1 LA PRIÈRE DU CŒUR de Jean Lafrance, prêtre (1931 ... - Kerit
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<strong>Jean</strong> <strong>Lafrance</strong><br />
La prière dont nous voulons parler tout au long <strong>de</strong> ce livre est à peu près<br />
l’équivalent <strong>de</strong> ce que les Pères d’Orient ont appelé la « Prière du cœur », c’està-dire<br />
<strong>de</strong> la prière qui cherche sa source et ses racines au fond même <strong>de</strong> notre<br />
être, au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> notre esprit, <strong>de</strong> notre volonté, <strong>de</strong>s affections et même <strong>de</strong>s<br />
techniques <strong>de</strong> prière. Par la prière du cœur, nous cherchons Dieu lui-même ou<br />
les énergies <strong>de</strong> l’Esprit dans les profon<strong>de</strong>urs <strong>de</strong> notre être, et nous le rencontrons<br />
en invoquant le nom <strong>de</strong> Jésus dans la foi et l'amour.<br />
Le nom <strong>de</strong> Jésus est comme un « trait », une flèche qui perce notre cœur et<br />
libère la Gloire du Ressuscité, enfouie en nous <strong>de</strong>puis le baptême. Quand nous<br />
parlons d’une rencontre <strong>de</strong> Dieu, il faut bien comprendre les termes <strong>de</strong><br />
l’expérience mystique. En effet, l'homme ne peut pas participer à l’essence <strong>de</strong><br />
Dieu (dans ce cas, il serait Dieu), mais il peut entrer dans la communion la plus<br />
réelle avec les opérations et les énergies <strong>de</strong> Dieu :<br />
« La communion n'est ni substantielle (le cas du panthéisme), ni hypostatique<br />
(seul cas du Christ), mais énergétique, et dans ses énergies-opérations, Dieu<br />
est totalement présent » (Paul Evdokimov, L’amour fou <strong>de</strong> Dieu, Seuil 1973, p.<br />
48).<br />
Lorsque nous disons que l'homme doit découvrir la prière du cœur ou, ce qui<br />
revient au même, « entendre battre » son cœur <strong>de</strong> prière, nous pensons aux<br />
énergies <strong>de</strong> l’Esprit qui habitent son cœur (Rm 8, 9-11) pour le transfigurer. Le<br />
corps lui-même participe à cette transfiguration au point qu’il est repétri,<br />
transformé et sanctifié par la puissance <strong>de</strong> l’Esprit. Être né <strong>de</strong> Dieu, c'est avoir<br />
été comme repris et repétri dans le sein même <strong>de</strong> la Trinité; c'est être comme<br />
revenu au mon<strong>de</strong>, après avoir pris un bain dans une eau profon<strong>de</strong> et lumineuse,<br />
celle <strong>de</strong> la vérité du Dieu-Amour (1 Jn 3-4). C'est au fond prendre au sérieux la<br />
gran<strong>de</strong> affirmation paulinienne :<br />
Ne savez-vous pas que votre corps est le temple du Saint-Esprit qui est en<br />
vous? … Glorifiez donc Dieu dans votre corps (1 Co 6, 19-20).<br />
Alors la prière se désintellectualise, s’i<strong>de</strong>ntifie à l'être physique et adhère au<br />
rythme même <strong>de</strong> la respiration.<br />
Ceci peut paraître étrange à <strong>de</strong>s Occi<strong>de</strong>ntaux. À cause <strong>de</strong> notre esprit<br />
cartésien, nous avons toujours tendance à penser le Saint-Esprit comme l'Esprit<br />
qui aurait une sorte <strong>de</strong> connaturalité avec la réalité <strong>de</strong> l’intelligence en<br />
l'homme, alors qu’en fait l'Esprit-Saint, comme Dieu, transcen<strong>de</strong> radicalement<br />
aussi bien l’intelligence <strong>de</strong> l'homme que sa nature corporelle, et peut sanctifier<br />
et transformer réellement aussi bien le corps <strong>de</strong> l’homme que son âme. C'est<br />
ainsi - et cela nous paraît curieux et étrange - qu’un grand spirituel égyptien du<br />
VIe siècle, saint Barsanuphe, était dans un tel état <strong>de</strong> transparence à la<br />
présence <strong>de</strong> Dieu qu’il ne pouvait presque pas supporter une présence<br />
humaine. Il était tellement poreux à l’invisible, tout en étant tout à fait<br />
vulnérable, qu’il pouvait comprendre très profondément tous ceux qui venaient<br />
à lui et leur répondre d'une manière tout à fait appropriée. Il vivait reclus, il était<br />
un père spirituel et avait le discernement <strong>de</strong>s esprits. L’Orient a appelé ces<br />
hommes <strong>de</strong>s pères théophores ou pneumatophores.<br />
Ces hommes avaient trouvé la prière du cœur et réalisaient à la lettre le<br />
conseil <strong>de</strong> Paul : Priez sans cesse. Ren<strong>de</strong>z grâce en toutes choses (1 Th 5, 17-18).<br />
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La prière du coeur