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Voyage en Orient2 - gerard de nerval

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SÉJOUR AU LIBAN. 39<br />

elle ne veut pas. Moi je lui ai dit : *Je ne peux pas te punir<br />

; quand ton maître revi<strong>en</strong>dra, il verra ce qu’il voudra<br />

faire.* »<br />

Ce que m’appr<strong>en</strong>ait là madame* Carlès me contrariait<br />

vivem<strong>en</strong>t ; j’avais cru résoudre la question <strong>de</strong> l’av<strong>en</strong>ir <strong>de</strong><br />

cette fille <strong>en</strong> lui faisant appr<strong>en</strong>dre ce qu’il fallait pour<br />

qu’elle trouvât plus tard à se placer et à vivre par ellemême<br />

; j’étais dans la position d’un père <strong>de</strong> famille qui<br />

voit ses projets r<strong>en</strong>versés par le mauvais vouloir ou la<br />

paresse <strong>de</strong> son <strong>en</strong>fant. D’un autre côté, peut-être mes<br />

droits n’étai<strong>en</strong>t-ils pas aussi bi<strong>en</strong> fondés que ceux d’un<br />

père. Je pris l’air le plus sévère que je pus, et j’eus avec<br />

l’esclave l’<strong>en</strong>treti<strong>en</strong> suivant, favorisé par l’intermédiaire<br />

<strong>de</strong> la maîtresse :<br />

« Et pourquoi ne veux-tu pas appr<strong>en</strong>dre à coudre?<br />

— Parce que, dès qu’on me verrait travailler comme<br />

une servante, on ferait <strong>de</strong> moi une servante.<br />

— Les femmes <strong>de</strong>s* chréti<strong>en</strong>s, qui sont libres, travaill<strong>en</strong>t<br />

sans être <strong>de</strong>s servantes.<br />

— Eh bi<strong>en</strong> ! je n’épouserai pas un chréti<strong>en</strong>, dit l’esclave<br />

; chez nous, le mari doit donner une servante à sa<br />

femme. »<br />

J’allai lui répondre qu’étant esclave elle était moins<br />

qu’une servante ; mais je me rappelai la distinction<br />

qu’elle avait établie déjà <strong>en</strong>tre sa position <strong>de</strong> cadine<br />

(dame) et celle <strong>de</strong>s odaleuk, <strong>de</strong>stinées aux travaux.<br />

« Pourquoi, repris-je, ne veux-tu pas non plus appr<strong>en</strong>dre<br />

à écrire ? On te montrerait <strong>en</strong>suite à chanter et<br />

à danser, ce n’est plus là le travail d’une servante.<br />

— Non, mais c’est toute la sci<strong>en</strong>ce d’une almée, d’une<br />

baladine, et j’aime mieux rester ce que je suis. »<br />

On sait quelle est la force <strong>de</strong>s préjugés sur l’esprit <strong>de</strong>s<br />

femmes <strong>de</strong> l’Europe, mais il faut dire que l’ignorance et<br />

l’habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> mœurs, appuyées sur une antique tradition,<br />

les r<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t in<strong>de</strong>structibles chez les femmes <strong>de</strong><br />

l’Ori<strong>en</strong>t. Elles cons<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core plus facilem<strong>en</strong>t à quit-<br />

*Je ⇔ “ Je || faire.* ⇔ faire. ”<br />

madame* ⇔ Mme<br />

<strong>de</strong>s* ⇔ <strong>de</strong><br />

(II - 39)

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