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PLAN 2010-1 - Ordre des ingénieurs du Québec

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DOSSIER DEVELOPPEMENT DURABLE<br />

C'est ici que le génie qu'il faut mettre en pratique dans le Nord<br />

se démarque davantage <strong>des</strong> pratiques qui ont cours dans le Sud.<br />

Les règles qu'on observe sous nos latitu<strong>des</strong> clémentes engendrent<br />

souvent <strong>des</strong> problèmes si on les applique dans les régions<br />

nordiques. «De façon générale, avance l'ingénieur Guy Doré, il<br />

faut tenir compte de la thermodynamique plutôt que simplement<br />

se fonder sur <strong>des</strong> principes mécaniques lorsque nous concevons<br />

<strong>des</strong> infrastructures nordiques. » Il est d'autant plus crucial de comprendre<br />

le régime thermique <strong>du</strong> sol et <strong>des</strong> remblais qui aura tôt<br />

ou tard un effet sur la capacité portante et<br />

les aspects mécaniques <strong>des</strong> sols en général.<br />

Professeur en génie civil à l'Université<br />

Laval, Guy Doré est aussi un membre<br />

chercheur <strong>du</strong> CEN. Il mène plusieurs expériences<br />

afin d'évaluer la pertinence de<br />

techniques d'adaptation au changement<br />

climatique. Il s'intéresse ainsi au drainage.<br />

Un bon drainage est essentiel, mais pour<br />

qu'il soit efficace, on doit adapter les procédés<br />

aux conditions nordiques. « Dans le<br />

Guy Doré, ing.<br />

Sud, aménager un fossé en bor<strong>du</strong>re <strong>du</strong> remblai d'une route est<br />

une technique courante, fait observer Guy Doré. Dans le Nord, cette<br />

pratique est impensable.» En été, l'eau stagnante dans le fossé<br />

ne fera qu'accélérer la fonte <strong>du</strong> pergéhsol. Il faut donc éloigner<br />

le plus possible l'eau de la base <strong>du</strong> remblai. En hiver, la neige s'accumule<br />

dans ces fossés. Étant donné que la neige constitue un<br />

isolant naturel, elle empêche le froid de figer plus profondément<br />

le pergéhsol pendant l'hiver, ce qui accélère le dégel l'été suivant.<br />

«Une technique simple, qui semble prometteuse, consiste à construire<br />

<strong>des</strong> remblais en pente douce (de l'ordre de 1 dans 6) ; cela<br />

empêche l'accumulation de neige», exphque Gilles Grondin. Les<br />

simples métho<strong>des</strong> de déblayage de la neige sont aussi en cause.<br />

« Pour que l'onde de froid hivernal pénètre bien dans le pergéhsol<br />

et permette son maintien à longterme, les équipes d'entretien <strong>des</strong><br />

pistes d'atterrissage et <strong>des</strong> routes doivent décharger de la neige<br />

là où elle ne risque pas d'isoler les talus <strong>des</strong> remblais et le pergélisol ».<br />

Le remblai lui-même peut être un facteur aggravant puisque<br />

l'accumulation d'eau et de neige favorisera l'accumulation de<br />

la chaleur dans le sol. Deux approches sont à l'essai. La première<br />

consiste à utiliser un remblai de pierres composé uniquement<br />

de blocs de grande taille. « Ce remblai comporte beaucoup<br />

de vi<strong>des</strong> qui créent <strong>des</strong> cellules de convection favorisant l'évacuation<br />

de l'air chaud en hiver», précise Guy Doré. L'autre technique<br />

consiste à insérer un écran drainant fait de deux membranes<br />

géotextiles séparées par de petits cônes en polymères, un pro<strong>du</strong>it<br />

utihsé habituellement pour le drainage. Judicieusement positionné,<br />

l'écran permet cette fois d'évacuer l'air chaud grâce à un<br />

effet de cheminée, tandis que l'air froid entre par l'autre extrémité.<br />

Au Nunavik, les pistes d'atterrissage ne sont pas pavées, mais<br />

gravelées. L'absence de revêtement bitumineux est un avantage<br />

dont les chemins d'accès, pavés, ne bénéficient pas. En effet, la<br />

couleur foncée de l'asphalte ne fait qu'accentuer les effets <strong>du</strong><br />

réchauffement sur le pergélisol par sa grande capacité à capter<br />

la chaleur. « Nous expérimentons <strong>des</strong> surfaces claires qui vont<br />

réfléchir une grande partie de la radiation solaire », nous dit Guy<br />

Doré. L'idée vient de l'aviation américaine, qui a peint en blanc<br />

Des normes et <strong>des</strong> bonnes<br />

pratiques en préparation<br />

Outre la stratégie d'adaptation <strong>du</strong> ministère <strong>des</strong> Transports <strong>du</strong><br />

