30 août 1905 - Bibliothèque de Toulouse

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Causerie (Agricole 1037 L'assimilation J'ignore à quel personnage historique ou gastronomique il faut attribuer le mot si véridiquc : « L'on ne vit pas de ce que l'on mange, mais de ce que l'on digère.» Trans- porté dans le monde végétal, ce mot a sa contre-partie : « La plante ne se développe pas suivant ce qu'on lui fournit, mais suivant l'assimilation de ses aliments. » Dans l'agriculture moderne, on peut ajouter deux mots: « le plus rapidement possible.» mal à mon aise pour en rendre compte. I e journal d'Agriculture pratique et le Bulle- tin du Syndicat central et du Syndicat de la Haute-Garonne ont donné à leurs lecteurs le rapport complet de ces expériences. Voilà près de dix mille lecteurs qui ont ce rapport fait par un spécialiste, M. le capi- taine du génie Davasse. Je paraîtrais un ignorant si je voulais résumer cela, car tout y est scientifiquement décrit. Je dois donc m'en tenir au côté purement pratique. La maison Traboul, de la rue Bavard, toujours fournie en toutes choses, avait bien voulu donner à la commission un dy- namomètre enregistreur, grâce auquel en a pu tracer et numéroter tous les efforts des attelages. En "agriculture, " en effet, comme un peu Ces tracés ne mentent pas. Toutefois, il nartout le temps est de l'argent et la ré- faut aussi voir le réglage des charrues, le coite prochaine est plus importante que la mode d'attelage, etc. suivante quoique celle-ci doive être prépa- Je serais trop long si j'entrais ici dans tous les détails des expériences auxquelles se sont livrés MM. les concurrents et les membres du jury pour tout apprécier. Il est certain que les charrues ont deux divisions indiquées, celles des labours d'hiver, demi-défonceuses allant à 30 et 35 cen- timètres dont le type sera toujours le dou- ble Brabant et là "charrue usuelle (je ne parle pas des vigneronnes). Mais ici une se- fniicher et cependant un peu partout l'on conde division se présentait et, dans les n des faucheuses et des moissonneuses, deux catégories, c'était la question du ver Nous avons été gênés dans le travail des soir. moissonneuses par les blés couchés, et déjà L'antique araire à deux ailes (que l'on une maison vient de créer un instrument emploie encore dans le centre de la France) «mécial pour les blés en ce cas-là. De Tarai- avait été remplacé par la forme à hélice tronquée. L'on s'appuyait pour cela sur l'hélice des vaisseaux fendant l'eau comme Bien que déjà les comportes s apprêtent, nous sortirons des vignes pour nous occu- per des labours et des premières fumures. P La grande culture (il n'y a pas a se dissi- muler le fait) sera toujours le ble. Seule- ment l'on se dit un peu trop : « Les vieux gbouWs connaissent leur métier. » Oui, comme les bons faucheurs savent encore .-""i.--* „„r. 0nrinnt. un peu partout l'on BOURSE DE PARIS Du 29 août (dépècne télégraphique) AU COMPTANT :courts \ cocas OU JOUR PnÉCÉD . FONDS D'ÉTAT 3* re antique à la charrue usuelle, il y a une distance énorme ; eh bien ! là encore devait s'accomplir un progrès dont nous allons Tjcirlfîr. Cela rentre dans le titre de mon sujet car ameublir le sol, l'exposer à l'air à des moments opportuns, c'est rendre assimila- bles soit des parties minérales, soit de l'hu mus nui seraient encore restés inutilisables pendant plusieurs années. De plus, c'est - donner à la plante la possibilité d'absorber pour son développement telle et telle partie de l'engrais donné qu'elle laisserait inutile sans cela. Il est, en effet, nécessaire, surtout si vous employez