03.05.2015 Views

Halal : enquête au cœur d'un incroyable business - IPM

Halal : enquête au cœur d'un incroyable business - IPM

Halal : enquête au cœur d'un incroyable business - IPM

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

2 ENQUÊTE LE BUSINESS DU HALLAL<br />

Le halal, un art de vivre<br />

Le halal est devenu<br />

un marché très juteux<br />

dont les entreprises<br />

belges espèrent<br />

d’importantes retombées<br />

BRUXELLES Le marché du halal<br />

en Belgique, et en Wallonie tout<br />

particulièrement, est extrêmement<br />

prometteur. L’exportation<br />

vers les pays musulmans a considérablement<br />

<strong>au</strong>gmenté ces<br />

dernières années, d’<strong>au</strong>tant que<br />

les certifications se sont multipliées.<br />

Toutes ne semblent cependant<br />

pas offrir les garanties<br />

indispensables.<br />

Un rapide petit tour d’horizon<br />

des abattoirs belges nous<br />

laisse perplexe. Lorsqu’on évoque<br />

la nécessité de certificats<br />

halal, un abattoir sur deux nous<br />

assure être contrôlé par un organisme<br />

français. En réalité, ils<br />

paient pour obtenir des certificats<br />

vierges et cachetés qu’ils<br />

remplissent en fonction des<br />

quantités demandées par le<br />

client, mais les contrôles sont<br />

plus qu’épisodiques, pour ne<br />

pas dire inexistants.<br />

Difficile, dès lors, d’estimer<br />

<strong>au</strong> plus juste la proportion de<br />

viande halal sur le marché. En<br />

revanche, en ce qui concerne la<br />

viande de mouton, près de la<br />

moitié de la consommation<br />

belge serait issue d’abattoirs appliquant<br />

le rite musulman.<br />

La raison est assez simple<br />

puisque la moitié des moutons<br />

et agne<strong>au</strong>x vendus en Belgique<br />

provient de Nouvelle-Zélande,<br />

où ils sont quasi tous abattus selon<br />

le principe halal en raison<br />

de l’importance des exportations<br />

vers le Moyen-Orient.<br />

POUR LES AUTRES VIANDES, les<br />

fr<strong>au</strong>des sont nombreuses, témoignant<br />

de l’importance de<br />

ce marché de niche. “Le halal<br />

est cinq fois plus important que le<br />

bio en termes de chiffre d’affaires<br />

potentiel, mais ce marché compte<br />

dix fois moins de joueurs”, explique<br />

Bruno Bernard, consultant<br />

pour Beci (Brussels entreprises<br />

commerce and industry). Rien<br />

que le marché domestique représente<br />

un enjeu de taille, avec<br />

pas moins de 600.000<br />

musulmans.<br />

Mais c’est surtout<br />

à l’exportation que<br />

les entreprises<br />

ont une carte<br />

importante à jouer. L’an dernier,<br />

les exportations ont explosé<br />

vers les pays comme l’Iran, le<br />

Koweït ou le Qatar, atteignant<br />

jusqu’à 441 % !<br />

L’entreprise Colona,<br />

fabricant de s<strong>au</strong>ces à<br />

Waremme, réalise<br />

ainsi 90 % de son<br />

chiffre d’affaires<br />

à l’exportation<br />

et a vendu<br />

pour 1 million d’euros de ketchup<br />

halal.<br />

En Belgique, on reste cependant<br />

encore assez frileux. Pour<br />

Bruno Bernard, “on a même déjà<br />

un train de retard”, alors que le<br />

marché du halal représente<br />

plus de 150 milliards de dollars<br />

dans le monde et qu’on estime<br />

que la Belgique pourrait se<br />

tailler une part du gâte<strong>au</strong> à h<strong>au</strong>teur<br />

de 5 milliards.<br />

EN FRANCE, les supermarchés<br />

n’hésitent plus à mettre en<br />

avant leur gamme halal. Les<br />

grandes enseignes préparent<br />

d’ailleurs un folder spécial ramadan,<br />

Casino a sorti une<br />

