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Dossier documentaire et pédagogique du service éducatif

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L’intérêt de c<strong>et</strong>te histoire d’amour qui finit mal est la distance que m<strong>et</strong> Müller entre ce qui arrive au jeune<br />

meunier <strong>et</strong> nous, lecteur ou auditeur. Pour cela, il entoure ses poèmes d’un prologue <strong>et</strong> d’un épilogue que<br />

Schubert laisse de côté dans sa composition. Le prologue ressemble à la tirade joyeuse <strong>et</strong> pleine d’esprit d’un<br />

bateleur qui, à la foire, invite les passants à venir voir ce qui n’est qu’un spectacle divertissant <strong>et</strong> non la réalité.<br />

Quant à l’épilogue, il est plus ambigu puisqu’il engage d’abord à ne pas prendre au sérieux ce que nous venons<br />

d’entendre, mais laisse ensuite chacun tirer de c<strong>et</strong>te histoire la morale qui lui convient…<br />

On r<strong>et</strong>rouve plus n<strong>et</strong>tement dans les poèmes c<strong>et</strong>te « opposition » entre un courant dramatique qui semble<br />

naturel dans une telle histoire, <strong>et</strong> un courant plus léger, plus insouciant. Ces deux courants, loin de se<br />

contredire, se rejoignent pour illustrer magistralement la complexité de notre nature humaine. Nous pouvons<br />

être plongés dans les pires tourments, en souffrir réellement, <strong>et</strong> en même temps, nous pouvons rire de nos<br />

faiblesses, parce que nous savons comment nous sommes !<br />

C<strong>et</strong>te ambivalence particulièrement délicate <strong>et</strong> subtile est sans doute bien difficile à tra<strong>du</strong>ire pour l’interprète,<br />

qu’il soit chanteur ou pianiste. On imagine aisément comme il est attirant de faire rapidement sombrer le<br />

meunier dans le drame, <strong>et</strong> on ne réalise pas combien la légèr<strong>et</strong>é ou l’ironie bienveillante demandent d’énergies<br />

pour frapper les oreilles <strong>du</strong> mélomane influencé par l’apparence mélancolique de la musique de Schubert !<br />

Schubert <strong>et</strong> La Belle Meunière :<br />

une histoire d'amour<br />

La cohérence de Die Schöne Müllerin est tout d’abord assurée par une dramaturgie simple : un jeune meunier<br />

s’éprend d’une belle meunière <strong>et</strong> son éveil à l’amour trouve écho dans la nature, mais arrive le rival chasseur<br />

qui va lui ravir sa bien-aimée <strong>et</strong> il ne restera plus d’autre choix au jeune amoureux écon<strong>du</strong>it que le suicide,<br />

épilogue tragique mais, en même temps, vécu comme le soulagement d’une douleur insupportable dans les<br />

bras de la nature.<br />

La simplicité (ou plutôt l’apparente simplicité1) ensuite, confère au cycle un caractère pittoresque, dans l'esprit<br />

des volkslied (méodie populaire). Schubert revient aux formes élémentaires, avec une majorité<br />

de Lieder strophiques, des tonalités simples (malgré l’ambiguïté majeur/mineur <strong>et</strong> le rapport tortueux de triton<br />

entre le premier <strong>et</strong> dernier Lied), des lignes mélodiques très fluides <strong>et</strong> des éléments figuratifs récurrents,<br />

comme le flot de doubles-croches symbolisant le ruisseau, les grands intervalles ascendants montrant une<br />

lueur d’espoir, le rythme d’anapeste évoquant la mort…<br />

L’omniprésence <strong>et</strong> l’exacerbation <strong>du</strong> « Je » enfin sert l’homogénéité <strong>du</strong> cycle, tant chez le poète (jeu de mot -<br />

non sans ironie - entre Müller <strong>et</strong> Müllerin) que chez le compositeur, qui composa ces Lieder pour sa propre<br />

tessiture (ténor) <strong>et</strong> personnifia dans l’histoire <strong>du</strong> jeune meunier un héros romantique à son image, un<br />

amoureux transi qui ne trouvera comme ultime apaisement à ses souffrances que la mort, en parfaite<br />

communion avec l’univers.<br />

Oeuvre de maturité, le cycle La belle meunière (D. 795, op. 25) de Franz Schubert semble avoir été composé de<br />

mai à décembre 1823 au cours d'une période de création exceptionnellement féconde. En eff<strong>et</strong>, Schubert<br />

travaillait au même moment à son opéra Fierabras, monumental drame lyrique en trois actes qui n'a jamais été<br />

présenté <strong>du</strong> vivant <strong>du</strong> compositeur. Selon Brigitte Massin, il semble que Schubert ait tenu bien davantage à son<br />

1 Schubert pousse la construction à un point tel qu’on y r<strong>et</strong>rouve la proportion magique <strong>du</strong> nombre d’or, qui confère de<br />

manière dissimulée une impression d’équilibre parfait.<br />

Service é<strong>du</strong>catif MCA /Jean Courtin / en résonance avec le Concert de Matthias GOERNE 11<br />

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