les scories Thomas, qui sont le plus énergique engrais pour le blé, que vous n'en fassiez pas cet emploi à l'a dernière heure. C'est aux labours de septembre qu'il faut s'en servir pour qu'elles soient remuées, mélangées à l'air, etc.. en un mot, le plus rapidement prises par le blé pour résister à l'hiver. Vous savez comme moi que les sols argileux, compacts, et d'un autre côté toutes les arènes, boulbè- nes froides, argilo-silices, etc.. sont les sols oi le blé souffre le plus de l'humidité hiver nale, et surtout des alternatives cle gel ou dégel. Autant par le phosphore que par la chaux active qu'elles contiennent, les sco Ties Thomas, c'est-à-dire les scories sorties du four Bessemer, seront du plus grand se •cours à nos blés, qu'il ne faut jamais lais ser s'anémier. Je ne sais pourquoi ce mot d'anémie, que l'on peut rapporter à tant de cas, me remet ËXI mémoire une conversation que j'avais cette semaine avec un grand propriétaire qui élève des chevaux en même temps qu'il en fatigue beaucoup. « Songez à donner toujours une nourriture assimilable à vos chevaux et appropriez-la au jeune âge et à la vieillesse. Pour les jeunes, il faut formel- le plus vite possible l'ossature ; pour les vieux, prolonger leur résistance ou plutôt leur vie par un soutien donné à leur mus- culature et à leurs poumons. Il faut arrê- ter la pousse et l'anémie. Pour cela, en de- hors de l'avoine ou du foin, des aliments hydrocarbonés et phosphorés. La bettera- ve est appelée à jouer un grand rôle, autant pour le cheval que pour le Détail à cor- nes. J'y ajoute toujours, me dit-il, une piu- ri'e très digestible dont vous avez déjà rar- lé. mais saris en connaître aussi bien que moi ses effets ; c'est la phospho-azotine que vous avez en dépôt à votre Syndicat, 63, boulevard Carnot, à Toulouse, mais qui existe en bien d'autres endroits. Seulement l'on s'en sert mal très souvent. Il faut la donner dans un barbottage de son. Mêlée ainsi à une substance protéique, son effet est des plus rapides. » Le mélange, qu'il s'agisse des animaux comme des plantes, joue un rôle énorme ; ainsi pour les scories, que l'on devrait toujours mélanger avec de l'humus ou des ter- reaux quelconques. On crée par là des hu- mâtes calcaires ou mieux du nitrate de chaux qui est d'un effet nutritif des plus ac- tifs. Je n'ai parlé que de phosphore et d'a- zote, mais il est un autre élément qui est ën quantité suffisante dans le sol et qui doit Jouer sort rôle, à condition qu'on le rende assimilable, c'est la potasse. Dans tout le bassin de la Garonne, elle est engagée avec l'argile débris de feldspath des Pyrénées, •sous la forme de silicate d'alumine et de petasse. Plus cette roche est réduite en parcelles impalpables et plus les suçoirs des radicel- les sous l'effet des agents atmosphériques pourront absorber la potasse dégagée de l'alumine. C'est l'œuvre des labours. Si la potasse, tout en étant nécessaire aux céréa les, n'est pour elles qu'un agent secondaire auprès de l'azote et du phosphore, elle de- vient une nourriture de premier ordre dans les légumineuses et à peu près toutes les cultures sarclées qui suivent les blés, bette raves, pommes de terre, etc. Le labour que vous faites aujourd'hui vous sera utile pour Je blé d'abord et pour îa récolte qui le suivra. A ce sujet, il me faut parler du grand concours de charrues qui eut lieu près de Toulouse au printemps dernier, sous les auspices de la Société d'agriculture de la Haute-Garonne. Je suis, je l'avoue, as la charrue doit fendre la terre. Mais il nous arrive d'Amérique (qui l'avait prise à un constructeur dédaigné en