marque propre de produits<br />

Les produits et le marché halal<br />

sont en plein essor;<br />

malheureusement, les<br />

entreprises belges sont en<br />

retard.<br />

Le secteur souffre de certaines pratiqu<br />

Bruno Bernard,<br />

consultant pour Beci,<br />

livre quelques clés<br />

pour comprendre le halal<br />

BRUXELLES Bruno Bernard est<br />

co<strong>au</strong>teur de l’ouvrage Comprendre<br />

le halal (<strong>au</strong>x côtés de Florence<br />

Berge<strong>au</strong>d-Blackler), expert en<br />

commerce international et à<br />

l’origine de la certification halal<br />

de Beci, seule certification européenne<br />

reconnue dans le<br />

monde. Pour lui, le marché halal<br />

est désormais incontournable,<br />

même s’il regrette que la Belgique<br />

ait, une fois de plus, un train<br />

de retard…<br />

Le halal est-il devenu un enjeu<br />

économique incontournable, que<br />

ce soit sur le marché domestique<br />

ou à l’exportation ?<br />

“Dans certains pays, si l’on ne<br />

vend pas des produits labellisés halal,<br />

il ne f<strong>au</strong>t pas espérer vendre<br />

quoi que ce soit. Sur le marché domestique<br />

également, le public cible<br />

des produits halal est en permanente<br />

croissance et ne pas en prendre<br />

conscience est une grave erreur<br />

de stratégie commerciale.<br />

À l’exportation, le halal est devenu<br />

un véritable argument de<br />

vente également. Malheureusement,<br />

on a, une fois de plus, un train de retard<br />

en Belgique. On ne semble pas<br />

en percevoir l’intérêt, même si la volonté<br />

n’est pas forcément absente.”<br />

Est-ce à dire qu’une entreprise<br />

qui ne ferait pas labelliser ses<br />

produits pour répondre <strong>au</strong>x critères<br />

halal se ferme des portes ?<br />

“Assurément ! Dans certains<br />

centres de réfugiés, où la population<br />

musulmane est majoritaire,<br />

n’espérez pas vendre un pot de confiture<br />

s’il n’est pas halal.<br />

Comme dans les administrations,<br />

où 10 % du café doit répondre<br />

<strong>au</strong>x critères du commerce équitable,<br />

les produits halal sont devenus<br />

incontournables. Il suffit<br />

de jeter un œil <strong>au</strong>x prisons, occupées<br />

par 80 % de musulmans,<br />

pour comprendre qu’il<br />

n’est pas concevable de leur servir<br />

du porc, pour ne citer<br />

qu’un exemple frappant.”<br />

Pour vendre<br />

des produits<br />

halal, il f<strong>au</strong>t<br />

une labellisation.<br />

Sont-elles<br />

toutes fiables<br />

?<br />

“J’ai décidé<br />

de collaborer<br />

avec<br />

Beci pour mettre<br />

sur pied un<br />

certificat breveté,<br />

car <strong>au</strong>cun organisme<br />

public<br />

n’avait décidé<br />

de le faire. À<br />

côté de cela,<br />

n’ayons pas<br />

peur des mots,<br />

il y a certains<br />

bandits qui certifieraient<br />

que votre<br />

grand-mère vient d’un<br />

kiboutz si vous allongez 20.000 €.<br />

La certification que je délivre coûte<br />

1.500 € par lieu de production pour<br />

une durée d’un an. Si nous ne faisons<br />

pas dans le bénévolat, ces<br />

1.500 € servent uniquement à couvrir<br />

les frais liés à la certification, à<br />

savoir le billet d’avion pour l’imam,<br />

le logement, l’<strong>au</strong>dit réalisé<br />

<strong>au</strong> préalable. Une fois<br />

ces frais payés, il ne<br />

reste plus rien car<br />

nous ne sommes pas<br />

là pour nous enrichir.”<br />

D.R.<br />

Bruno<br />

Bernard,<br />

co<strong>au</strong>teur du<br />

livre Comprendre<br />

le halal.<br />

D’<strong>au</strong>tres le font ?<br />

