dossier - La Ligue de l'Enseignement
dossier - La Ligue de l'Enseignement
dossier - La Ligue de l'Enseignement
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
histoire<br />
52<br />
bref<br />
Ferdinand Buisson et la métho<strong>de</strong><br />
intuitive<br />
Ferdinand<br />
Buisson<br />
(1841-1932)<br />
est un philosophe,<br />
éducateur<br />
et homme<br />
politique<br />
français, cofondateur<br />
et<br />
prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong><br />
la <strong>Ligue</strong> <strong>de</strong>s<br />
droits <strong>de</strong><br />
l’Homme et<br />
prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la <strong>Ligue</strong> <strong>de</strong> l’Enseignement<br />
française <strong>de</strong> 1902 à 1906. En 1878, il proposa<br />
d’organiser une nouvelle métho<strong>de</strong><br />
d’apprentissage au sein <strong>de</strong>s écoles : la métho<strong>de</strong><br />
intuitive.<br />
<strong>La</strong> métho<strong>de</strong> intuitive se base sur l’utilisation<br />
<strong>de</strong> l’intuition enfantine dans l’accès à<br />
l’abstraction. Étymologiquement, le mot<br />
intuition signifie vue, non pas une vue<br />
sommaire et superficielle, mais la vue qui<br />
saisit pleinement un objet. Buisson définira<br />
la métho<strong>de</strong> intuitive comme celle qui<br />
« consiste non dans l’application <strong>de</strong> tel ou<br />
tel procédé, mais dans l’intention et dans<br />
l’habitu<strong>de</strong> générale <strong>de</strong> faire agir, <strong>de</strong> laisser<br />
agir l’esprit <strong>de</strong> l’enfant en conformité avec<br />
les instincts intellectuels. » <strong>La</strong> métho<strong>de</strong> intuitive<br />
« traite l’enfant comme un être qui a en<br />
lui-même l’instinct du savoir et toutes les facultés<br />
nécessaires pour l’acquérir ; elle s’applique<br />
à laisser faire la nature autant que<br />
possible. 1 » Pour les enseignants, Buisson<br />
précisera que « la métho<strong>de</strong> intuitive, c’est<br />
celle qui dit au maître : votre tâche <strong>de</strong>vient<br />
<strong>de</strong> jour en jour plus lour<strong>de</strong> et plus compliquée.<br />
Pour la remplir, il faut vous faire ai<strong>de</strong>r.<br />
Par qui ? Par <strong>de</strong> bons livres, <strong>de</strong> bons procédés,<br />
<strong>de</strong> bons programmes ? Oui, sans doute,<br />
mais plus encore par l’élève lui-même. C’est<br />
votre plus sûr auxiliaire, votre collaborateur<br />
le plus efficace. Faites en sorte qu’il ne subisse<br />
pas l’instruction, mais qu’il y prenne<br />
une part active, et vous aurez résolu le<br />
problème. »<br />
1. <strong>La</strong> métho<strong>de</strong> intuitive: F. Buisson - Extrait <strong>de</strong> la<br />
conférence sur l’enseignement intuitif, faite aux<br />
Instituteurs délégués à l’Exposition universelle<br />
<strong>de</strong> 1878 (Delagrave, éditeur, p. 331)<br />
éduquer n° 87 | février 2012<br />
Alexis Sluys privilégiait une métho<strong>de</strong> intuitive<br />
par les sens. Il se refusait à farcir la mémoire <strong>de</strong>s<br />
élèves par une foule <strong>de</strong> mots, <strong>de</strong> théories, <strong>de</strong><br />
définitions, <strong>de</strong> règles.<br />
permettaient <strong>de</strong> remarquer les phénomènes<br />
physiques et chimiques qui se produisaient et<br />
qui étaient faciles à observer. Il faisait d’abord<br />
lui-même ces préparations, imité ensuite par<br />
les élèves afin qu’ils s’habituèrent à manipuler<br />
les appareils.<br />
Physique<br />
Alexis Sluys appliqua les mêmes métho<strong>de</strong>s<br />
au cours <strong>de</strong> physique, à <strong>de</strong>s notions <strong>de</strong><br />
météorologie. En mécanique, les excursions<br />
lui permirent d’expliquer le fonctionnement<br />
d’un grand nombre <strong>de</strong> machines et la technologie<br />
d’un grand nombre d’industries.<br />
<strong>La</strong>ngues<br />
L’étu<strong>de</strong> du français se révéla difficile, car<br />