France) une nouvelle forme. C'est la forme dite cylindri- que, bien que ce ne soit pas un cylindre proprement dit, L'on a appliqué cette forme autant au versoir de la grosse charrue que de la charrue usuelle. Grâce au dynamomètre, l'on s'est aperçu qu'avec quelques détails de ré- glage elle demandait un tiers de moins d'effort aux bœufs et aux chevaux. C'est là, on en conviendra, un résultat très considé- rable. Mieux encore, elle pulvérisait plus finement la terre. Cette forme ne coûte pas plus cher que notre charrue à hélice tron- quée, seulement, ce que n'a pas prévu M. Davasse, c'est qu'il faudra y accoutumer nos laboureurs. L'on sait toute la peine que l'on a eue à faire accepter la charrue en fer au lieu de la charrue en bois. En serait-il de même aujourd'hui ? Je ne le pense pas. D'abord, la position de la main est la mô- me, c'est plutôt une question de réglage. Puis, la routine du paysan a été fort ébran- lée par les batteuses et les faucheuses. Il croit à l'amélioration des instruments. Ensuite, MM. les dépositaires de ces nou- veaux instruments ne demandent pas mieux que d'être des initiateurs. J'ai vu à l'œuvre MM. Traboul et M. Carolis ; ils peuvent en remontrer à tous nos laboureurs. Précisément, le jour des expériences de la commission, l'un des membres s'ex- clama en disant que M. Traboul faisait presque trop bien valoir ses instruments. Il y a là une leçon à donner à nos campa- gnes, non seulement pour les charrues qui doivent rendre nos terres fécondes, mais aussi pour toutes ces formes nouvelles de herses et d'extirpateurs qui encombrent les recueils et brochures mais que la pratique n'a pas su encore généraliser. MM. les dé tent'eurs d'instruments agricoles ont là un rôle vraiment patriotique d'éducateurs à jouer. Je serais, pour ma part, très heureux de les y aider. L. de MALAFOSSE. (Labora). % amortissable Dette tunisienne Russe 4 % 1667 et 1869 — » % 1SS0 — » % or ié-SS — , i % or 1890 — » % or 1893 — » % or 1894 Consolidé 4 % 1" et 5" séries.... — 4 % 1901 — 3 % or 1891 — S % or 1896 — 3 i % or 1894 Lettres de gage 3 i Italien 5 % Espagne extérieure (cours 30 p.).. Autriche or 4 % Hongrois 4 % - Egypte uniflée Argentine (Répub.) S «, 1889 Portugal 3 ACTIONS Banque ae France Crédit Foncier Crédit Lyonnais Banque de Paris Comptoir d'Escompte Société Géntralc Banque Ottomane Midi Orléans Paris-Lyon-Méditerranée Nord Ouest , Est Est-Algérien Ouest-Algérien , Bône-Guelma Autrichiens Lombards , Nord-Espagne Saragosse Chemins de 1er Portugais Carmaux Îhomson-Houston Compagnie Parisienne du Gaz Messageries Maritimes Compagnie Transatlantique OBLIGATIONS nue de Paris 1865 1663 1671 1875 1878 1892 1894-1896 1898 1899 Foncières 1879 1883 188» 1895 1903 Communales 1879 1S80 , 1891 -, 18B2 1899 Midi 3 % anciennes Orléans 3 % anciennes Lyon S % fusion anciennes Nord 3 % anciennes Ouest 3 % anciennes Est 3 % anciennes Est-Algérien : Ouest-Algérien Bône-Guelma Saragosse Nord-Espagne Portugais Autrichiens 3 % 1" hypothèque... Lombardes anciennes Suez Panama lots 1889 Panama lots libérés Lots Congo Ottomanes 4 % consolidées Douanes Ottomanes Priorités ottomanes A TERME 99 00 89 75 ) 90 30 :'.) 40 *S1 .. ISO-.. 89 30 88 50 8à àr, 89 30 88 85 88 25 8-< 60 89 50 8S 50 8d 40 88 23 88 50 88 tO 8J . 89 .. 89 00 74 :0 73 Là 7:t 75 7 i 93 77 50 78 105 25 105 15 91 50 91 60 10! 90 98 30 97 80 107 70 107 50 5H 69 60 '09 50 3.; Paris-Lyon- Me-' ûlierranée, 139.2..; Nord, 1810; Midi 1213 .: Orléans 1513 ..; Ouest, 915..; Saragosse, 28 3 . ; Nord-Espa- gne 157 75. Obligations diverses. — Moulin du Bazaclo, 317..; Société d'Electricité, ... ; Ville de Paris 1385, 559 50:1869, . ..; 1871, 413 00 ; Communales 1879 494 ,.; 1880, EOS 00; 1892, 4 r ,0 .; Foncières 1879, 516 .. 