“Il ne m’appartient<br />

pas de regarder dans l’assiette<br />

des voisins. Ce que je sais,<br />

c’est que notre procédure ne laisse<br />

rien <strong>au</strong> hasard et que s’il y a tricherie,<br />

le demandeur est rayé de nos<br />

tablettes pour une période de 5<br />

ans. Tout ce que je peux dire, c’est<br />

qu’en établissant des certifications<br />

à 1.500 €, je ne me suis pas attiré<br />

que des amis.<br />

Certains certificateurs<br />

en profitent pour<br />

financer le terrorisme<br />

D’ailleurs, à la suite de la présentation<br />

officielle de notre procédure,<br />

j’ai reçu un appel anonyme d’un organisme<br />

certificateur qui m’accusait<br />

de casser le marché. Lorsque je<br />

lui ai répondu que, selon le Coran,<br />

il était interdit de gagner de l’argent<br />

sur ce principe, il m’a rétorqué<br />

que 15.000 € des 20.000 € qu’il demandait<br />

pour une certification<br />

étaient envoyés en Afghanistan<br />

pour défendre la c<strong>au</strong>se. Cela m’a<br />

choqué et quand je lui ai fait observer<br />

que cela contribuait <strong>au</strong> racket<br />

destiné à financer des armes servant<br />

à tuer nos militaires engagés<br />

dans la guerre contre le terrorisme,<br />

il m’a répondu que je ne pouvais<br />

pas délivrer de certificats car je ne<br />

suis pas musulman… À côté de<br />

cela, je dois cependant reconnaître<br />

que de nombreux organismes effectuent<br />

très bien leur travail.”<br />

Lorsqu’on parle de certification<br />

halal, on pense immédiatement<br />

à la viande. Selon certaines estimations,<br />

50 % de la viande vendue<br />

en Belgique serait halal. Une<br />

estimation pl<strong>au</strong>sible ?<br />

“Tout dépend de la définition<br />

qu’on donne <strong>au</strong> halal. Beci ne certifiera,<br />

par exemple, jamais une boucherie<br />

de quartier. La vocation de<br />

notre certification est de faciliter le<br />

commerce et l’exportation. Elle répond<br />

à un processus très strict et,<br />

en cas de doute, on refuse la certification.<br />

L’industrialisation est un incontournable<br />

du commerce à<br />

l’heure actuelle. À ce titre, on refusera<br />

<strong>au</strong>ssi le label à une chaîne<br />

d’abattage de poulets car c’est trop<br />

compliqué. Élevés sans voir la lumière,<br />

les poulets sont stressés et<br />

8 % des volailles arrivent mortes à<br />

l’abattage, victimes de crises cardiaques.<br />

Par rapport <strong>au</strong> Coran, il<br />

est interdit de manger un animal<br />

mort avant l’abattage rituel, ce qui<br />

nous empêche légalement de certifier<br />

ce genre d’abattoirs. Pourtant,<br />

ces poulets sont vendus dans le<br />

commerce comme de la viande halal.<br />

Cela ne m’étonne donc pas<br />

qu’on estime que la moitié de la<br />

viande qu’on prétend halal ne le<br />

soit pas réellement, sans pour<br />

<strong>au</strong>tant qu’elle soit vendue comme<br />

tel de manière malhonnête.”<br />

Au-delà de la viande, bien<br />

d’<strong>au</strong>tres produits sont estampillés<br />

halal. N’est-ce pas un peu<br />

farfelu quand on sait qu’on va<br />

jusqu’à labelliser de l’e<strong>au</strong> ou le<br />

coca ?<br />

“Pas du tout. Le halal est un véritable<br />

mode de vie, <strong>au</strong> même titre<br />

que le bio. Pour certains, les produits<br />

bio se résument à deux trois<br />

www.dhPbe I MERCREDI 4 AOÛT 2010 I LA DERNIÈRE HEURE - LES SPORTS<br />

© S.A. <strong>IPM</strong> 2010. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans <strong>au</strong>torisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!