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Le droit fait la place à l’expression de l’<strong>enfant</strong> en justice<br />

qu’ils entendront ce qu’il a à dire, ses souhaits, ses craintes,<br />

mais que ce sont eux les magistrats qui prendront la décision<br />

finale. Le juge en effet « prend en considération » les sentiments<br />

de l’<strong>enfant</strong> mais n’a aucune obligation à s’y conformer.<br />

Face à lui, certains écoutent sa demande et son point de vue,<br />

posent quelques questions complémentaires pour la préciser et<br />

la motiver. D’autres s’attachent davantage à la vie familiale et<br />

au déroulement du quotidien. « Il y a, explique un magistrat qui<br />

exerça longtemps à ce poste, une façon d’entendre l’<strong>enfant</strong> : se<br />

mettre à sa portée, par le langage, par les questions posées. Lui<br />

demander comment il peut vivre sa vie quotidienne, comment<br />

il se sent, s’il a des amis, des activités extérieures à l’école,<br />

pourquoi il ne veut pas voir l’autre parent. 71 » Tout en se gardant<br />

de tomber dans le piège de « l’interrogatoire ». Dans tous les<br />

cas il s’agit de rassurer l’<strong>enfant</strong> sur le fait qu’il ne porte pas de<br />

responsabilité dans les choix et la décision du magistrat, même<br />

si celle-ci peut déplaire à un parent.<br />

Que devient la parole de l’<strong>enfant</strong> ? Si quelques magistrats ne<br />

rédigent pas d’écrit et indiquent seulement que le mineur a<br />

été entendu, le décret relatif à l’audition de l’<strong>enfant</strong> en justice<br />

stipule que « dans le respect de son intérêt il est fait un compterendu<br />

72 ». Ce type de compte-rendu diffère d’un procès-verbal.<br />

L’<strong>enfant</strong>, en principe, s’exprime avec liberté devant le juge aux<br />

affaires familiales. Dans certaines séparations, en particulier<br />

celles qui sont fortement conflictuelles, on peut craindre que<br />

la connaissance qu’ont les parents des propos et sentiments de<br />

l’<strong>enfant</strong> ne lui soit préjudiciable. Sa liberté de parole, son droit<br />

d’expression se retourneraient alors contre lui. En même temps,<br />

il est nécessaire de respecter le principe du contradictoire ; un<br />

équilibre est donc à trouver entre ce qui est dit, transcrit et ce<br />

qui peut en être tiré par les parties, afin d’assurer protection<br />

de l’<strong>enfant</strong> et principe du contradictoire.<br />

Ce compte rendu reflète les sentiments exprimés par l’<strong>enfant</strong><br />

mais « évitera de reproduire d’éventuels débordements intempestifs<br />

concernant notamment les griefs invoqués par les époux<br />

dans le cadre de leur procédure 73 ». Cette préoccupation de la<br />

protection de l’<strong>enfant</strong> est commune chez les juges aux affaires<br />

familiales. Le plus couramment ceux-ci rédigent un compterendu<br />

dans lequel certaines informations sont filtrées afin<br />

de protéger l’<strong>enfant</strong>, qui, parfois n’est pas cité directement.<br />

Cette rédaction a lieu en présence de l’<strong>enfant</strong> et de son avocat<br />

lorsqu’il en a un. L’<strong>enfant</strong> ne le signe pas toujours. Ce compte<br />

rendu est consultable au tribunal ; il arrive que le juge aux<br />

affaires familiales en fasse une restitution orale aux parents,<br />

une manière d’éviter que le ou les parents imaginent les propos<br />

tenus et, sans les connaître, en tiennent rigueur à leur <strong>enfant</strong>.<br />

Il est vrai que selon leur âge, leur personnalité, le contexte de<br />

leur vie et de la séparation des parents tous les <strong>enfant</strong>s ne<br />

réagissent pas de la même manière à l’audition et à ses suites.<br />

Quant aux familles, découvrir les souhaits de leur <strong>enfant</strong>, la<br />

façon dont il s’exprime les conduit, en quelques occasions, à<br />

modifier leur point de vue et à renoncer à certaines demandes.<br />

Entre respect du droit de l’<strong>enfant</strong> et souci de sa protection,<br />

risque du poids du secret, nécessité de respecter le contradictoire,<br />

les pratiques, certes garantes du droit, doivent conserver<br />

une marge d’adaptation.<br />

L’<strong>enfant</strong> témoin est entendu<br />

« hors garanties procédurales »<br />

Lorsque l’<strong>enfant</strong> est témoin dans une procédure il n’est pas<br />

suffisamment considéré comme un <strong>enfant</strong>. Cette situation est<br />

particulièrement évidente dans une procédure pénale. La position<br />

ambigüe qu’il occupe : ni victime, ni auteur, le manque de<br />

dispositions spécifiant les droits du mineur témoin, risque de<br />

faire oublier aux magistrats et aux policiers, comme au législateur,<br />

que ce témoin d’une infraction est un mineur à considérer<br />

et protéger comme tel.<br />

La Défenseure des <strong>enfant</strong>s puis le Défenseur des droits ont<br />

été saisis de la situation d’une fillette de 11 ans qui avait été<br />

le témoin visuel d’un meurtre très violent. Alors qu’elle était<br />

entendue pour la troisième fois par des enquêteurs à chaque<br />

fois différents, sa mère a sollicité des conseils et de l’aide auprès<br />

du Défenseur des <strong>enfant</strong>s car elle s’inquiétait des éventuelles<br />

répercussions sur la santé psychologique de sa fille de ces actes<br />

successifs de procédure pénale, aussi bien ceux passés que ceux<br />

à venir : audition, confrontation, reconstitution, témoignage<br />

aux assises…<br />

Les enquêteurs ne semblaient pas partager ses inquiétudes. Ils<br />

évoquaient même une éventuelle comparution de l’<strong>enfant</strong> aux<br />

assises. La mère ajoutait qu’on lui aurait laissé entendre que<br />

toute réticence de sa part à faire témoigner l’<strong>enfant</strong> pourrait<br />

être constitutive d’une infraction à la loi pénale.<br />

La Défenseure des <strong>enfant</strong>s a adressé à cette mère un courrier<br />

formulant des préconisations quant à la procédure à suivre.<br />

Celles-ci ont permis à l’<strong>enfant</strong> de ne pas être présente ni à la<br />

reconstitution ni au procès en assises où son témoignage a été<br />

lu par un officier de police. La mère a également reçu le conseil<br />

de consulter un psychologue pour sa fille.<br />

71. Entretien avec Odile Barral<br />

72. Décret no 2009-572 du 20 mai 2009 relatif à l’audition de l’<strong>enfant</strong> en justice<br />

73. Entretien avec Daniel Pical<br />

41 | Rapport <strong>2013</strong> consacré aux droits de l’<strong>enfant</strong>

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