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Format PDF - Analyses littéraires des romans de Jules Verne

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Paganel la science semble être tout, un tout complexe : ce <strong>de</strong>rnier navigue ainsi à mi-chemin<br />

entre scientisme et positivisme, ce qui est le cas <strong>de</strong> beaucoup <strong>de</strong> scientifiques présents dans la<br />

première partie <strong>de</strong> l’œuvre <strong>de</strong> <strong>Jules</strong> <strong>Verne</strong>.<br />

Le scientisme, opinion philosophique <strong>de</strong> la fin du XIX° siècle, affirme ainsi que la science<br />

nous fait connaître la totalité <strong><strong>de</strong>s</strong> choses qui existent et que cette connaissance suffit à<br />

satisfaire toutes les aspirations humaines. Quant-au positivisme d’Auguste Comte (1798-<br />

1857), il récuse les a priori métaphysiques et voit dans l’observation <strong><strong>de</strong>s</strong> faits positifs, dans<br />

l’expérience, l’unique fon<strong>de</strong>ment <strong>de</strong> la connaissance. Paganel souhaite ainsi aller plus loin<br />

que la simple connaissance et donc passer à l’étape supplémentaire : l’expérimentation sur le<br />

terrain. Pour autant ce <strong>de</strong>rnier n’en conserve pas moins <strong><strong>de</strong>s</strong> raisonnements encore scientistes,<br />

à bien <strong><strong>de</strong>s</strong> égards. Certaines <strong>de</strong> ses nombreuses remarques témoignent <strong>de</strong> cet état <strong>de</strong> fait tout<br />

au long du roman.<br />

Néanmoins, l’esprit purement positiviste lui revient quant il s’agit <strong>de</strong> procé<strong>de</strong>r à quelque<br />

chose dont <strong>Jules</strong> <strong>Verne</strong> use et abuse aussi dans ses <strong>romans</strong> : le classement, la hiérarchisation,<br />

les nomenclatures. Lors d’une discussion une fois <strong>de</strong> plus houleuse entre le géographe et le<br />

major (il y a souvent <strong>de</strong>ux personnages que tout oppose dans les <strong>romans</strong> <strong>de</strong> <strong>Jules</strong> <strong>Verne</strong>, ils<br />

permettent <strong>de</strong> développer justement cette dialectique propre aux développements <strong>de</strong> l’auteur),<br />

Mac Nabbs déclare : « Ah ! pour le coup, Paganel, dit le major, vous ne me ferez jamais<br />

admettre l’utilité <strong><strong>de</strong>s</strong> bêtes féroces ! A quoi servent-elles ? - Major ! s’écria Paganel, mais<br />

elles servent à faire <strong><strong>de</strong>s</strong> classifications, <strong><strong>de</strong>s</strong> ordres, <strong><strong>de</strong>s</strong> familles, <strong><strong>de</strong>s</strong> genres, <strong><strong>de</strong>s</strong> sous-genres,<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> espèces… - Bel avantage ! dit Mac Nabbs. Je m’en passerais bien ! Si j’avais été l’un <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

compagnons <strong>de</strong> Noé au moment du déluge, j’aurais certainement empêché cet impru<strong>de</strong>nt<br />

patriarche <strong>de</strong> mettre dans l’arche <strong><strong>de</strong>s</strong> couples <strong>de</strong> lions, <strong>de</strong> tigres, <strong>de</strong> panthères, d’ours et<br />

autres animaux aussi malfaisants qu’inutiles. - Vous auriez fait cela ? <strong>de</strong>manda Paganel. - Je<br />

l’aurais fait. - Eh bien ! vous auriez eu tort au point <strong>de</strong> vue zoologique ! - Non pas au point <strong>de</strong><br />

vue humain, répondit le major. - C’est révoltant ! reprit Paganel, et pour mon compte, au<br />

contraire, j’aurais précisément conservé les mégathériums, les ptérodactyles, et tous les être<br />

antédiluviens dont nous sommes si malheureusement privés… - Je vous dis, moi, que Noé a<br />

mal agi, repartit Paganel, et qu’il a mérité jusqu’à la fin <strong><strong>de</strong>s</strong> siècles la malédiction <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

savants ! » (page 283).<br />

Ce passage est d’une gran<strong>de</strong> richesse dans la compréhension du roman et <strong>de</strong> la logique <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

personnages. Tout d’abord, au point <strong>de</strong> vue du lexique : les personnages parlent bien du<br />

déluge (celui évoqué dans la Bible) alors qu’au même moment ils vivent perchés sur un arbre<br />

afin d’éviter la montée <strong><strong>de</strong>s</strong> eaux, et du patriarche (ce qui n’est pas sans rappeler l’objet <strong>de</strong> ce<br />

voyage, la recherche d’un père, d’un autre patriarche). Ce patriarche est qualifié<br />

d’ « impru<strong>de</strong>nt » par le major car il a transporté <strong><strong>de</strong>s</strong> animaux dangereux dans son arche. Pour<br />

Paganel, ce <strong>de</strong>rnier n’emporte pas plus d’honneur, car au contraire, d’après le géographe (dont<br />

les connaissances font ici preuve d’un magnifique anachronisme géologique et<br />

paléontologique au regard <strong><strong>de</strong>s</strong> connaissances qu’il est censé possé<strong>de</strong>r) ce <strong>de</strong>rnier aurait dû<br />

emporter avec lui toutes les espèces antédiluviennes. A l’image d’un grand nombre <strong>de</strong><br />

scientifiques présents dans les <strong>romans</strong> <strong>de</strong> <strong>Jules</strong> <strong>Verne</strong>, Paganel est un a<strong>de</strong>pte <strong>de</strong> la taxinomie,<br />

cette science <strong><strong>de</strong>s</strong> lois <strong>de</strong> la classification qui s’inscrit parfaitement dans la démarche<br />

positiviste (et établi ainsi une hiérarchie mettant en haut <strong>de</strong> l’échelle l’homme blanc… ; cf.<br />

infra.). Pour autant, <strong>Jules</strong> <strong>Verne</strong>, au travers <strong>de</strong> Paganel, met en avant un concept que nous<br />

connaissons bien aujourd’hui, celui <strong>de</strong> la biodiversité (même si ce <strong>de</strong>rnier n’existe pas en tant<br />

que tel à l’époque, bien sûr). Or le géographe commet là un magnifique anachronisme, car les<br />

ptérodactyles datent <strong>de</strong> l’ère secondaire, et sont donc bien trop antérieurs à l’homme pour<br />

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