1883, ... .; 18S5. 490 50; Est ancienne, nouvelle, 468 50; Midi ancienne, M'.> réel, confiée?* MM., Dames. Travaux suivi et pavé. Réclame, Bd St-Mar- CHIEN PERDU chien lévrier, de pelage fauvo, répondant au nom de Elût, et portant un col- lier où est Inscrit le nom du propriétaire i: Monsieur Dons sau, lieutenant au 78' d'infan- terie. Prière d'avertir an cas. teau cle Bazignan. par Llgardes (Gers). Récompense. Le Flacon 4 francs. Envoi franco contre manâat- P o5^tlaç GRANDE FABRIQUÉ DS Statues, Chemins de Croie Autels, etc., eto. due Côle'Pavêe-Montaudrm, 2 TOULOUSB t. riiect./m/îco.Ech. ratis. ' SOCIÉTÉ icoi-E, Narbïmne. VI- 0)1 DESIRE tàns 6 le S ou T.-et-Garonne, propriété boisée, maison vaste, 70,000 francs. On répondra à lettres donnant dé- tails. Béringuler, 12 bis, avenue des Gobelins, Paris. iipïMrjafit IT ©•ORFÈVUERIE PQÎHJftE NIOK 60, Paris (ix (Bulletin d'(Abonnement au journal Celui qui souffre eneors de la Hernie DS peut en •ccuser qu* lui-même, puisqu'il a à sa disposition on moyen merveilleux de contenir ls hernie la plus volumineuse, sans ia moindre gène, «t d'ob- tenir le soulagement immédiat et certain par 14 Bandage B&rrère élastique et sans ressort adopté poux l'armée. Brochure et essai gratis. M. BARRIB», 3, Boulevard du Palais, Paris. Le succès toujours grandissant ds cet appareil dans notre région a amené M. Binnàm à fonder un cabin»1 d'application à Toulouse, où sa méthode et «es appétits sont appliqués gratuitement toute l'annén eneaSl/^iriss, Pharmacien honoraire,30, Rue Bayarl Pour faciliter les souscriptions aux abonnements au Journal dans les localltéfl où nous n'avons pas de vendeur, nous établissons ce bulletin qu'il suffira dtj détacher — après l'avoir complété et signé — et d'envoyer à l'administration du Journal, 60us enveloppe affranchie. û M , » , 1 demeurant à rt . A déclare souscrire à un abonnement de . Le soussigné s'engage à payer la somme de - â dater fa contre as mandat qui sera recouvré par les soins de l'Administration des Postes quelques jours aprèë 'H souscription. Signature de l'abonna. 203 Feuilleton du 30 août 1905 PAU Raoul de Navery TROISIEME PARTIE «TESjQuOSr Oj3k.TXT-t3».Xî^. — Oh ! ne prononcez point de sembla- bles paroles, dit Nadie, le Seigneur a dû vous accorder la force de pardonner... — Non ! non ! dit la mère en tordant ses bras, j'ai supplié Dieu de me donner ce courage, mais je ne peux pas ! je ne peux pas ! Il est des hommes plus cruels que les panthères de nos bois, des hommes qui boiraient goutte à goutte le sang de nos veines, et qui se délectent de nos larmes... Vous avez perdu votre mère ! mais qu'est la séparation qui vous fait souffrir auprès de celle qui me déses- père... Lucie, ma Lucie, a votre âge, votre beauté, il me semble à vous voir Si compatissante et si douce que vous lui ressemblez... Cet ange de piété, cette sainte, on me l'a prise, on me l'a volée on l'a jetée dans une prison... — Pourquoi ? mon Dieu 1 pourquoi ? demanda Nadie. Que lui reproche-t-on. La fille d'une mère telle que vous ne peut être coupable. — La persécution est la persécution, dit la veuve. Le Canada est catholique et l'Angleterre est protestante, voilà... C'est une raison, n'est-ce pas l — Et vous n'avez pas demandé jus- tice ? •— Moi I à genoux, le front dans la poussière... offrant ma vie, ma liberté, en échange de sa liberté et de sa vie. — Pauvre mère ! murmura Nadie. — Savez-vous quel marché l'on m'a offert. — Une trahison sans