1 LA PRIÈRE DU CŒUR de Jean Lafrance, prêtre (1931 ... - Kerit
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CHAPITRE 2<br />
La vraie nature <strong>de</strong> l'homme est prière.<br />
18<br />
<strong>Jean</strong> <strong>Lafrance</strong><br />
La conversion est vraiment une révolution copernicienne. Il s’agit que le<br />
mon<strong>de</strong> ne tourne plus autour du « moi » collectif ou individuel, mais autour <strong>de</strong><br />
Dieu et <strong>de</strong>s autres, comme le dit si bien le grand canon pénitentiel <strong>de</strong> saint<br />
André <strong>de</strong> Crète. Ce qui fait que nous sommes déchus, c'est que notre<br />
conscience s’est détachée du cœur, et s’est i<strong>de</strong>ntifiée aux passions et aux<br />
idoles. Elle ne cesse <strong>de</strong> projeter sur la bonne création <strong>de</strong> Dieu ce que les<br />
spirituels appellent une toile d’araignée, un mensonge, tous les artifices du père<br />
du mensonge (Jn 8, 44), c’est-à-dire <strong>de</strong> l'homme sans Dieu. C'est l’illusion <strong>de</strong><br />
l’É<strong>de</strong>n : Vous serez comme <strong>de</strong>s dieux (Gn 3, 5). L'homme ne vit plus dans la<br />
vérité <strong>de</strong> son être qu'il reçoit <strong>de</strong> Dieu, il veut être son propre créateur. Par le<br />
péché, il s’est coupé <strong>de</strong> sa source et il est <strong>de</strong>venu incapable d’une vraie<br />
rencontre avec Dieu et avec ses frères.<br />
Saint Macaire se représente les pécheurs comme <strong>de</strong>s captifs liés dos à dos, <strong>de</strong><br />
sorte qu'ils ne peuvent jamais se regar<strong>de</strong>r au visage pour une véritable<br />
communion :<br />
« Nous sommes plongés dans le feu; <strong>de</strong> plus, il ne nous est pas permis <strong>de</strong> voir<br />
quelqu'un face à face, mais le visage <strong>de</strong> l'un est contre le dos <strong>de</strong> l'autre. Mais<br />
lorsque tu pries pour nous, l’un peut entrevoir le visage <strong>de</strong> l’autre : c'est là notre<br />
soulagement » (Les sentences <strong>de</strong>s Pères du Désert, Macaire d’Égypte, no 38,<br />
Abbaye Saint-Pierre <strong>de</strong> Solesmes, 1966, p. 297).<br />
On voit bien ici comment l'homme n’a pas son centre en lui que la loi<br />
profon<strong>de</strong> <strong>de</strong> sa vie, c'est la communication, la réalisation <strong>de</strong> lui-même dans<br />
l’échange mutuel. Quand nous affirmons que la nature <strong>de</strong> l'homme est prière,<br />
nous ne pensons pas seulement à l’acte <strong>de</strong> prière, mais à l’état <strong>de</strong> prière, à<br />
l’attitu<strong>de</strong> d’ouverture ou <strong>de</strong> supplication qui le caractérise. L'homme est fait<br />
pour le visage, pour le sourire et pour la communion.<br />
Regar<strong>de</strong>z un enfant, son mouvement spontané et naturel est <strong>de</strong> regar<strong>de</strong>r,<br />
d’admirer ou <strong>de</strong> contempler. Ou alors, s'il n’a pas encore perdu l’innocence <strong>de</strong><br />
l’âge, il tend les bras pour dire bonjour et cherche le visage pour l’embrasser.<br />
Une autre attitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’enfant est <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r ce qu'il n’a pas le moyen <strong>de</strong> se<br />
donner par lui-même. Chez l’enfant, nous retrouvons à l’état pur ce que <strong>de</strong>vrait<br />
être un homme, un être tendu vers l’autre pour la communion, un être qui<br />
tourne son visage pour la rencontre (ad : vers, oris : bouche). C'est l’adoration. A<br />
l’opposé, le vieillard retrouve ou <strong>de</strong>vrait retrouver l’esprit d'enfance.<br />
« En Orient, dit Olivier Clément, on aime tellement la vieillesse, parce qu'on<br />
pense qu’elle n’est pas faite justement que pour prier. Quand on est vieux, on<br />
est débarrassé. Quand on est petit, cela va jusqu’à dix ou douze ans, on prie.<br />
Après, c'est la grosse bagarre et on risque <strong>de</strong> ne plus prier. Une civilisation où on<br />
ne prie plus est une civilisation où la vieillesse n’a plus <strong>de</strong> sens. Et cela est<br />
terrifiant. Or, nous avons besoin avant tout <strong>de</strong> vieillards qui prient, parce que la<br />
vieillesse est donnée pour cela. »<br />
La prière du coeur