Halal : enquête au cœur d'un incroyable business - IPM

4 ENQUÊTE LE BUSINESS DU HALAL
Charcuterie, bière
et cosmétiques
D.R.
Un champagne qui
Vivre halal à 100 %
est désormais possible
BRUXELLES On trouve quasiment
de tout estampillé halal.
De la viande, bien sûr, mais parfois
des produits nettement
plus étonnants. De manière générale,
une alimentation halal
est qualifiée de propre au sens
où elle répond aux principes
coraniques (par opposition à
ce qui est haram ou péché).
Le poisson est le seul aliment
naturellement halal. Pour
tous les autres animaux,
l’abattage doit être réalisé
selon un rituel
bien précis, le porc
étant quant à lui
de toute manière
haram.
Véritable
art de vivre,
l’halalisation
de nombreux produits est
aujourd’hui monnaie courante.
Et les produits qu’on
peut trouver dans le commerce
sont parfois surprenants.
L’ALCOOL ET LE PORC étant interdits,
on trouve aujourd’hui
des champagnes ou des bières
halal (ne contenant naturellement
pas d’alcool) ainsi que
des charcuteries telles que du
saucisson ou du jambon… de
poisson.
Attention, car une infime présence
de substance haram
suffit à bannir un
produit. Ainsi,
le Red Bull
n’est pas
autorisé
car contenant
des extraits
de taurine.
Pas de
problème, le
X35 Energy
Drink existe, à
base de graine de
nigelle comme
substitut.
PAREIL POUR les
bonbons, confectionnés
à base gélatine porcine,
qui ont contraint jusqu’à
Haribo à proposer des recettes
alternatives. Nourriture
pour bébé, bouillons cubes, sodas…
Rayon alimentation, on
trouve de tout estampillé halal.
Mais dans la catégorie non
food, il y a de quoi faire son
marché également. Un shampoing
sans composants animaliers
par-ci, du maquillage sans
alcool par-là et même de la
nourriture pour chats, lancée
par un fabricant indonésien visiblement
inquiet pour la spiritualité
des animaux de compagnie.
V. S.
Le certificat obtenu
par la société belge
Night Orient lui a
ouvert les portes des
marchés du Golfe et
fait exploser son
chiffre d’affaires.
BRUXELLES Ça ressemble à du
champagne, ça a la couleur du
champagne, mais ce n’est pas
du champagne. Du Champomy ?
Presque ! En fait, rien de plus
qu’un jus de raisin gazéifié, vendu
dans un packaging ressemblant
à s’y méprendre au champagne,
le tout certifié halal.
Le but de la manœuvre est
clair, rien moins que conquérir
les marchés musulmans où les
boissons alcoolisées sont bannies
mais où l’on n’en aime pas
moins faire la fête.
Le Night Orient est l’exemple
type de l’impact du marketing
ÉDITO
PAR VINCENT SCHMIDT
Ce n’est pas l’hallali
N’en déplaise à certains, si le halal est un art de vivre, il est vrai
fortement guidé par la question spirituelle, il est aussi devenu
un phénomène marketing, un véritable argument de vente
dont les industriels auraient tort de se priver. Si les dernières
certifications halal en date s’appliquent à du champagne ou à
des hôtels, elles ne doivent en rien inciter les athées (pour rester
poli) à voir dans le développement de l’industrie halal une
quelconque islamisation des nations européennes. Répétons
aussi toute la nuance souvent bafouée entre islamique et islamiste,
l’un faisant référence à une croyance, l’autre étant inévitablement
teinté de radicalisation dangereuse. Si d’aucuns
mangent du poisson le vendredi, ce n’est rien moins qu’une
pratique similaire à celle choisie par les musulmans de consommer
des produits halal. Quelques pommes pourries, dans
un contexte de méfiance exacerbé à l’égard de l’islam, suffisent
cependant à sonner l’hallali. Si l’on en est fort heureusement
loin, au sens strict du terme, cela ne dispense pas pour
autant de rester vigilant. Et de s’assurer, au passage, du maintien
des libertés de chacun. L’exemple du Quick de Roubaix en
est la parfaite illustration. Ayant décidé de bannir le bacon et
de n’avoir recours qu’à de la viande halal, la chaîne de fastfoods
a heurté la sensibilité des consommateurs de non-halal.
La diversité fait la richesse d’un peuple, le communautarisme
l’asphyxie. Et, en Belgique, on en sait quelque chose…
Le monde de la finance
reste en embuscade
Si BNP Paribas Fortis
a lancé la 1 re sicav chariacompatible
en 2008,
sans succès, le secteur
bancaire reste attentif
BRUXELLES Le marché de la finance
islamique est estimé à
quelque 500 milliards de dollars.
Tenter d’attirer les investisseurs
du Golfe est donc légitime,
mais est loin d’être une
mince affaire. Et pour cause,
pour tenter de s’approprier
une part du gâteau, encore
faut-il que les entreprises qui y
prétendent se conforment aux
préceptes islamiques.
Ainsi, l’un des critères est de
ne pas avoir un endettement
de plus de 30 %. La finance islamique
bannit aussi la riba,
c’est-à-dire l’intérêt et la spéculation.
L’investisseur partage
aussi avec sa banque ou son
partenaire commercial les bénéficies,
bien évidemment,
mais également les pertes. Exit
aussi les investissements dans
les secteurs impurs : alcool,
viande de porc, jeux de hasard,
pornographie ou armes.
Pour que la Belgique devienne
un portail d’accueil au
même titre que Londres, il faut
aussi qu’une réforme du système
juridique et fiscal
s’opère. Aucune agence islamique
ne vend actuellement de
services compatibles avec la
charia, pas plus qu’on ne dispose
d’établissement bancaire
proposant une offre halal.
POURTANT, LA VOLONTÉ politique
d’ouvrir le marché à la finance
halal est bien réelle. Un
état des lieux des dispositions
légales qui devraient être modifiées
a été dressé.
Dans le giron des banques,
on s’agite également. En 2008,
BNP Paribas Fortis avait bien
tenté une timide incursion
dans la place, en proposant la
première sicav charia friendly
aux musulmans de Belgique,
mais ce fut un fiasco. Cela n’a
pas pour autant refroidi les
grandes banques dans leur ensemble,
toutes ayant engagé
des consultants en la matière.
LE MARCHÉ SEMBLE en effet
réactif, comme en témoigne
un sondage de l’ABPM, selon lequel
95 % des entrepreneurs
musulmans propriétaires seraient
prêts à modifier leur
crédit hypothécaire pour se diriger
vers la finance islamique.
Lorsque l’on sait que la Belgique
compte 600.000 musulmans,
le potentiel est en effet
intéressant, même s’il semble
que ce soient surtout les jeunes,
instruits et plus religieux
que leurs parents, qui tenteraient
bien l’aventure…
V. S.
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