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LES ROIS MAGES<br />
L'Evangi<strong>le</strong> évoque d'énigmatiques<br />
"Mages venus d'Orient".<br />
Plus tard, la tradition en fait<br />
trois rois, d'Europe, d'Asie<br />
et d'Afrique. Un artiste<br />
portugais en invent<br />
un quatrième ...<br />
ASP AR, MELCHIOR,<br />
BALTHAZAR<br />
et <strong>le</strong>s autres ...<br />
H R VIOL LET<br />
D<br />
u baptême de Jésus par Jean-Baptiste à sa crucifixion<br />
et à sa mise au tombeau se dérou<strong>le</strong> ce qu'on appel<strong>le</strong> sa<br />
"vie publique". C'est certainement là que se trouvent<br />
<strong>le</strong>s renseignements <strong>le</strong>s plus sûrs sur ce que fut l'existence <strong>du</strong><br />
Christ. Cependant, dès <strong>le</strong> début, <strong>le</strong>s premiers chrétiens ont<br />
essayé de dire qui était Jésus pour eux. Ils ont alors tenté de<br />
tra<strong>du</strong>ire <strong>le</strong>ur foi en un Jésus vivant à travers <strong>le</strong>s récits d'apparition<br />
<strong>du</strong> Ressucité, de son Ascension, de la Pentecôte.<br />
De même, ils ont voulu remonter au-delà de ce que <strong>le</strong>s discip<strong>le</strong>s<br />
savaient de sa vie publique. Ainsi se sont composés ce<br />
qu'on appel<strong>le</strong> <strong>le</strong>s "Evangi<strong>le</strong>s de l'enfance". Il ne s'agit bien<br />
évidemment pas d'une enquête reportage sur l'enfance de<br />
Jésus. Luc et Matthieu ont essayé, dans <strong>le</strong>urs récits, de faire<br />
comprendre à travers des scènes parlantes ce que <strong>le</strong>s premières<br />
communautés chrétiennes croyaient au sujet de Jésus.<br />
Une naissance de caractère exceptionnel pour tra<strong>du</strong>ire <strong>le</strong>ur foi<br />
en Jésus fils de Dieu. Des histoires comme cel<strong>le</strong> de l'adoration<br />
des Mages que raconte seul l'évangéliste Matthieu. (chapitre<br />
2, versets 1 à 12).<br />
Ce texte de l'évangéliste nous dit peu de chose sur <strong>le</strong>s Mages.<br />
Ce qui semb<strong>le</strong> important, c'est de montrer que Jésus n'a pas<br />
seu<strong>le</strong>ment été reconnu par des bergers pauvres et alors méprisés<br />
de Pa<strong>le</strong>stine, mais aussi par des savants, des astrologues<br />
persans venus d'Orient. Jésus est venu pour tous. Il est<br />
reconnu par <strong>le</strong>s pauvres et par <strong>le</strong>s savants.<br />
De ces Mages, on ne connaît rien de plus sinon <strong>le</strong>urs<br />
cadeaux: or, encens et myrrhe. Là encore, la signification de<br />
ces cadeaux est symbolique: l'or car <strong>le</strong>s premiers chrétiens<br />
veu<strong>le</strong>nt dire qu'ils reconnaissent Jésus comme un roi;<br />
l'encens car ils <strong>le</strong> reconnaissent comme un prêtre; la myrrhe,<br />
un parfum qui servait à embaumer <strong>le</strong>s morts, car ils proclament<br />
sa mort avant sa réssurection. Il semb<strong>le</strong> que c'est <strong>le</strong><br />
nombre des cadeaux qui a fait imaginer ensuite que <strong>le</strong>s Mages<br />
étaient trois. Mais l'Eglise syrienne trouva évocateur d'en<br />
présenter douze comme il y a douze apôtres.<br />
Une autre tradition préfère qu'ils soient deux: Marie et<br />
Joseph; deux bergers; deux rois, trois coup<strong>le</strong>s! Fina<strong>le</strong>ment,<br />
sans doute à cause de la force <strong>du</strong> symbolisme trinitaire, <strong>le</strong><br />
chiffre trois l'emporta.<br />
Mais à qui ressemblaient ces trois Mages. Ce n'est<br />
qu'au troisième sièc<strong>le</strong> que <strong>le</strong> théologien romain<br />
Tertullien par<strong>le</strong>ra de rois. Cependant, ces rois pourront<br />
être découronnés lorsque, dans <strong>le</strong>s tab<strong>le</strong>aux <strong>du</strong> Moyen<br />
Age, <strong>le</strong>s donateurs, mécènes des artistes se feront représenter<br />
en Mages. Ce n'est qu'au neuvième sièc<strong>le</strong> qu'on commence à<br />
<strong>le</strong>ur donner des noms: Gaspar, Melchior et Balthazar (Liber<br />
Pontificalis de Ravenne). C'est au Moyen-Age, enfin, que <strong>le</strong>s<br />
trois personnages qui avaient souvent été présentés comme <strong>le</strong>s<br />
f.igures des trois âges de la vie, vont représenter <strong>le</strong>s trois partIes<br />
<strong>du</strong> monde alors connues: l'Asie, l'Afrique et l'Europe.<br />
Voilà donc nos Mages investis d'une nouvel<strong>le</strong> responsabilité:<br />
représenter <strong>le</strong>s trois continents connus devant l'enfant Jésus<br />
qui vient de naître. La démarche reste cel<strong>le</strong> des premiers chrétiens<br />
et de l'évangéliste Matthieu. Les chrétiens <strong>du</strong> Moyen<br />
Age veu<strong>le</strong>nt manifester que Jésus est venu sauver <strong>le</strong> monde<br />
entier et que l'Afrique, l'Asie et l'Europe <strong>le</strong> reconnaissent.<br />
