<strong>Jean</strong> <strong>Lafrance</strong> donne. Elle est d’abord un vi<strong>de</strong> que l'on se découvre et que l’on accepte, et que Dieu vient remplir dans la mesure où l’on s’ouvre à la plénitu<strong>de</strong> » (P. Éloi Leclerc, Sagesse d’un pauvre, Éd. Franciscaines 1959, p. 105). 48 La prière du coeur
<strong>Jean</strong> <strong>Lafrance</strong> CHAPITRE 5 L'amour véritable du prochain. Lorsque l’Esprit a ainsi établi sa <strong>de</strong>meure dans le cœur <strong>de</strong> l'homme, il est bien évi<strong>de</strong>nt qu’on ne peut plus distinguer entre amour <strong>de</strong> Dieu et amour du prochain, prière et charité fraternelle, ces <strong>de</strong>ux réalités sont inextricablement unies. La prière suscite une charité totale dans le coeur. « Qu’est-ce que le cœur charitable? <strong>de</strong>man<strong>de</strong> Isaac le Syrien. C'est un cœur qui brûle d’amour pour la création tout entière, pour les hommes, pour les oiseaux, pour les bêtes, pour les démons, pour toutes les créatures. C'est pourquoi un tel homme ne cesse <strong>de</strong> prier, même pour les ennemis <strong>de</strong> la vérité, et pour ceux qui lui font du mal. Il prie même pour les serpents, mû par la pitié infinie qui s’éveille du cœur, qui s’assimile à Dieu. » Qu’est-ce qu’aimer? Et nous comprenons alors ce qu’est le véritable amour du prochain. Si souvent on nous a répété que nous <strong>de</strong>vions faire <strong>de</strong>s efforts pour aimer les autres ou vaincre une antipathie, que nous en sommes venus à croire que l'amour du prochain dépendait <strong>de</strong> notre bonne volonté. Certes, l'amour fraternel requiert notre activité, mais celle-ci est accueillie dans les profon<strong>de</strong>urs <strong>de</strong> notre cœur où l'amour est répandu. Il en va <strong>de</strong> l'amour du prochain comme <strong>de</strong> la prière; tant que nous essaierons <strong>de</strong> le produire au <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> nous par les seuls efforts <strong>de</strong> l’intelligence ou <strong>de</strong> la volonté, nous échouerons lamentablement. Cet amour n'est pas une vertu morale. Avant d’aimer Dieu et ses frères, il faut vivre cette réalité : Dieu m’aime. C'est donc un amour reçu, c'est la vie du Ressuscité répandue en nos cœurs. La charité est toujours le fruit <strong>de</strong> la Pâque du Christ. On comprend alors qu’un cœur, un corps, entièrement pénétrés <strong>de</strong> la vie <strong>de</strong> l’Esprit connaissent, en même temps que la prière continuelle, un véritable amour du prochain. À strictement parler, on ne fait pas d’effort pour la charité, on y risquerait bien <strong>de</strong>s illusions sentimentales ou volontaristes… Mais vivant désapproprié, pauvre et désarmé, on est naturellement donné. C'est pourquoi le Christ insiste tant sur les Béatitu<strong>de</strong>s, et surtout sur la pauvreté : un cœur pauvre sait accueillir l’amour et en donner. Le patriarche Athénagoras, qui était un homme <strong>de</strong> prière, était aussi un être <strong>de</strong> relation, capable <strong>de</strong> manifester à ses frères la tendresse <strong>de</strong> Dieu. Il disait au sujet <strong>de</strong> la pauvreté comme condition à l'amour : « Il faut mener la guerre la plus dure, qui est la guerre contre soi-même. Il faut arriver à se désarmer. « J’ai mené cette guerre pendant <strong>de</strong>s années, elle a été terrible. Mais maintenant, je suis désarmé. Je n’ai plus peur <strong>de</strong> rien car l'amour chasse la peur. « Je suis désarmé <strong>de</strong> la volonté d’avoir raison, <strong>de</strong> me justifier en disqualifiant les autres. « Je ne suis plus sur mes gar<strong>de</strong>s, jalousement crispé sur mes richesses. J’accueille et je partage. Je ne tiens pas particulièrement à mes idées, La prière du coeur 49