1 LA PRIÈRE DU CŒUR de Jean Lafrance, prêtre (1931 ... - Kerit
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<strong>Jean</strong> <strong>Lafrance</strong><br />
à mes projets. Si l’on m’en présente <strong>de</strong> meilleurs, ou plutôt non pas meilleurs,<br />
mais bons, j’accepte sans regrets. J’ai renoncé au comparatif. Ce qui est bon,<br />
réel, vrai, est toujours pour moi le meilleur.<br />
« C’est pourquoi je n’ai plus peur. Quand on n’a plus rien, on n’a plus peur.<br />
« Si l’on se désarme, si l’on se dépossè<strong>de</strong>, si on s’ouvre au Dieu-Homme qui fait<br />
toutes choses nouvelles, alors lui efface le mauvais passé et nous rend un temps<br />
neuf où tout est possible. »<br />
Qu’est-ce que cela veut dire, aimer? Beaucoup insistent là-<strong>de</strong>ssus en disant<br />
que ce n’est pas seulement faire du sentiment, que l’amour effectif consiste à<br />
faire la volonté <strong>de</strong> Dieu. C'est en effet le fruit le plus sûr <strong>de</strong> l'amour, le signe<br />
auquel nous le reconnaîtrons et qui s’exerce dans la charité fraternelle : « C’est<br />
à ce signe qu’on vous reconnaîtra pour mes disciples. » Mais le signe <strong>de</strong> l'amour,<br />
ce n’est pas l’amour même. Et si nous essayons d’accomplir la volonté <strong>de</strong> Dieu<br />
et d’aimer nos frères par une tension héroïque <strong>de</strong> la volonté, nous risquons <strong>de</strong><br />
vouloir arracher à notre cœur les fruits <strong>de</strong> l'amour sans y avoir planté l’arbre <strong>de</strong><br />
l'amour (qui est au début la plus petite <strong>de</strong>s graines).<br />
Aimer, ce n'est pas d’abord être héroïque dans le désintéressement : au<br />
contraire, cette perfection ne vient qu’à la fin. Aimer, c'est d’abord être attiré,<br />
séduit, captivé par le visage <strong>de</strong> tendresse <strong>de</strong> Dieu, c'est avoir été fasciné par le<br />
mendiant <strong>de</strong> l’amour. Et <strong>de</strong> la même manière qu’il est impossible <strong>de</strong> prier sans<br />
avoir vu ce visage, il est impossible d’aimer ses frères si l’on n’a pas compris que<br />
Dieu est amour. C'est lui qui nous a aimés le premier. Le premier acte libre et<br />
méritoire qui nous est <strong>de</strong>mandé, c'est <strong>de</strong> croire à cet amour, <strong>de</strong> cé<strong>de</strong>r à cette<br />
séduction, à cet attrait, <strong>de</strong> se laisser prendre, <strong>de</strong> se laisser « avoir », <strong>de</strong> se laisser<br />
faire :<br />
« Le Seigneur est miséricordieux; mon âme le sait, mais il n'est pas possible <strong>de</strong><br />
décrire cela avec <strong>de</strong>s mots… Il est infiniment doux et humble, et si l’âme le voit,<br />
elle se transforme en lui, <strong>de</strong>vient tout amour pour le prochain, elle <strong>de</strong>vient ellemême<br />
douce et humble » (Silouane, p. 20).<br />
L'homme qui a découvert la douceur du Christ dans l’expérience du Saint-<br />
Esprit se voit revêtu <strong>de</strong> l'humilité du Christ. Le Christ était « naturellement »<br />
humble, pourrait-on dire, parce qu’il était fasciné par la gloire <strong>de</strong> son Père et en<br />
même temps, il était infiniment doux, <strong>de</strong> cette douceur <strong>de</strong> Dieu qui nous donne<br />
d’aimer nos ennemis. Si nous voulons apprendre l'humilité et la douceur du<br />
Christ pour aimer tous nos frères, il nous faut dire à Dieu :<br />
Fais resplendir ton visage et nous serons sauvés (Ps 79, 4).<br />
Les efforts les plus durs que nous faisons pour aimer les autres sont quelquefois<br />
désespérés, et désespérants, parce qu’ils procè<strong>de</strong>nt très peu <strong>de</strong> l'amour, et<br />
beaucoup <strong>de</strong> la volonté <strong>de</strong> se convaincre qu’on aime; ce qui revient à vouloir<br />
faire les œuvres <strong>de</strong> l'amour sans aimer. On cherche à imiter les saints, on se fait<br />
un sur-moi (comme la grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf), et<br />
nous appelons cela la perfection chrétienne et religieuse. Mais la vie chrétienne<br />
n'est pas d’abord un idéal, c'est une réalité: la vie trinitaire répandue dans nos<br />
cœurs. Le seul idéal, c'est que cette réalité s’épanouisse. C'est quelque chose<br />
<strong>de</strong> très simple qui se déclenche dans notre cœur, on ne sait ni pourquoi ni<br />
comment, et qui rend tout le reste facile :<br />
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La prière du coeur