Format PDF - Analyses littéraires des romans de Jules Verne
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apport ; l’angle facial <strong>de</strong> l’indigène australien est très aigu et sensiblement égal à celui <strong>de</strong><br />
l’orang-outang, soit soixante à soixante-<strong>de</strong>ux <strong>de</strong>grés. Aussi n’est-ce pas sans raison que M.<br />
<strong>de</strong> Rienzi proposa <strong>de</strong> classer ces malheureux dans une race à part qu’il nommait les<br />
« pithécomorphes », c’est-à-dire hommes à forme <strong>de</strong> singes. » (page 528). Poussant encore<br />
plus le débat, <strong>Jules</strong> <strong>Verne</strong> rajoute juste après : « Mais Lady Helena avait encore plus raison<br />
que Mac Nabbs, en tenant pour <strong><strong>de</strong>s</strong> êtres doués d’une âme ces indigènes placés au <strong>de</strong>rnier<br />
<strong>de</strong>gré <strong>de</strong> l’échelle humaine. Entre la brute et l’Australien existe l’infranchissable abîme qui<br />
sépare les genres. Pascal a justement dit que l’homme n’est brute nulle part. Il est vrai qu’il<br />
ajoute avec non moins <strong>de</strong> sagesse, « ni ange non plus » » (même page). <strong>Jules</strong> <strong>Verne</strong> abor<strong>de</strong><br />
ainsi la problématique question du chaînon manquant évoquée par Darwin mais conserve ici<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> positions plus proches <strong>de</strong> celles <strong>de</strong> Cuvier (cf. infra.). Pour <strong>Jules</strong> <strong>Verne</strong>, tous les hommes<br />
ne peuvent être situés au même <strong>de</strong>gré d’évolution. Il est intéressant <strong>de</strong> remarquer néanmoins<br />
que ces propos sont tenus non pas par le scientifique <strong>de</strong> l’expédition, à savoir Paganel, mais<br />
par le major Mac Nabbs... Car <strong>Jules</strong> <strong>Verne</strong> ne peut se fâcher pour autant avec la science,<br />
surtout lorsqu’il est fait indirectement référence aux travaux du célèbre Darwin ! Cependant,<br />
cela ne l’empêche pas <strong>de</strong> déclarer <strong>de</strong>ux pages plus loin : « Sans donner raison au major, on ne<br />
pouvait nier pourtant que cette race ne touchât <strong>de</strong> près à l’animal. » (page 530). <strong>Jules</strong> <strong>Verne</strong><br />
n’adhère donc pas à la théorie <strong>de</strong> Darwin, du moins concernant ce point précis, ce qu’il<br />
développera <strong>de</strong> manière plus précise à la fin <strong>de</strong> sa vie, dans un roman centré sur cette<br />
problématique et où <strong>Jules</strong> <strong>Verne</strong> illustre parfaitement sont point <strong>de</strong> vue.<br />
En effet, en 1901, <strong>Jules</strong> <strong>Verne</strong> publie Le Village aérien, roman où il met clairement en scène<br />
un groupe d’hommes, vivant dans une forêt en Afrique, et appartenant à ce fameux chaînon<br />
manquant. La critique à l’égard <strong>de</strong> Darwin est là très explicite. Il déclare d’ailleurs en 1902, à<br />
propos <strong>de</strong> son livre : « Mon 84° livre, qui vient d’être publié, décrit la vie quotidienne du<br />
chaînon manquant, puisque je crois qu’un jour on révèlera l’existence <strong>de</strong> cet étrange<br />
intermédiaire entre le singe et l’homme. » Un an plus tôt, et à propos du même ouvrage, <strong>Jules</strong><br />
<strong>Verne</strong> déclare dans une interview : « Je suis loin d'arriver à la conclusion <strong>de</strong> Darwin, dont je<br />
ne partage pas le moins du mon<strong>de</strong> les idées. » Malgré son génie, <strong>Jules</strong> <strong>Verne</strong> ne peut se<br />
départir <strong>de</strong> certaines idées très fortes <strong>de</strong> l’époque, car ce <strong>de</strong>rnier est tout simplement un<br />
homme… comme un autre.<br />
C) Du scientisme au positivisme : Paganel.<br />
« Vous êtes donc cuisinier, monsieur Paganel ? dit Robert. - Parbleu, mon garçon, puisque je<br />
suis Français ! Dans un français il y a toujours un cuisinier. » (page 139). Ce raisonnement,<br />
un quasi-syllogisme (le raisonnement est cependant ici à la limite <strong>de</strong> l’absur<strong>de</strong>), témoigne<br />
d’une disposition d’esprit propre à Paganel et aux héros <strong>de</strong> <strong>Jules</strong> <strong>Verne</strong> qui consiste à<br />
raisonner par analogie (cf. infra.). Pour Paganel, la vérité ne vient pas <strong>de</strong> l’expérience seule,<br />
<strong>de</strong> l’apprentissage sur le terrain ; au contraire, pour lui il suffit d’abord d’être pour savoir et <strong>de</strong><br />
savoir pour pratiquer. Ainsi, il suffit d’être géographe pour savoir et pratiquer la géographie<br />
(mais sans jamais avoir été sur le terrain), être français pour savoir cuisinier, avoir appris<br />
l’espagnol pour savoir le parler correctement et se faire comprendre (Paganel a en fait appris<br />
le portugais !), etc… A ce titre, Paganel considère ainsi la primauté <strong>de</strong> l’inné sur l’acquis<br />
puisque pour lui il suffit d’être, <strong>de</strong> savoir, pour connaître, pratiquer… Nous naîtrions ainsi<br />
avec certaines prédispositions qu’il suffit par la suite <strong>de</strong> développer, d’enrichir, en fonction <strong>de</strong><br />
nos différentes expériences dans la vie. Néanmoins <strong>Jules</strong> <strong>Verne</strong>, au travers <strong>de</strong> ce roman, nous<br />
montre que tout cela n’est pas aussi simple, et que la connaissance ne peut se passer <strong>de</strong><br />
l’expérience, et surtout <strong>de</strong> la transmission (notamment au travers du jeune Robert). Pour<br />
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