tous les enfants dont il eut la responsabilité,<br />
n’avaient pas reçu entre 7 et 10 ans un enseignement<br />
méthodique, rationnel et intelligent<br />
<strong>de</strong> lecture et d’orthographe. Pour remédier<br />
à leurs carences, les moyens qu’il employa<br />
furent :<br />
- <strong>de</strong> nombreuses dictées, soigneusement corrigées<br />
et recopiées ;<br />
- <strong>de</strong> nombreuses rédactions, méticuleusement<br />
corrigées ;<br />
- <strong>de</strong>s leçons <strong>de</strong> grammaire dont les règles<br />
sont déduites <strong>de</strong> l’observation <strong>de</strong> phrases<br />
bien orthographiées.<br />
Il estimait d’autre part qu’il fallait encourager<br />
les parents à souvent faire lire et écrire<br />
leurs enfants à la maison, car il est impossible<br />
que l’instituteur s’occupe suffisamment<br />
<strong>de</strong> lecture et d’orthographe, surtout dans les<br />
classes supérieures où l’enseignement scientifique<br />
est assez étendu.<br />
Pour Alexis Sluys, le but essentiel <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong><br />
du français était la compréhension <strong>de</strong>s mots<br />
et la construction <strong>de</strong>s phrases. Dans toutes<br />
les leçons <strong>de</strong> sciences, les nouveaux mots<br />
<strong>de</strong>vaient être expliqués, écrits au tableau et<br />
transcrits. L’élève <strong>de</strong>vait toujours répondre<br />
par <strong>de</strong>s phrases complètes.<br />
Les métho<strong>de</strong>s utilisées pour l’étu<strong>de</strong> du français<br />
étaient applicables à celle du flamand.<br />
Ses élèves n’avaient guère étudié le flamand<br />
avant d’entrer à l’Ecole modèle.<br />
Presque tous parlaient exclusivement le français<br />
chez eux : les questionnaires signés par<br />
les parents étaient là pour prouver le fait.<br />
Alexis Sluys enseignait autant que possible<br />
tous les cours dans les <strong>de</strong>ux langues, mais<br />
dut très souvent sacrifier le flamand. Il pensait<br />
que s’il avait appliqué ce système dans son<br />
intégralité, les cours scientifiques auraient dû<br />
être négligés. Pour lui, c’était une erreur <strong>de</strong><br />
croire qu’une science puisse être enseignée,<br />
à l’école primaire, dans <strong>de</strong>ux langues essentiellement<br />
différentes, dont l’une est complètement<br />
étrangère pour les élèves.<br />
Histoire<br />
Alexis Sluys estimait que donner un cours<br />
d’histoire proprement dite, faire raconter <strong>de</strong>s<br />
biographies, bourrer le cerveau <strong>de</strong> faits et <strong>de</strong><br />
dates, c’était soumettre l’enfant à un travail<br />
fastidieux et stérile. Par contre, l’école primaire<br />
peut préparer les élèves à l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
l’histoire en fournissant <strong>de</strong>s intuitions. C’est<br />
ainsi qu’avant d’apprendre les événements<br />
qui sont un résultat du milieu dans lequel les<br />
peuples étudiés se sont trouvés, il convient<br />
d’étudier le pays et les mœurs du peuple que<br />
l’on veut faire connaître. Trois visites au musée<br />
<strong>de</strong> la Porte <strong>de</strong> Hal et une excursion aux<br />
ruines du château <strong>de</strong> Beersel fournirent <strong>de</strong>s<br />
intuitions qui entraient dans le domaine <strong>de</strong>s<br />
étu<strong>de</strong>s historiques.<br />
Enfin, pour rattacher l’actualité au cours<br />
d’histoire, il donna à ses élèves quelques notions<br />
<strong>de</strong> pratique administrative à l’occasion<br />
<strong>de</strong>s élections communales et législatives. ■<br />
Source<br />
- Le rapport présenté à M.Charles Buls, Directeur <strong>de</strong><br />
l’Ecole, sur le programme, la métho<strong>de</strong>, les excursions, la<br />
discipline, par M. A.Sluys, professeur <strong>de</strong> la classe supérieure,<br />
section primaire, (<strong>de</strong>uxième année d’étu<strong>de</strong>s) , le<br />
31 juillet 1877,dans L’École modèle, Bruxelles 1877.