Vision optimiste quand on sait que seu<strong>le</strong>s l'Ethiopie, l'Egypte<br />
et l'Afrique <strong>du</strong> Nord avaient été évangélisées et que ça n'est<br />
qu'au seizième sièc<strong>le</strong> que François-Xavier mourra aux portes<br />
de la Chine. Cependant, <strong>le</strong>s chrétiens veu<strong>le</strong>nt dire ainsi que<br />
l'Eglise est universel<strong>le</strong>.<br />
Cette ouverture "internationa<strong>le</strong>" n'est pas sans poser des<br />
problèmes aux artistes chrétiens <strong>du</strong> Moyen-Age. Pas de difficulté<br />
pour placer des dromadaires qui donnent une cou<strong>le</strong>ur<br />
plus exotique, encore que <strong>le</strong>s chevaux arnachés comme ceux<br />
des chevaliers soient souvent préférés. Mais pour <strong>le</strong> mage<br />
d'Afrique? On s'accorde pour lui réserver <strong>le</strong> nom de Balthazar.<br />
Mais on hésite beaucoup à lui donner un visage noir. Le<br />
noir était en effet considéré alors comme la cou<strong>le</strong>ur <strong>du</strong><br />
démon. Dans des miniatures de psautiers grecs, une petite<br />
figure de nègre représente <strong>le</strong> diab<strong>le</strong>, l'enfer ou la mort. Trace<br />
de racisme? En tout cas, il faut attendre <strong>le</strong> quatorzième sièc<strong>le</strong><br />
pour a<strong>voir</strong> avec certitude un Balthazar au visage noir (tympan<br />
de Saint-Thibault de Thann). Et c'est seu<strong>le</strong>ment au seizième<br />
sièc<strong>le</strong>, dans une gravure française de Geoffroy Tory, qu'on<br />
osera représenter <strong>le</strong> roi nègre tout nu, vêtu d'un simp<strong>le</strong> pagne.<br />
Au dix-septième sièc<strong>le</strong>, <strong>le</strong> roi nègre de Rubens porte des<br />
anneaux aux oreil<strong>le</strong>s !<br />
M<br />
ais une nouvel<strong>le</strong> question est alors posée aux artistes<br />
chrétiens qui veu<strong>le</strong>nt tra<strong>du</strong>ire quelque chose de la<br />
foi <strong>du</strong> peup<strong>le</strong> de Dieu. Au quinzième sièc<strong>le</strong> Christophe<br />
Colomb aborde <strong>le</strong>s rivages américains. Pour garder la<br />
DIFFÉRENCES DÉCEMBRE 1980<br />
vision universel<strong>le</strong> de la scène des Mages, que faire? Comment<br />
représenter, devant la crèche, la quatrième partie <strong>du</strong><br />
monde? Désormais, la tradition des trois rois mages était<br />
trop solidement établie dans l'Eglise pour qu'on osât continuer<br />
à inventer, comme cela avait été <strong>le</strong> cas jusque là. Il n'y<br />
aurait donc pas de quatrième roi mage. Cependant, <strong>le</strong>s chrétiens<br />
des Amériques ont voulu être présents à l'adoration de<br />
Jésus et sur un rétab<strong>le</strong> portugais <strong>du</strong> seizième sièc<strong>le</strong>, qui se<br />
trouve à la cathédra<strong>le</strong> de Viseu, <strong>le</strong> roi nègre est représenté par<br />
un chef indien <strong>du</strong> Brésil, armé d'un javelot. Il semb<strong>le</strong> que<br />
cette représentation soit malheureusement isolée. La répression<br />
des Indiens apparaît jusque dans l'art chrétien.<br />
Quand <strong>le</strong>s chrétiens préparent aujourd'hui la crèche,<br />
selon une tradition qui remonte à François d'Assises,<br />
<strong>le</strong>s santons des Mages ne sont pas oubliés. Mais il est<br />
certal que <strong>le</strong>s santonniers de Provence préfèrent multiplier<br />
<strong>le</strong>s personnages provençaux autour de Jésus. Il faudrait connaître<br />
ce que sont <strong>le</strong>s crèches africaines, asiatiques ou latinoaméricaines<br />
et nos <strong>le</strong>cteurs pourraient nous donner, peutêtre,<br />
des témoignages intéressants recueillis lors de <strong>le</strong>ur séjour<br />
à.l'étranger. Pour ce qui est de la France, la crèche a pris des<br />
vIsages multip<strong>le</strong>s ces dernières années: figures modernes<br />
stylisées, personnages de la vie quotidienne contemporaine:<br />
Dans ~erta.ines crèches de la banlieue parisienne, on a pu <strong>voir</strong><br />
<strong>le</strong>.s troIS roIS m.ages devenir trois immigrés: africain, maghrébIn<br />
et portugaIs. C'est la manière la plus juste de continuer à<br />
illustrer la scène de l'adoration des Mages à partir des réalités<br />
vécues par <strong>le</strong>s chrétiens.<br />
L'accueil de l'étranger peut se tra<strong>du</strong>ire symboliquement dans<br />
<strong>le</strong> choix des personnages de la crèche. Mais cela suppose que<br />
<strong>le</strong>s communautés chrétiennes accueil<strong>le</strong>nt réel<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>s étrangers.<br />
Ce qui est une autre histoire!<br />
R. P. Patrick Jaquemont<br />
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cr:<br />
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