doute ? — Plus que cela, une apostasie. — Et vous avez refusé ? — J'en ai appelé à Dieu ! — C'est beau, c'est grand, dit Nadie,. et le Seigneur ne peut manquer de vous bénir... il vous éprouve cruellement, mais croyez-le, il vous rendra votre fille. — Si vous saviez avec quelle prévoyan- ce j'ai veillé sur elle.Lucie était une fleur sans tache, les misérables l'ont en enfer- mée avec la lie de la société, avec les femmes qui sont l'opprobre de notre sexe... avec des voleuses... — Mon Dieu ! mon Dieu ! ce que vous m'apprenez est affreux ! dit Nadie, et partout, partout on vous a repoussée ? — Un seul homme m'a promis sa pro- tection ; celui-là est l'appui de tous ceux qui souffrent. —- Jean Canada ? demanda vivement Nadie. — Oui, Jean Canada m'a dit d'attendre... Mais puis-je attendre, quand Lucie souffre et m'appelle, quand je la sais clans ce lieu de honte et de perdition, quand je redoute de succomber à mon désespoir avant de l'avoir sauvée... — Avez-vous essayé de la visiter à la prison ? — On m'a refusé cette consolation. — Vous avez dit votre nom sans doute? — Il le fallait bien... On me l'a deman- dé... Les misérables espèrent triompher de moi par l'excès de la douleur. Ils pen- sent qu'en prolongeant mon martyre, ils arriveront à vaincre ma résistance. — Croyez-vous que vous pourrez avoir confiance en moi ? demanda Nadie. — Oui, oui, répondit l'infortunée. — Me permettez-vous de voir votre fille ? — Faites cela ! oui, faites cela ! je vous bénirai. — J'essaierai, du moins ; ce que ma ti- midité m'interdirait de tenter pour moi, je le risquerai pour vous... votre fille se nomme ? — Lucie David. — Je retiendrai ce nom ; et vous ?... — Je m'appelle Amy. — Ecoutez, dit Nadie d'une voix tou- chante, le Seigneur ne fait rien en vain ; il m'a placée sur votre route pour vous venir en aide... Tout ce que je pourrai, je le réaliserai... Dès que j'aurai, non pas même des nouvelles,mais une espérance, si lointaine qu'elle soit-, je viendrai vous la communiquer... Il se fait tard, mon père va rentrer ; il pourrait être mécon- tent ou inquiet de me savoir absente à une heure aussi tardive... Embrassez- moi, je porterai ce baiser à votre fille. Amy David attira Nadie dans ses bras. — Dieu m'a envoyé son ange ! dit-elle. La jeune fille quitta le logis de la veuve, et se mit à courir. La plupart des rues étaient plongées dans l'obscurité, elle, perdit plus d'une fois son chemin : la hâte d'arriver, la crainte d'encourir une grave réprimande, si son père était rentré avant elle, tout contribuait à l'ef- frayer. Comme elle approchait d'une ruelle noire, elle entendit sortir d!une taverne des chants et des rires grossiers ; pres- l sant le pas, elle allait dépasser le caba- , ret, quand trois buveurs, titubants, lui i barrèrent la route. Elle poussa un cri d'angoisse et se recula contre la muraille qui lui faisait face, mais ses terreurs ne firent qu'animer et réjouir ceux qui se faisaient un jeu de sa frayeur, et que leur ivresse pouvait rendre redoutables. L'appel de Nadie était parvenu aux oreilles d'un passant dans la direction opposée. Il comprit quelle scène se pas- sait, arriva droit à Nadie, et, repoussant les misérables ivrognes, il demanda d'une voix tonnante : — Qui ose maltraiter ma sœur ? L'attitude du jeune homme, la fermeté de son accent, imposèrent aux buveurs ; ils reculèrent en formulait de vagues ex- cuses, et le défenseur de Nadie, prenant le bras de la jeune fille, s'éloigna rapidement avec elle. — Où demeurez-vous, Mademoiselle ? lui demanda-t-il ; permettez-moi de vous reconduire jusque chez vous. Nadie donna son