Dossier documentaire et pédagogique du service éducatif

Schubert et les poètes
Schubert a d'abord cherché, comme beaucoup de jeunes compositeurs la caution d'un grand poète
et s'est tourné vers Schiller et Goethe. En 1816, il a déjà mis en musique 44 poèmes de ce dernier.
Hélas ! son enthousiasme pour le grand homme ne sera pas payé de retour, et, malgré les lettres et
envois de lieder, Goethe fit semblant d'ignorer le mélodiste qui pourtant le comprenait si bien.
Par la suite, Schubert aura avec la poésie un contact beaucoup plus libre, ce qui le fera taxer plus
d'une fois de « paysan » par nos musicologues actuels. Sans vouloir cultiver le paradoxe, on pourrait
cependant dire que l'intelligence du texte, celle qui permet de dire à coup sûr qu'un poème, même
quelconque, donnera un beau lied, est l'une des formes supérieures de l'intelligence tout court. Or
Schubert possédait au plus haut point cette qualité ; on ne peut désigner dans son œuvre un seul lied
gâché par la médiocrité des paroles. Bien au contraire, Schubert dégage du vers apparemment le plus
banalun sens secret, un symbole lours de signification : c'est le cas, par exemple, du cycle Die schöne
Müllerin, « La Belle Meunière », cible de tant de critiques pour son texte dû au pour W. Müller,
également auteur du Voyage d'hiver.
On y rencontre trois symboles essentiels : le cercle (roue du moulin, cercle d'amis, portail rond,
tournoiement de l'alouette, nœud de ruban, boucle de cheveux, ronde des enfants, ronde des
saisons), l'eau (ruisseau, larmes, rosée, étang) et les couleurs (bleu, vert, blanc et rouge). Si les deux
premiers de ces symboles sont clairs, le dernier surprend et irrite à la fois par sa naïveté et sa
fréquence (en 20 poèmes, 42 allusions aux couleurs). Or voici ce que nous révélent les quatre
couleurs : le bleu (fleurs, ciel, eau dormante) signifie la nature heureuse et confiante ; c'est une
couleur stable, qui jamais ne s'altère. Le vert, au contraire, possède deux sens différents : l'espérance
et la trahison (couleur du chasseur, rival du meunier et de la forêt, son domaine). La bien-aimée joue
de cette ambigüité et, lorsqu'elle parle d'espoir, elle pense à l'Autre, vêtu de vert, qui sortira du
couvert des arbres pour l'emmener. Le blanc est le symbole de l'innocence du meunier. Ce blanc,
c'est aussi le blême du désespoir, tandis que l'amour blessé, délivré par la mort, fleurit en trois roses
teintées de sang, mi-rouges mi-blanches. Toutes ces connotations enrichissent un discours qui, au
premier degré, peu sembler primaire; mais doit-on jamais se limiter au premier degré? Ajoutons que
la traduction d'une telle symbolique est une véritable gageure.
La voix et le piano, querelle ou fusion ?
On ne saurait dire qui, de la voix ou du piano, est le personnage principal du lied schubertien. Ce fait a d'ailleurs
frappé les contemporains, et Schubert a écrit à ce sujet : « La manière dont Vogl [...] chante et dont je
l'accompagne, alors que dans un tel moment nous semblons ne faire qu'un seul et même interprète, cette
manière est quelque chose de nouveau, d'inouï pour les gens qui nous écoutent. »
Si l'on admirait l'adéquation parfaite des paroles et de la musique – combien d'êtres comprennent pour la
Service éducatif MCA /Jean Courtin / en résonance avec le Concert de Matthias GOERNE 19
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