1 LA PRIÈRE DU CŒUR de Jean Lafrance, prêtre (1931 ... - Kerit
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<strong>Jean</strong> <strong>Lafrance</strong><br />
explique dans notre vie ces « bouffées <strong>de</strong> prière » qui montent à notre<br />
conscience claire au moment où nous y pensons le moins et où, apparemment,<br />
nous ne prions pas <strong>de</strong> manière consciente?<br />
Pour cette tradition, il y a <strong>de</strong> la sainteté dans les profon<strong>de</strong>urs <strong>de</strong> notre être<br />
corporel : celui-ci est saturé <strong>de</strong> sainteté parce qu’il est greffé sur le corps déifié<br />
et déifiant du Christ. Et c'est notre âme au contraire qui est folle, qui se prostitue<br />
et s’adultère (en <strong>de</strong>venant adulte); c'est elle qu’il faut ramener. Sans cesse<br />
l’invocation du nom <strong>de</strong> Jésus ramène notre âme dans son enveloppe, sa réalité<br />
corporelle, dans l’abîme du cœur où vit le Seigneur. Comme dit Jésus, il faut se<br />
convertir pour re<strong>de</strong>venir un enfant né <strong>de</strong> l'eau et <strong>de</strong> l’Esprit.<br />
Le chrétien vit trop souvent comme un automate ou un endormi, et il oublie<br />
son cœur <strong>de</strong> prière. Il doit donc prendre conscience <strong>de</strong> la grâce baptismale :<br />
c'est là qu’est cachée la source <strong>de</strong> sa prière. En ce sens, je n’aime pas<br />
beaucoup l’expression « former à la prière ». Nous n’avons pas à « donner une<br />
forme », à couler dans un moule préétabli, pas davantage à enseigner une<br />
« bonne technique <strong>de</strong> prière », mais à permettre au « germe <strong>de</strong> prière » qui<br />
existe en tout baptisé (et en tout homme) <strong>de</strong> s’épanouir. Certes, il y a <strong>de</strong>s<br />
« chemins » par où d’autres sont passés, et <strong>de</strong>s « constantes » dans la<br />
pédagogie <strong>de</strong> Dieu envers nous. Et il y a intérêt à les connaître. Mais on ne peut<br />
commencer à comprendre vraiment ces chemins et ces constantes que pour<br />
autant qu’on en a déjà un peu l’expérience.<br />
C'est dire qu’on ne peut pas plus apprendre à prier à quelqu’un qu’on ne peut<br />
lui enseigner à se réjouir, à aimer ou à pleurer. La prière procè<strong>de</strong> d’un instinct<br />
qui est en nous, il n’y a pas à le fabriquer, il n'y a qu’à le suivre. Il faut apprendre<br />
à laisser parler en soi la vie trinitaire, comme un enfant apprend tout<br />
naturellement à dire « papa » à celui qui lui a donné la vie. Quand <strong>de</strong>ux fiancés<br />
s’aiment, ils trouvent vite les mots et les gestes pour exprimer leur amour.<br />
Cela s’oppose à l’art, c’est-à-dire aux efforts par lesquels un homme essaie<br />
d’apprendre un geste plus ou moins compliqué, en imitant ce qu’on lui montre<br />
(par exemple, conduire une voiture). Sans doute la prière s’apprend, mais plutôt<br />
comme on apprend à respirer, à boire, à manger et à marcher. Il faut laisser<br />
parler en soi la vie divine. Qu’on laisse faire la nature, et cela viendra tout seul.<br />
Quand on étudie les mouvements les plus naturels, on est stupéfait <strong>de</strong> leur<br />
complexité (la marche). Et pourtant, cela se fait tout seul.<br />
Regardons <strong>de</strong> plus près ce mouvement <strong>de</strong> retour au centre <strong>de</strong> l’être, pour<br />
découvrir notre cœur <strong>de</strong> prière. C'est un mouvement <strong>de</strong> retour au centre <strong>de</strong><br />
nous-mêmes, pour y retrouver Dieu présent et agissant. Il ne s’agit pas <strong>de</strong> se<br />
contempler, dans une dégustation narcissique du « moi », mais <strong>de</strong> rejoindre<br />
l’action <strong>de</strong> Dieu au cœur <strong>de</strong> notre vie. Pour décrire ce cheminement <strong>de</strong> retour<br />
au cœur, l’occi<strong>de</strong>nt parlera <strong>de</strong> recueillement, <strong>de</strong> silence intérieur, <strong>de</strong> virginité<br />
du cœur. L’Orient parlera <strong>de</strong> l’hysychia, état <strong>de</strong> repos, <strong>de</strong> paix et <strong>de</strong> tranquillité,<br />
qui se situe au début et au terme d’une vie <strong>de</strong> prière. C'est un état <strong>de</strong><br />
plénitu<strong>de</strong>, <strong>de</strong> paix, <strong>de</strong> silence <strong>de</strong> l’union avec Dieu; d’où la naissance <strong>de</strong> la<br />
prière hésychaste.<br />
En ce qui nous concerne, nous avons repris un grand thème <strong>de</strong> la spiritualité<br />
<strong>de</strong> l’Orient chrétien : le pèlerinage au cœur, ou la conversion (chapitre 1).<br />
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La prière du coeur