adresse, puis tout en marchant appuyée sur son protecteur elle lui dit d'une voix émue : — Je ne sais sans vous ce que je serais devenue, Monsieur, mon père sera bien heureux de vous remercier... S'il est re- venu avant moi à la maison, il se désole sans aucun doute... Je suis sortie pour al- ler à l'église, une grande douleur s'est révélée à moi, et je me suis attardée... Une telle candeur rayonnait sur le vi- sage de Nadie, son accent avait un tim- bre si pur que son compagnon pensa qu'il serait doux de lui inspirer de la re- connaissance. Tous deux marchèrent silencieuse- ment ; le jeune homme sentait encore le tremblement du bras de Nadie ; la frayeur ressentie par cette enfant le tou- chait sans qu'il expliquât sa brusque .sympathie pour cette jeune fille. —Vous êtes Française, Mademoiselle ? lui demanda-t-jl. — Ma mère était Acadienne, Mon- sieur. — Française et martyre, alors... — Oui, répondit la jeune fille d'une voix dans laquelle se confondaient le re- gret et l'admiration. — Et votre père ? — Je prie pour lui, répondit Nadie. Le jeune homme comprit la délicatesse de cette rétieence ; en même temps il de- vina la douleur secrète de Nadie. Il res- pecta sa réserve et dès lors tous deux marchèrent silencieux. La petite maison de l'impasse était encore plongée dans les ténèbres ; Jeffs n'é- tait pas rentré. La jeune fille retira len- tement sa main posée sur le bras du jeune homme, et lui dit en désignant son humble demeure : — Je vous remercie, Monsieur, que le ciel donne du bonheur à votre mère. — Je suis seul au monde, Mademoi- selle, tout seul, et je trouverais la vie bien amère si je ne combattais pour une grande idée, si mes aspirations ne ten- daient vers ùn noble but.' — Vous aussi, vous espérez de meil- leurs jours ? . —- Je me nomme Georges Malo, dit le jeune homme avec une sorte d'orgueil. — Alors, soyez deux fois béni 1 Quoi- que mon père me juge encore une enfant, je sais que les Français rêvent d'ar- racher notre patrie à ses envahisseurs et de déterrer l'épée de Montcalm ; je sais que vous êtes l'ami de Jean Canada. Dé- sormais en priant pour mon pays, je n'orblierai pas votre nom. Nodie salua son protecteur d'un dernier signe de tête et ouvrit la porte de la maison. Qi and Georges Malo vit sa protégée en sûrtlé il s'éloigna avec lenteur, mais no i sans avoir gravé dans son souvenir la U»- pogiaphie de ce quartier désert. U ,u |' semblait entendre la voix de Dieu lui dire que quelque jour il reviendrait dan» cette maison. La jeune fille reprit son travail, m» 1 » la distraction fit plus d'une fois tomben la toile sur ses genoux. Jamais pendant sa jeune vie tant d'événements ne s c taient passés en une heure. Elle se sou 4 vint d'Amy David sanglotant au pied oé la croix, de la terreur qui s'était emparés d'elle au moment où les buveurs de 1» taverne lui barrèrent le passage ; enfin* elle songea à Georges Malo, dont le noirt était répété par les jeunes Canadiens avec l'accent de l'espérance, et que l'01* associait'à celui de Jean Canada. Une heure environ après le retour da Nadie, Jeffs rentra. Il semblait plei" d'entrain et de gaieté, et vint embrassen sa fille avec une tendresse qui la toucii* d'autant plus qu'elle se sentait l'âme pr
CEËÏSiES RÉDACTION ET ADMINISTRATION : Toulouse, ras Roqualain©, 25 m 5 CENTIMES A. «O MM Sâ»BMÏ» «*nart«>«—" »»iai • «r. ta tno« «J t» B» (2 il S^er ïûoto» port»» — V.; 'g ^ tjufftt BON «i m piyaHî* iiW ÉDITIONS REGIONALES Lee Ara^m», Corrèxa G&ntxJ ter*, Htet-fyrégéas, Basgas-Py^énéea. Lsxasêa» 7sm, Amis, Hâr&siX, Fyrén4«»~
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