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Octobre 2010 - La Scena Musicale

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SPÉCIAL ORGUE<br />

L’ORGUE au QUÉBEC<br />

UNE INTRODUCTION<br />

Hellmuth Wolff<br />

Comme presque partout dans le<br />

monde, le développement de<br />

l’orgue est assujetti à l’histoire du<br />

pays où il se trouve. Au début de<br />

la colonie, la population de la<br />

Nouvelle-France était clairsemée, mais on y<br />

construit un certain nombre d’églises et de chapelles.<br />

Les orgues étaient rares et seules les villes<br />

de Québec et de Montréal en possédaient.<br />

Après la conquête de la colonie française<br />

par les Anglais (1760), la population augmente<br />

avec la venue de colons de<br />

l’Angleterre. Les églises paroissiales font venir<br />

des orgues de l’Angleterre. Ainsi Thomas<br />

Elliott expédie vers 1802 deux orgues à<br />

Québec, suivis en 1816 d’un autre pour la<br />

Christ Church de Montréal, et les fait ériger<br />

par William Goodrich de Boston. Samuel<br />

Russell Warren, un de ses collègues de la<br />

Nouvelle-Angleterre, débarque deux décennies<br />

plus tard à Montréal où il devient le premier<br />

facteur d’orgues industriel. Son apprenti<br />

et futur rival, Louis Mitchell, deviendra un<br />

autre pionnier du 19 e siècle.<br />

Avec l’élargissement de l’orgue Elliott de<br />

Québec, Mitchell se bâtit une réputation,<br />

mais il s’élève de façon déloyale contre<br />

Samuel Warren, son mentor.<br />

Vers la fin du 19 e siècle, l’hégémonie de<br />

Warren et de Mitchell cédera sa place à la<br />

compagnie Casavant. Comme Louis<br />

Mitchell, Joseph Casavant (né 1807) a aussi<br />

étudié au collège de Sainte-Thérèse. Joseph<br />

construit quelques modestes instruments,<br />

<strong>La</strong>uréat du prix Opus «Reconnaissance à<br />

un facteur d’instruments» de l’année 2008<br />

à 2009, Hellmuth Wolff est l’un des<br />

grands artisans du renouveau de l’orgue en<br />

Amérique du Nord. Originaire de Zurich,<br />

en Suisse, Wolff a appris les ficelles du<br />

métier chez Metzler & Söhne (Suisse),<br />

Gérard de Graaf (Hollande), Rieger<br />

(Autriche), Otto Hofmann et Charles Fisk<br />

(États-Unis). En 1963, Wolff s’est établi au<br />

Québec et il a dirigé le tout nouveau<br />

département d’orgues mécaniques de<br />

Casavant Frères. Après quelques autres collaborations,<br />

Wolff a fondé son propre atelier<br />

en 1968. Sa firme a construit une cinquantaine<br />

d’instruments pour divers<br />

clients en Amérique du nord. Au Canada,<br />

on peut voir ses grandes créations à la salle<br />

Redpath de l’Université McGill, à la chapelle<br />

du Knox College de l’Université de<br />

Toronto ou à la cathédrale Christ Church<br />

de Victoria. www.orgelwolff.com -Crystal Chan<br />

L’« OPUS MAGNUM » DE HELLMUTH WOLFF : opus 47,<br />

cathédrale Christ Church de Victoria (2005)<br />

mais il était trop vieux pour passer le métier<br />

à ses fils Claver et Samuel. Après un voyage<br />

d’études en Europe (1879), ils forment la<br />

compagnie Casavant Frères dans l’ancien atelier<br />

de leur père à Saint-Hyacinthe.<br />

<strong>La</strong> concurrence de Mitchell se termine<br />

avec la fermeture de son atelier, tandis que<br />

celle de Warren & Fils, établi depuis 1878 à<br />

Toronto, n’est plus à craindre. Ainsi, la compagnie<br />

Casavant Frères a exercé jusqu’aux<br />

années 1960 un monopole au Canada. <strong>La</strong><br />

nature de leurs instruments change au détriment<br />

de l’orientation française des premiers<br />

instruments. On prône la spécialisation et la<br />

production massive.<br />

