en</strong>dre la mort des aînées pour hériter de l'<strong>en</strong>treprise ! Nous étions deux nouvel<strong>le</strong>s, nous créerions de concert. La création des femmes, du moins au Théâtre expérim<strong>en</strong>tal des femmes, s'effondrait sous <strong>le</strong> poids de la fatigue et des déchirem<strong>en</strong>ts. Parce que nous considérions que c'était important, et par besoin d'id<strong>en</strong>tité col<strong>le</strong>ctive, nous avons décidé de poursuivre <strong>le</strong> travail, car, sans <strong>en</strong> avoir comme vous la nostalgie, nous avions énormém<strong>en</strong>t mystifié <strong>le</strong>s années 70 Vous aviez tant parlé alors que nous n'y étions pas ! Comme <strong>le</strong> disait une jeune mars 1965 «Je suis tannée de me faire rabâcher <strong>le</strong>s oreil<strong>le</strong>s par <strong>le</strong>s plus vieil<strong>le</strong>s, de <strong>le</strong>ur fatigue, de <strong>le</strong>ur épuisem<strong>en</strong>t, de <strong>le</strong>ur désespoir et de <strong>le</strong>ur regard hautain sur la relève dont je suis. '» Le texte suivant n'avait pas été prévu; nous ne soupçonnions pas la colère des «jeunes» féministes <strong>en</strong>gagées, de cel<strong>le</strong>s qui, sans avoir connu l'euphorie des années 70, nous suiv<strong>en</strong>t de près, et que nous considérions simp<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t comme notre prolongem<strong>en</strong>t. par Ginette Noiseux comédi<strong>en</strong>ne : «Je n'ose plus poser de questions à des femmes qui sont tannées de se répéter.» À découvert Nous avons peur d'être rejetées par <strong>le</strong>s féministes, cette mauvaise peur de ne pas être assez informées, assez qualifiées. Alors nous lisons, nous lisons, sans vraim<strong>en</strong>t trouver notre place. Bi<strong>en</strong> sûr, nous nous reconnaissons à travers ces écrits mais nous nous demandons où nous allons, sans assises, sans alliées, à découvert, à l'intérieur de col<strong>le</strong>ctifs divisés. On veut qu'émerg<strong>en</strong>t de notre génération de nouvel<strong>le</strong>s théorici<strong>en</strong>nes génia<strong>le</strong>s, et nous sommes marquées de la honte de notre infertilité. Ces théorici<strong>en</strong>nes naîtront de notre nouvel<strong>le</strong> conception de la sexualité II faut l'avoir vécue et <strong>en</strong> par<strong>le</strong>r pour qu'el<strong>le</strong>s puiss<strong>en</strong>t l'écrire. J'évoque ici la luxuriance, <strong>le</strong> narcissisme, la puissance sexuel<strong>le</strong> féminine. Mais il y a de quoi transformer <strong>le</strong> monde ! Serons-nous prêtes à sout<strong>en</strong>ir ces femmes qui oseront <strong>le</strong>s premières franchir toutes <strong>le</strong>s barrières psychiques de <strong>le</strong>ur id<strong>en</strong>tité d'opprimées ~> Peut-on concevoir un amour <strong>le</strong>sbi<strong>en</strong> de son corps dans une relation hétérosexuel<strong>le</strong> ? Dans l'iso<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t Nous, cel<strong>le</strong>s de 25 à 30 ans. sommes aussi <strong>le</strong>s produits d'une lutte qui nous a éveillées à choisir des métiers monopolisés par <strong>le</strong>s hommes. Nous sommes <strong>le</strong> produit du patriarcat qui a instauré, dans nos éco<strong>le</strong>s, des structures favorisant l'individualisme, afin que mai 68 ne soit jamais 47 plus. Mais nous n'avons pas dropé nos études à cause de la crise économique ou du haut taux de divorces. Nous voilà aujourd'hui des spécialistes (scénographes, auteures, éclairagistes, etc.). compét<strong>en</strong>tes, mais pour la plupart sans travail et sans organisation C'est-à-dire sans réseaux pour nous «backer», pour nous recevoir. Nous manquons d'institutions pour refléter notre multiciplicité. Notre spécialisation ne va pas à contrecourant de nos idéaux. El<strong>le</strong> devrait tisser <strong>en</strong>tre nous des li<strong>en</strong>s et nous permettre de nommer de A à Z <strong>le</strong> monde dans <strong>le</strong>quel nous voulons vivre. Or. quels li<strong>en</strong>s existe-t-il <strong>en</strong>tre <strong>le</strong>s femmes biologistes, philosophes, scénographes "> Tout se ti<strong>en</strong>t, <strong>en</strong>tre ma recherche sur l'imaginaire féminin branchée sur <strong>le</strong> milieu écologique, la médecine bio-dynamique et la philosophe Mary Daly. Comm<strong>en</strong>t se fait-il alors que nous soyons si isolées 7 II est temps de rétablir des ponts - et nos priorités. De nous dévoi<strong>le</strong>r. Tant mieux si 1985 est l'année des bilans. Cela implique que c'est aussi l'année des perspectives d'av<strong>en</strong>ir, *p Ginette Noiseux est scénographe et. depuis quatre ans. codirectrice du Théâtre expérim<strong>en</strong>tal des femmes à Montréal 1/ Lise Vaillancourt, écrivaine et codirectrice aussi du TEF, dans un texte quel<strong>le</strong> nous <strong>en</strong>voyait à la suite de la <strong>le</strong>ttre de Ginette Noiseux. Il Ag<strong>en</strong>da des femmes 198S Éd. du Remueménage. Montréal. 1984. Des militantes féministes y analysai<strong>en</strong>t «<strong>le</strong>ur» déc<strong>en</strong>nie : Co<strong>le</strong>tte Beauchamp. Nico<strong>le</strong> Lacel<strong>le</strong>. Francine Pel<strong>le</strong>tier. Hélène Pedneault, Co<strong>le</strong>tte Bétit et <strong>le</strong>s éditrices. LA VIE EN ROSE