Dossier documentaire et pédagogique du service éducatif

Die schöne Müllerin
Présentation de l’œuvre
Au début de l'été 1823, Schubert mit la main sur un recueil de poèmes du
philosophe et poète de Dessau, Wilhelm Müller (1794-1827),qui avait été
publié deux ans auparavant. La première partie de ces soixante dix-sept
poèmes tirés des papiers d'un corniste ambulant consistait en vers
consacrés à «La Belle Meunière». L'origine de ces textes remonte à
l'hiver 1816: avec quelques amis, Müller avait décidé de rédiger, en guise
de divertissement, un impromptu sur un thème très en vogue à l'époque, «Les Amours malheureuses
d'un garçon meunier». Les différents participants devaient se répartir les rôles. Par la suite, le
compositeur Ludwig Berger mit en musique quelques-uns des textes écrits à cette occasion, dont
cinq de Wilhelm Müller, qui s'était vu attribuer le rôle de l'infortuné meunier. Berger encouragea
Müller à transformer ce Liederspiel improvisé en un cycle homogène, et le poète suivit son conseil
entre 1818 et 1820. Son cycle compte 23 poèmes précédés d'un prologue et suivis d'un épilogue; ces
derniers ne furent pas mis en musique par Schubert, qui écarta également trois autres poèmes.
La Belle Meunière raconte l'histoire d'un jeune garçon meunier qui décide de prendre la route;
longeant le ruisseau, il arrive à un moulin, où il trouve du travail. Il tombe amoureux de la fille du
meunier; son amour est apparemment partagé, mais la jeune fille lui préfère bientôt un chasseur.
Après s'être révolté contre son destin, le jeune meunier se résigne et se noie dans le ruisseau.
Schubert a composé les «Müllerlieder» — son seul cycle de lieder avec le Voyage d'hiver de 1827
— au cours des mois d'octobre et de novembre 1823. Sans doute fut-il séduit par plusieurs éléments
de l'action. Relevons d'abord le thème du «voyage», qui occupe une place prépondérante dans
l'œuvre de Schubert (que l'on songe aux nombreux lieder qu'il a consacrés à ce thème, et dont
l'un, développé en Wandererfantasie, trouva également place dans sa musique pour piano),
symbole romantique de la quête d'un idéal inaccessible. Le voyageur romantique est souvent un
amoureux éconduit, dont le but ultime est la mort. Le rapport entre l'amour malheureux et
l'aspiration à la mort libératrice est perceptible dans de nombreux lieder de Schubert, et il est
certain que cet aspect de La Belle Meunière l'aura profondément touché. On voit également
apparaître le thème de l'eau, qui n'a jamais cessé de fasciner Schubert; ici, c'est le ruisseau, qui
joue un rôle capital: il est l'unique confident du meunier, c'est lui qui le conduit jusqu'au moulin
fatidique, le jeune homme lui fait part de toutes ses joies et de toutes ses peines et c'est dans ses
eaux qu'il trouvera enfin le repos. Le sentiment de la nature, si capital pour le romantisme, trouve
ici son expression dans cette relation meunier/ruisseau: la nature était conçue comme une
puissance élémentaire, liée au destin de l'homme.
L'action concise de La Belle Meunière suggère une adaptation musicale cyclique. Mais,
contrairement à An die ferne Geliebte (A la bien-aimée lointaine; 1816) de Beethoven, le
premier grand cycle de lieder de l'histoire du genre, La Belle Meunière se présente plutôt comme une
sorte de «nouvelle en lieder». Beethoven avait lié les six lieder de son cycle par des transitions en