Format PDF - Analyses littéraires des romans de Jules Verne
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<strong>de</strong>meure encore très liée à la géologie, discipline qui s’intéresse plus particulièrement aux<br />
entrailles <strong>de</strong> la terre. <strong>Jules</strong> <strong>Verne</strong> évoque d’ailleurs souvent dans ses <strong>romans</strong> les différentes<br />
théories qui s’affrontent concernant la structure interne <strong>de</strong> la terre, notamment dans Voyage<br />
au centre <strong>de</strong> la terre (1864). Axel y défend la théorie d’une boule <strong>de</strong> gaz incan<strong><strong>de</strong>s</strong>cent sous<br />
pression alors que le professeur Li<strong>de</strong>nbrock est partisan <strong>de</strong> la théorie <strong>de</strong> Lyell (1797-1875 ; cf.<br />
supra.), une théorie qui justement permet le voyage vers le centre <strong>de</strong> la terre et donc <strong>de</strong> rendre<br />
le récit crédible ! Dans Les Enfants du capitaine Grant, cette problématique <strong>de</strong> la structure<br />
interne <strong>de</strong> la terre est évoquée très rapi<strong>de</strong>ment : « Cette portion du globe est travaillée par les<br />
feux <strong>de</strong> la terre, et les volcans <strong>de</strong> cette chaîne d’origine récente n’offrent que d’insuffisantes<br />
soupapes à la sortie <strong><strong>de</strong>s</strong> vapeurs souterraines. De là ces secousses incessantes, connues sous<br />
le nom <strong>de</strong> « tremblores » ». (page 143 ; on retrouve d’ailleurs les mêmes références à la fin du<br />
récit, dans les chapitres XI, XIV et XV <strong>de</strong> la 3° partie). Car ce n’est pas le centre <strong>de</strong> la terre<br />
qui préoccupent nos héros, mais bien ce qui se passe à sa surface, d’où le sous-titre très<br />
explicite. Cependant, les manifestations internes du centre <strong>de</strong> la terre vont pourtant servir à la<br />
surface, notamment grâce à l’imagination <strong>de</strong> Paganel…<br />
Si <strong>Jules</strong> <strong>Verne</strong> se fait l’écho ainsi <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong>rnières théories en cours, il est amusant <strong>de</strong> remarquer,<br />
au détour d’une phrase, d’une remarque, à quel point sa géographie (envisagée ici par<br />
l’intermédiaire <strong>de</strong> son personnage, Paganel) est surtout encyclopédique… : « […] Tout<br />
autant, affirma Paganel. Mais j’ajoute que ces conflagrations se propagent sur une gran<strong>de</strong><br />
échelle et atteignent souvent un développement considérable. » (page 188). <strong>Jules</strong> <strong>Verne</strong><br />
commet là une belle erreur <strong>de</strong> géographe amateur : car un phénomène qui se développe sur<br />
une gran<strong>de</strong> échelle est forcément un phénomène qui concerne une surface <strong>de</strong> terrain réduite !<br />
Et inversement. Tout cela n’est qu’affaire <strong>de</strong> cartographie, et plus précisément d’échelle, où le<br />
rapport entre le numérateur et le dénominateur est toujours plus petit quand l’on considère une<br />
gran<strong>de</strong> surface sur le terrain (un continent par exemple ; échelle 1/10.000.000 où 1 cm sur la<br />
carte = 10.000.000 cm sur le terrain, soit 100 kms) que lorsque l’on considère une petite<br />
surface (un champ par exemple ; échelle 1/1000 où 1 cm sur la carte = 1000 cm sur le terrain,<br />
soit 10 mètres), où là, justement, on peut parler <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> échelle. 1/10.000.000 est donc bien<br />
plus petit que 1/1000, non ? Donc une gran<strong>de</strong> échelle concerne bien une petite surface, et<br />
inversement ! Pour autant, il faut aussi bien se faire comprendre du lecteur, ce qui peut<br />
expliquer pourquoi <strong>Jules</strong> <strong>Verne</strong> commet cette erreur (soit en connaissance <strong>de</strong> cause, soit parce<br />
que lui-même est induit en erreur !). A la page 524, l’auteur remploi ainsi la même<br />
expression : « Les meurtres s’organisèrent sur une vaste échelle, et <strong><strong>de</strong>s</strong> tribus entières<br />
disparurent. »<br />
De nos jours, tout le mon<strong>de</strong> commet l’erreur, souvent véhiculée par <strong><strong>de</strong>s</strong> journalistes qui ne<br />
maîtrisent par toujours le sujet qu’ils souhaitent évoquer. Il en est <strong>de</strong> même lorsque ces<br />
<strong>de</strong>rniers parlent <strong>de</strong> statistiques, en nous expliquant que tel sondage a évolué <strong>de</strong> tant <strong>de</strong><br />
pourcentages, alors qu’il faudrait parler <strong>de</strong> points : quand un sondage passe <strong>de</strong> 50 à 60%, il<br />
n’augmente pas <strong>de</strong> 10% mais <strong>de</strong> 10 points, soit un gain <strong>de</strong> 20%. <strong>Jules</strong> <strong>Verne</strong> aurait donc dû<br />
écrire : « Mais j’ajoute que ces conflagrations se propagent sur une petite échelle et<br />
atteignent souvent un développement considérable. » <strong>Jules</strong> <strong>Verne</strong> parle bien à la fin <strong>de</strong> sa<br />
phrase <strong>de</strong> « développement considérable », il ne fait donc pas allusion à une petite surface <strong>de</strong><br />
terrain, ce qui prouve bien la confusion dans sa tête issue d’un raisonnement purement<br />
analogique : s’il s’agit d’un « développement considérable », alors cela concerne « une<br />
gran<strong>de</strong> échelle », ce qui cartographiquement et géographiquement est complètement faux,<br />
aujourd’hui comme hier ! Or ce raisonnement purement analogique est justement celui qui<br />
caractérise souvent le pauvre Paganel… (cf. supra).<br />
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