DOSSIER DEVELOPPEMENT DURABLE C'est ici que le génie qu'il faut mettre en pratique dans le Nord se démarque davantage <strong>des</strong> pratiques qui ont cours dans le Sud. Les règles qu'on observe sous nos latitu<strong>des</strong> clémentes engendrent souvent <strong>des</strong> problèmes si on les applique dans les régions nordiques. «De façon générale, avance l'ingénieur Guy Doré, il faut tenir compte de la thermodynamique plutôt que simplement se fonder sur <strong>des</strong> principes mécaniques lorsque nous concevons <strong>des</strong> infrastructures nordiques. » Il est d'autant plus crucial de comprendre le régime thermique <strong>du</strong> sol et <strong>des</strong> remblais qui aura tôt ou tard un effet sur la capacité portante et les aspects mécaniques <strong>des</strong> sols en général. Professeur en génie civil à l'Université Laval, Guy Doré est aussi un membre chercheur <strong>du</strong> CEN. Il mène plusieurs expériences afin d'évaluer la pertinence de techniques d'adaptation au changement climatique. Il s'intéresse ainsi au drainage. Un bon drainage est essentiel, mais pour qu'il soit efficace, on doit adapter les procédés aux conditions nordiques. « Dans le Guy Doré, ing. Sud, aménager un fossé en bor<strong>du</strong>re <strong>du</strong> remblai d'une route est une technique courante, fait observer Guy Doré. Dans le Nord, cette pratique est impensable.» En été, l'eau stagnante dans le fossé ne fera qu'accélérer la fonte <strong>du</strong> pergéhsol. Il faut donc éloigner le plus possible l'eau de la base <strong>du</strong> remblai. En hiver, la neige s'accumule dans ces fossés. Étant donné que la neige constitue un isolant naturel, elle empêche le froid de figer plus profondément le pergéhsol pendant l'hiver, ce qui accélère le dégel l'été suivant. «Une technique simple, qui semble prometteuse, consiste à construire <strong>des</strong> remblais en pente douce (de l'ordre de 1 dans 6) ; cela empêche l'accumulation de neige», exphque Gilles Grondin. Les simples métho<strong>des</strong> de déblayage de la neige sont aussi en cause. « Pour que l'onde de froid hivernal pénètre bien dans le pergéhsol et permette son maintien à longterme, les équipes d'entretien <strong>des</strong> pistes d'atterrissage et <strong>des</strong> routes doivent décharger de la neige là où elle ne risque pas d'isoler les talus <strong>des</strong> remblais et le pergélisol ». Le remblai lui-même peut être un facteur aggravant puisque l'accumulation d'eau et de neige favorisera l'accumulation de la chaleur dans le sol. Deux approches sont à l'essai. La première consiste à utiliser un remblai de pierres composé uniquement de blocs de grande taille. « Ce remblai comporte beaucoup de vi<strong>des</strong> qui créent <strong>des</strong> cellules de convection favorisant l'évacuation de l'air chaud en hiver», précise Guy Doré. L'autre technique consiste à insérer un écran drainant fait de deux membranes géotextiles séparées par de petits cônes en polymères, un pro<strong>du</strong>it utihsé habituellement pour le drainage. Judicieusement positionné, l'écran permet cette fois d'évacuer l'air chaud grâce à un effet de cheminée, tandis que l'air froid entre par l'autre extrémité. Au Nunavik, les pistes d'atterrissage ne sont pas pavées, mais gravelées. L'absence de revêtement bitumineux est un avantage dont les chemins d'accès, pavés, ne bénéficient pas. En effet, la couleur foncée de l'asphalte ne fait qu'accentuer les effets <strong>du</strong> réchauffement sur le pergélisol par sa grande capacité à capter la chaleur. « Nous expérimentons <strong>des</strong> surfaces claires qui vont réfléchir une grande partie de la radiation solaire », nous dit Guy Doré. L'idée vient de l'aviation américaine, qui a peint en blanc Des normes et <strong>des</strong> bonnes pratiques en préparation Outre la stratégie d'adaptation <strong>du</strong> ministère <strong>des</strong> Transports <strong>du</strong> <strong>Québec</strong>, deux autres documents devraient contribuer d'ici la fin de <strong>2010</strong> à mieux orienter et encadrer les pratiques <strong>du</strong> génie dans le Grand Nord. • L'Association <strong>des</strong> transports <strong>du</strong> Canada prépare un guide <strong>des</strong> bonnes pratiques pour le développement et la gestion <strong>des</strong> infrastructures de transport sur le pergéhsol, document auquel collaborent plusieurs chercheurs, dont l'ingénieur Guy Doré. • L'Association canadienne de normalisation (ACNOR) élabore <strong>des</strong> normes pour l'aménagement <strong>des</strong> villages. la piste de son aéroport de Thulé, au Groenland, il y a une trentaine d'années. « Ça fonctionne très bien pour préserver le remblai, remarque Guy Doré, mais il faut repeindre tous les trois ans, sans oubher que la peinture rend la piste un peu glissante. » Il existe toutefois <strong>des</strong> bitumes colorés de conception européenne <strong>des</strong>tinés d'abord aux aménagements architecturaux pour l'agencement <strong>des</strong> couleurs et qui ré<strong>du</strong>isent l'effet d'îlots de chaleur qui se crée dans les villes. «Nous essayons d'adapter cette technologie à la pro<strong>du</strong>ction à prix abordable de bitumes clairs pour les routes nordiques », mentionne Guy Doré. Une expérience a été réalisée à Dawson City avec un pavage importé de France, à un coût prohibitif. Mieux comprendre le comportement <strong>du</strong> pergéhsol en période de changement climatique et imaginer <strong>des</strong> solutions pour s'adapter aux nouvelles conditions ne représente pas une mince tâche. Dans un contexte où le Canada est de plus en plus soucieux d'affirmer sa présence dans l'Arctique canadien, il est certain que les <strong>ingénieurs</strong> apporteront leur contribution. « Et il y a de beaux défis à relever pour eux », conclut Richard Fortier. • Le Nord, voie de l'avenir Au milieu <strong>du</strong> XIX e siècle, la conquête de l'ouest <strong>des</strong> États-Unis battait son plein. John Soûle, un éditorialiste américain, appelait alors ses jeunes compatriotes à migrer vers cette nouvelle frontière et à profiter <strong>des</strong> occasions offertes par la croissance économique. « Go West, young man, and grow up with the country», avait-il écrit à l'époque. Au cours <strong>des</strong> prochaines années, le Grand Nord pourrait bien représenter une de ces <strong>des</strong>tinations porteuses d'avenir, la chaleur en moins ! « Il faudra une nouvelle génération d'<strong>ingénieurs</strong> capables de comprendre le pergélisol», estime Michel Allard, qui souhaite également que la formation en génie comporte <strong>des</strong> cours sur le milieu nordique. L'ingénieur Richard Fortier s'inquiète <strong>du</strong> peu d'expertise actuelle en génie appliqué aux conditions <strong>du</strong> Grand Nord. « Il n'est pas possible d'appliquer les métho<strong>des</strong> <strong>du</strong> Sud au contexte nordique sans faire une mise à niveau, soutient-il. Il faut que les <strong>ingénieurs</strong> soient sensibilisés aux conditions différentes qui existent dans le Nord. » Déjà peu nombreux, les <strong>ingénieurs</strong> qui répondent à ce dernier critère ne restent pas dans les territoires nordiques aussi longtemps qu'il le faudrait. « Il y a une rotation <strong>du</strong> personnel plus importante dans le Nord, remarque Richard Fortier. Lorsque les gens quittent la région sans préparer leur relève, il y a une perte d'expertise importante à un moment où nous en avons besoin plus que jamais. » <strong>PLAN</strong> : FÉVRIER-MARS <strong>2010</strong> : : 28
h ï f RECHERCHONS: INGÉNIEURS « Mon métier est en constante évolution mais heureusement, j'ai été entraînée pour faire face à ['inatten<strong>du</strong>. En une seule journée, je peux effectuer la mise à niveau de nos technologies, résoudre une variété de problèmes ou même réparer de la machinerie lourde. » Lieutenant de vaisseau AMY O'RIELLY WANTED: ENGINEERS "My job is constantly evolving, but I was given the training to deal with whatever comes my way. Updating our technology, repairing heavy machinery, solving problems. It's all in a day's work." Lieutenant (Navy) AMY O'RIELLY F O R C E S . C A COMBATTEZ AVEC LES FORCES CANADIENNES t/W 1-800-856-8488 FIGHT WITH THE CANADIAN FORCES Canada