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Dorade<br />

Dorade<br />

France, semestriel, 148 p., n° 1,<br />

235 x 300 mm, 17 euros.<br />

Directeurs de création :<br />

Philippe Jarrigeon, Sylvain Menétrey.<br />

Design : Emmanuel Crivelli<br />

Editeur : Dorade<br />

dorademagazine.com<br />

On peut avoir été baptisé d’un nom<br />

de poisson et être un caprice. Dorade,<br />

«revue galante, photographie et formes<br />

critiques » procède d’un habile équilibre,<br />

alternant portfolios et textes,<br />

dont l’absurde ne reste jamais étranger<br />

très longtemps. Dorade est une<br />

affaire de couples : déférence et impertinence,<br />

référence et pieds dans le plat,<br />

grâce et prout. Il y a aussi la question<br />

du masculin et du féminin, dont les<br />

frontières ne cessent de se déplacer,<br />

pour se poser là où on ne les attendait<br />

pas. Côté textes, le magazine n’est pas<br />

avare : une quinzaine de propositions,<br />

en français, variant les formes, récit ou<br />

essai, balayant les champs du cinéma,<br />

des années 60, de l’art ou de la cosmétique.<br />

Ce premier numéro consacré<br />

aux débuts envisage les questions<br />

de la première pierre, du premier soir,<br />

du primitif dans l’art suisse ; on y croisera<br />

Fichli & Weiss, Natacha Lesueur,<br />

Henri Chapier et même Yoann Gourcuff.<br />

Côté graphisme, on notera une<br />

gestion inhabituelle du blanc, une raréfaction<br />

des marges et une composition<br />

des pages de texte plus proche d’un<br />

tableau de Mondrian que d’une façade<br />

d’immeuble moderne. Sans indication,<br />

on penserait presque davantage<br />

aux Pays-Bas qu’à la Suisse, dont Philippe<br />

Jarrigeon et Sylvain Menétrey<br />

nous arrivent. L’affaire de Dorade<br />

n’est pas simple : un intérêt pour la<br />

mode teinté d’irrévérence, des références<br />

artistiques très présentes et des<br />

choses à dire qui virent à l’absurde ; en<br />

tout cas, un cocktail inhabituel dans<br />

nos contrées.<br />

Extrait<br />

Ne jetez pas la première pierre<br />

Comme on l’a appris à l’école, la pierre<br />

est le premier outil de l’homme, celui<br />

qui lui a permis de chasser, de manger,<br />

de s’abriter et certainement bien<br />

d’autres choses encore. Avec le temps,<br />

la pierre est devenue un matériau indifférent.<br />

Il ne signifie rien en architecture<br />

où l’on parle depuis Le Corbusier<br />

de béton, de verre et d’acier. Et il<br />

ne viendrait à l’idée de personne de<br />

chasser ou de découper de la viande<br />

avec une pierre tranchante alors qu’on<br />

peut acheter de très bons couteaux et<br />

fusils à l’armurerie du coin. Tout au<br />

plus conseille-t-on dans les magazines<br />

d’investissement de placer sa fortune<br />

«dans la pierre», une façon de parler<br />

d’immobilier selon l’idée rassurante du<br />

roc solide et inerte, alors qu’il s’agit bel<br />

et bien d’un marché et donc d’un risque<br />

potentiel.<br />

Mais bien qu’imprécise, pas rare et<br />

anachronique («On n’est plus à l’âge<br />

de pierre que je sache !», me disait ma<br />

mère quand je me chamaillais avec des<br />

camarades d’école), la persistance d’on<br />

ne sait quelle coutume cromagnone,<br />

doublée d’un instinct grégaire pousse<br />

les notables locaux à se retrouver autour<br />

d’une pierre—et d’un verre—pour<br />

la célébrer comme s’il s’agissait d’un<br />

matériau ou d’une substance aussi vitale<br />

que le pétrole dont nous allons bientôt<br />

manquer.<br />

Dans une ambiance de kermesse,<br />

les cérémonies de pose de première<br />

pierre sont de véritables épisodes de<br />

comédies humaines. Tout se passe en<br />

deux temps, généralement entre un<br />

chapiteau dressé pour l’occasion où<br />

l’on prononce les discours et le champ<br />

boueux où la pierre est déposée.<br />

Rituels de politique locale qui<br />

rythment le calendrier d’une région,<br />

ces cérémonies sont fréquentes.<br />

Aux moindres bâtiments religieux,<br />

travaux publics et complexes industriels<br />

d’importance, on dresse le chapiteau<br />

dans la gadoue. Son origine remonte<br />

au Moyen Âge, c’était alors un<br />

rituel purement religieux. On avait<br />

l’habitude de tracer une croix sur la<br />

première pierre. L’évêque faisait le tour<br />

du périmètre du chantier en dispersant<br />

de l’eau bénite pour marquer le territoire<br />

divin.<br />

[…] Sylvain Menétrey, p. 48<br />

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