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LE LANGAGE EST-IL UN INSTINCT ? UNE CRITIQUE DU ... - Texto

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<strong>Texto</strong>! octobre 2008, vol. XIII, n°4<br />

h) Convergence : les enfants atteignent des états finaux qui sont remarquablement<br />

semblables, en dépit de la variété de leurs expériences personnelles (et donc de leurs<br />

DLP).<br />

i) Universalité : les locuteurs de diverses langues acquièrent des systèmes dont les<br />

similarités sont inexpliquées.<br />

j) Période critique : pour être optimal, l’apprentissage d’une langue doit avoir lieu entre<br />

deux âges. Cette période critique correspond à la maturation de la faculté de langage, qui<br />

met à disposition de l’enfant les capacités innées nécessaires pour l’acquisition. Au-delà de<br />

cette période, l’apprentissage n’est pas optimal, ce qui peut être interprété comme la<br />

preuve que des procédures générales sont insuffisantes. L’argument peut donc soutenir la<br />

thèse de la modularité. Il fournit aussi une explication causale au caractère inéluctable de<br />

l’acquisition.<br />

Les arguments les plus forts sont à mon avis ceux de la vitesse (a), de la sélectivité (d), de la<br />

sous-exposition (f), de l’universalité (i) et de la période critique (j). L’argument de la vitesse est bien<br />

discuté par Sampson (2005). J’y reviendrai cependant en section D.4, pour questionner la notion<br />

de maturation et son rapport à d’éventuels stades. L’argument (i) dépasse le cadre de cet article: il<br />

revient à accepter la théorie de la GU, ou bien exige de prendre parti sur la nature des universaux<br />

linguistiques et la bonne théorie des universaux. Quant à l’argument (g), en exigeant des théories<br />

alternatives possibles une certitude qu’elles ne demandent pas du nativisme, il met le nativisme à<br />

l’abri de toute infirmation empirique.<br />

Je me tournerai maintenant vers les passages que Pinker a consacrés aux arguments de la<br />

sélectivité et de la sous-exposition dans The Language Instinct (1994, surtout les ch. 2 et 9). Je<br />

traiterai d’abord de l’argument de la sélectivité.<br />

D.2 L’argument de la sélectivité<br />

Pinker (1994 : 40) reconduit l’argument classique de Chomsky (voir supra) sur l’acquisition de la<br />

structure des interrogatives polaires. Rappelons l’enjeu du débat : les enfants pourraient faire<br />

l’hypothèse que la formation des interrogatives est indépendante de la structure syntagmatique<br />

(H IND<br />

). Or, ils ne procèdent jamais ainsi : ils semblent toujours inverser correctement l’auxiliaire de<br />

la proposition principale, ce qui suppose l’hypothèse inverse (H DEP<br />

), qui consiste à projeter une<br />

structure syntagmatique sur les phrases.<br />

Doit-on vraiment supposer qu’un mécanisme inné contraint l’enfant à projeter H DEP<br />

? D’une part,<br />

des principes simples peuvent se substituer à ce mécanisme ; d’autre part, les faits montrent que<br />

H DEP<br />

émerge progressivement. J’examinerai ces deux points tour à tour.<br />

Un premier principe consisterait à poser que l’enfant ne fait pas d’hypothèse vide, c’est-à-dire telle<br />

qu’une opération, par exemple un mouvement, est immotivée. Ce principe permet de rejeter<br />

certaines hypothèses considérées comme possibles par les nativistes, mais non éliminables du<br />

répertoire de l’enfant si on ne suppose pas des principes innés.<br />

Par exemple, selon Lasnik et Uriagereka (2002), confronté à Is the dog that is in the corner<br />

hungry ? l’enfant pourrait faire l’hypothèse que la règle de formation de l’interrogative à partir de la<br />

déclarative est : front any auxiliary (et non front the auxiliary in the matrix Infl). Cependant, on<br />

observe que l’enfant ne semble jamais envisager cette hypothèse. L’enfant est donc sélectif. Mais<br />

affirmer, comme le font Lasnik & Uriagereka (2002), que la règle front any auxiliary est<br />

théoriquement possible revient à admettre la possibilité de choix immotivés. En outre, le choix de<br />

l’auxiliaire est associé dans cette interrogative à l’information en focus (le prédicat principal).<br />

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