Les décennies qui ont suivi la mort des<br />

frères Casavant (Samuel, 1929, Claver,<br />

1933) et la grande crise économique furent<br />

difficiles. Après avoir été éclipsé lors de la<br />

construction de l’orgue de l’Oratoire Saint-<br />

Joseph à Montréal, il était temps de se poser<br />

des questions. Un nouveau PDG engagea<br />

<strong>La</strong>wrence Phelps de Boston comme directeur<br />

artistique. Privilégiant les instruments aux<br />

sonorités plus claires, il embaucha Karl<br />

Wilhelm en 1960 pour ouvrir un département<br />

d’orgues mécaniques.<br />

Trois ans plus tard, l’auteur de ces lignes<br />

rejoint l’équipe Wilhelm. Ensemble, nous<br />

allions construire en peu de temps un<br />

nombre d’instruments intéressants pour une<br />

nouvelle clientèle. Cependant, on ne peut<br />

pas parler d’une percée victorieuse de l’orgue<br />

mécanique, car, contrairement aux livraisons<br />

sporadiques de notre département, on chargeait<br />

chez Casavant un camion par semaine<br />

avec un orgue électro-pneumatique! Après<br />

six ans, Karl Wilhelm quitte la société<br />

Casavant pour fonder sa propre firme.<br />

Depuis 1972, Gerhard Brunzema, nouveau<br />

directeur artistique de la société, a<br />

donné aux instruments une nouvelle impulsion,<br />

plus germanique, mais sept ans plus<br />

tard, il se met à son compte, comme ses prédécesseurs.<br />

Un nouveau vent commence à<br />

souffler, cette fois initié par le Français Jean-<br />

Louis Coignet. Le retour à la base originale<br />

française de la compagnie était de bon augure,<br />

et cette orientation se poursuit avec succès<br />

par les dirigeants actuels.<br />

Nous avons évoqué la commande de<br />

l’Oratoire Saint-Joseph de Montréal qui a<br />

échappé à la maison Casavant. C’était déjà le<br />

deuxième orgue que Rudolf von Beckerath<br />

avait livré de son atelier de Hambourg à<br />

Montréal. Un an plus tôt, en 1959, il avait<br />

construit un orgue qui allait devenir le premier<br />

orgue mécanique moderne d’envergure<br />

au Canada, pour la Queen Mary Road<br />

United Church. Un troisième orgue, celui de<br />

l’église de l’Immaculée-Conception, également<br />

impressionnant, suit l’orgue monumental<br />

de l’Oratoire. Un son jusqu’alors<br />

inouï sert maintenant à l’interprétation des<br />

œuvres de Bach et d’autres maîtres baroques.<br />

De pair avec Boston et Seattle (grâce à<br />

l’orgue Flentrop de 1965 à la cathédrale<br />

Saint-Marc et l’établissement d’excellents<br />

artisans dans les environs), Montréal est<br />

devenu un haut lieu de la réforme de l’orgue,<br />

réforme qui s’étend dans les années suivantes<br />

sur l’ensemble du continent. L’enthousiasme<br />

d’une génération d’organistes a depuis ouvert<br />

la voie à une nouvelle génération de facteurs<br />

d’orgues au Québec et des instruments<br />

authentiques pour l’exécution de la musique<br />

baroque française ou allemande ont vu le<br />

jour. Parmi ceux-ci, j’inclus mes collègues<br />

Karl Wilhelm, Guy Thérien et Fernand<br />

Létourneau qui, tout comme moi, ont eu la<br />

chance de pouvoir enrichir le patrimoine<br />

organistique de Montréal. ■<br />

»L’Encyclopédie canadienne de la musique (voir sur Internet)<br />

contient une bibliographie et plus d’information sur l’histoire<br />

de l’orgue au Canada et ses facteurs, en français et en anglais<br />

» <strong>La</strong> page de Robert Poliquin donne des renseignements précieux<br />

: www.uquebec.ca/musique/orgues/facteurs.html<br />

» Ceci est le résume d’un article paru en mai <strong>2010</strong> à l’ISO Journal<br />

14 OCTOBRE <strong>2010</strong> OCTOBER

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