<strong>Québec</strong>, deux autres documents devraient contribuer d'ici la fin de<br />

<strong>2010</strong> à mieux orienter et encadrer les pratiques <strong>du</strong> génie dans le<br />

Grand Nord.<br />

• L'Association <strong>des</strong> transports <strong>du</strong> Canada prépare un guide <strong>des</strong><br />

bonnes pratiques pour le développement et la gestion <strong>des</strong> infrastructures<br />

de transport sur le pergéhsol, document auquel collaborent<br />

plusieurs chercheurs, dont l'ingénieur Guy Doré.<br />

• L'Association canadienne de normalisation (ACNOR) élabore<br />

<strong>des</strong> normes pour l'aménagement <strong>des</strong> villages.<br />

la piste de son aéroport de Thulé, au Groenland, il y a une trentaine<br />

d'années. « Ça fonctionne très bien pour préserver le remblai,<br />

remarque Guy Doré, mais il faut repeindre tous les trois ans, sans<br />

oubher que la peinture rend la piste un peu glissante. »<br />

Il existe toutefois <strong>des</strong> bitumes colorés de conception européenne<br />

<strong>des</strong>tinés d'abord aux aménagements architecturaux pour l'agencement<br />

<strong>des</strong> couleurs et qui ré<strong>du</strong>isent l'effet d'îlots de chaleur qui<br />

se crée dans les villes. «Nous essayons d'adapter cette technologie<br />

à la pro<strong>du</strong>ction à prix abordable de bitumes clairs pour les routes<br />

nordiques », mentionne Guy Doré. Une expérience a été réalisée à<br />

Dawson City avec un pavage importé de France, à un coût prohibitif.<br />

Mieux comprendre le comportement <strong>du</strong> pergéhsol en période<br />

de changement climatique et imaginer <strong>des</strong> solutions pour s'adapter<br />

aux nouvelles conditions ne représente pas une mince tâche. Dans<br />

un contexte où le Canada est de plus en plus soucieux d'affirmer<br />

sa présence dans l'Arctique canadien, il est certain que les <strong>ingénieurs</strong><br />

apporteront leur contribution. « Et il y a de beaux défis à<br />

relever pour eux », conclut Richard Fortier.<br />

•<br />

Le Nord, voie de l'avenir<br />

Au milieu <strong>du</strong> XIX e siècle, la conquête de l'ouest <strong>des</strong> États-Unis<br />

battait son plein. John Soûle, un éditorialiste américain, appelait<br />

alors ses jeunes compatriotes à migrer vers cette nouvelle frontière<br />

et à profiter <strong>des</strong> occasions offertes par la croissance économique.<br />

« Go West, young man, and grow up with the country»,<br />

avait-il écrit à l'époque.<br />

Au cours <strong>des</strong> prochaines années, le Grand Nord pourrait bien<br />

représenter une de ces <strong>des</strong>tinations porteuses d'avenir, la chaleur<br />

en moins ! « Il faudra une nouvelle génération d'<strong>ingénieurs</strong> capables<br />

de comprendre le pergélisol», estime Michel Allard, qui<br />

souhaite également que la formation en génie comporte <strong>des</strong> cours<br />

sur le milieu nordique.<br />

L'ingénieur Richard Fortier s'inquiète <strong>du</strong> peu d'expertise actuelle<br />

en génie appliqué aux conditions <strong>du</strong> Grand Nord. « Il n'est pas possible<br />

d'appliquer les métho<strong>des</strong> <strong>du</strong> Sud au contexte nordique sans<br />

faire une mise à niveau, soutient-il. Il faut que les <strong>ingénieurs</strong> soient<br />

sensibilisés aux conditions différentes qui existent dans le Nord. »<br />

Déjà peu nombreux, les <strong>ingénieurs</strong> qui répondent à ce dernier<br />

critère ne restent pas dans les territoires nordiques aussi longtemps<br />

qu'il le faudrait. « Il y a une rotation <strong>du</strong> personnel plus importante<br />

dans le Nord, remarque Richard Fortier. Lorsque les gens quittent<br />

la région sans préparer leur relève, il y a une perte d'expertise importante<br />

à un moment où nous en avons besoin plus que jamais. »<br />

<strong>PLAN</strong> : FÉVRIER-MARS <strong>2010</strong> : : 28

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