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1 LA PRIÈRE DU CŒUR de Jean Lafrance, prêtre (1931 ... - Kerit

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<strong>Jean</strong> <strong>Lafrance</strong><br />

conversion ou la contrition parfaite, laquelle provoque normalement la<br />

béatitu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s larmes. Il faut donc <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r au Saint-Esprit et à l’Église cette<br />

illumination déchirante que nous ne pouvons pas provoquer par nous-mêmes.<br />

Ce déchirement est bien plus douloureux que tous les scrupules et sentiments <strong>de</strong><br />

culpabilité, amertume beaucoup plus amère mais dont le fruit intime est la<br />

libération inénarrable <strong>de</strong> la béatitu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s larmes. Et en ce sens on peut dire que<br />

ce fruit est doux parce qu'il nous fait expérimenter la tendresse <strong>de</strong> Dieu.<br />

L'homme prend une conscience expérimentale et existentielle <strong>de</strong> cet état <strong>de</strong><br />

séparation, qui va se monnayer dans « les » péchés. C'est l’attitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> tout<br />

converti, et aussi <strong>de</strong> tout chrétien qui se convertit dans le sacrement <strong>de</strong><br />

réconciliation : avouer humblement <strong>de</strong> ne pas souffrir d'avoir un cœur dur. On<br />

peut se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r si un effort pastoral qui ne revient pas à cette expérience<br />

fondamentale du cœur broyé ne risque pas <strong>de</strong> verser dans un nouveau<br />

moralisme. Au lieu <strong>de</strong> faire appel à tous les examens rajeunis ou renouvelés, ne<br />

vaudrait-il pas mieux inviter les chrétiens à prier longuement et intensément pour<br />

obtenir la révélation <strong>de</strong> ce visage <strong>de</strong> miséricor<strong>de</strong> <strong>de</strong> Dieu?<br />

Expliquons-nous encore : il ne s’agit pas forcément <strong>de</strong> larmes jaillissantes, mais<br />

<strong>de</strong> cette douceur qui vient du cœur et fait briller un regard. Comme dit Olivier<br />

Clément, nous sommes <strong>de</strong>venus une civilisation où on ne pleure plus et c'est<br />

pourquoi on se met tellement à crier aujourd’hui, les jeunes crient comme s'ils<br />

voulaient libérer en eux les gémissements <strong>de</strong> l’Esprit emprisonné dans leur cœur<br />

<strong>de</strong> pierre. Il faut retrouver cette possibilité <strong>de</strong> faire remonter en nous, par les<br />

larmes, l’eau du baptême, <strong>de</strong> dissoudre dans l’eau <strong>de</strong>s larmes la pierre du<br />

cœur, pour que le cœur <strong>de</strong> pierre <strong>de</strong>vienne un cœur <strong>de</strong> chair.<br />

Et ces larmes sont d’abord les larmes <strong>de</strong> la pénitence, les larmes <strong>de</strong> la<br />

mémoire <strong>de</strong> la mort, quand nous prenons conscience d’être responsables <strong>de</strong><br />

cet état <strong>de</strong> séparation. Tous, nous avons déjà fait une telle expérience. Il y a <strong>de</strong>s<br />

jours où nous sommes vraiment heureux parce que nous sommes aimés et que<br />

nous réalisons une belle œuvre. Et soudain, au cœur même <strong>de</strong> ce bonheur,<br />

nous expérimentons un goût <strong>de</strong> cendre et <strong>de</strong> mort car nous sentons bien que<br />

tout cela périra. Je pense que c'est cela, faire l’expérience <strong>de</strong> la mémoire <strong>de</strong> la<br />

mort.<br />

Dans la béatitu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s larmes, la mémoire <strong>de</strong> la mort se transforme en mémoire<br />

<strong>de</strong> Dieu. Peu à peu, par l’humilité, la confiance, la mémoire <strong>de</strong> Dieu venu dans<br />

la mort et plus fort que la mort, les larmes du repentir <strong>de</strong>viennent <strong>de</strong>s larmes<br />

d’émerveillement, <strong>de</strong> gratitu<strong>de</strong>, et <strong>de</strong> joie. Saint <strong>Jean</strong> Climaque disait : « La<br />

source <strong>de</strong>s larmes, après le baptême, est quelque chose <strong>de</strong> plus grand que le<br />

baptême. Celui qui s’est revêtu <strong>de</strong>s larmes comme d'un vêtement <strong>de</strong> noces,<br />

celui-là a connu le bienheureux sourire <strong>de</strong> l’âme. »<br />

Le chant <strong>de</strong>s larmes est un fond sonore <strong>de</strong> la spiritualité orthodoxe, surtout<br />

dans l’orthodoxie arabe où le chant nasille un peu pour donner naissance à la<br />

musique <strong>de</strong>s larmes.<br />

C'est dans ce mouvement <strong>de</strong> conversion qu’on parle volontiers dans l’Orient<br />

chrétien <strong>de</strong> la théologie négative ou <strong>de</strong> la théologie apophatique. Saint<br />

Grégoire <strong>de</strong> Nazianze appelle Dieu : « Ô Toi, l’au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> tout! » Et il est bien<br />

certain que chez tous ces spirituels et ces théologiens, il y a la certitu<strong>de</strong> qu’on<br />

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La prière du coeur

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