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Format PDF - Analyses littéraires des romans de Jules Verne

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forcément vrai sur le terrain, ou doit s’appliquer sur le terrain (repensons dans cette<br />

perspective aux Tables <strong>de</strong> la Loi). Or tout cela est bien théorique, hypothétique. Si<br />

Champollion a su déchiffrer les hiéroglyphes, c’est aussi parce qu’il a réalisé assez tôt qu’il<br />

lui faudrait apprendre également l’éthiopien et le copte, donc en revenir aux réalités<br />

(f)actuelles du terrain.<br />

Paganel a finalement une vision idéalisée <strong>de</strong> la géographie : il ne cesse d’exalter, <strong>de</strong> sublimer<br />

sa discipline, au point, lors <strong>de</strong> son retour sur le Duncan après la traversée du continent sudaméricain,<br />

<strong>de</strong> rédiger « un ouvrage intitulé : Sublimes impressions d’un géographe dans la<br />

Pampasie argentine. » (page 330). La vision <strong>de</strong> Paganel concernant la géographie est<br />

essentiellement esthétique, intellectuelle, voire esthétisante : « Vous ne voyez que le beau côté<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> choses ! », déclare Lady Helena, au géographe (page 345). Alors que pour Robert, la<br />

géographie c’est avant tout la difficulté (même si les paysages sont beaux), c’est le labyrinthe<br />

dont il faut trouver la sortie, les éléments qu’il faut affronter. Le fil d’Ariane n’est ici qu’un<br />

mo<strong><strong>de</strong>s</strong>te bout <strong>de</strong> papier soumis à l’interprétation du distrait Paganel. Robert sait ce qu’il<br />

cherche, Paganel se contente <strong>de</strong> profiter du moment présent. Au caractère ludique que revêt<br />

l’expédition pour le géographe s’oppose le caractère dramatique d’une situation, pour le jeune<br />

Robert, où plus le temps passe, plus les chances <strong>de</strong> retrouver son père en vie s’amenuisent.<br />

« Cher monsieur Paganel, répondit Lady Helena, voilà encore votre imagination qui vous<br />

emporte dans les champs <strong>de</strong> la fantaisie. Mais je crois que la réalité est bien différente du<br />

rêve. Vous ne songez qu’à ces Robinsons imaginaires, soigneusement jetés dans une île bien<br />

choisie, et que la nature traite en enfants gâtés ! Vous ne voyez que le beau côté <strong><strong>de</strong>s</strong> choses !<br />

[…] L’homme est fait pour la société, non pour l’isolement. La solitu<strong>de</strong> ne peut engendrer<br />

que le désespoir. C’est une question <strong>de</strong> temps. » (pages 345-346). Cette remarque <strong>de</strong> Lady<br />

Helena, qui oppose <strong>de</strong>ux visions bien différentes <strong>de</strong> la Robinsonna<strong>de</strong>, traduit l’idée <strong>de</strong> <strong>Jules</strong><br />

<strong>Verne</strong> selon laquelle l’homme seul régresse, alors qu’au contraire l’homme en communauté<br />

progresse. Cet exemple sera illustré par la suite avec la présence du personnage d’Ayrton, que<br />

l’on retrouve notamment dans L’Île Mystérieuse, et qui justement après une longue pério<strong>de</strong><br />

d’isolement, seul au mon<strong>de</strong>, a fini par se retrouver dans un état plus proche <strong>de</strong> l’animal que<br />

celui <strong>de</strong> l’homme… Ce qui tendrait à donner raison à Lady Helena (et tort à Darwin ?).<br />

Dans le cadre <strong>de</strong> sa pratique systématique <strong>de</strong> la géographie, Paganel souhaite autant que<br />

possible mettre à jour ses cartes <strong>de</strong> géographie, et cela afin d’éviter certaines confusions<br />

comme celle, par exemple, <strong>de</strong> l’île Saint-Paul avec l’île Saint-Pierre (cf. chapitre III, 2°<br />

partie). Pour autant, et malgré ce souci <strong>de</strong> précision et d’exactitu<strong>de</strong>, Paganel va lui-même se<br />

tromper, un peu plus tard, notamment à propos <strong>de</strong> l’île Tabor. D’ailleurs, le nom <strong>de</strong> cette île<br />

n’est-il pas sans rappeler un célèbre mont cité dans Bible, et bien réel lui aussi : le mont<br />

Tabor, en Israël ? Nul n’est ainsi à l’abri d’une erreur, aussi regrettable soit-elle. Paganel<br />

souhaite ainsi combler les blancs d’une géographie incomplète en cette fin <strong>de</strong> XIX° siècle, en<br />

joignant l’utile à l’agréable. Cette démarche est emblématique <strong>de</strong> l’ambition <strong>de</strong> l’époque, à<br />

savoir celle <strong>de</strong> déchiffrer la Terre.<br />

C) Un espace à déchiffrer : la Terre.<br />

« Voyage autour du mon<strong>de</strong> » : tel est le sous-titre du roman, un sous-titre qui précise bien<br />

l’ampleur du voyage à accomplir, et à quel point la géographie va jouer un rôle fondamental<br />

dans cette aventure. Au XIX° siècle, cette discipline, envisagée en tant que connaissance du<br />

mon<strong>de</strong>, reste une science à définir, à préciser, a fortiori lorsque l’on sait combien elle<br />

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