L’INTERNEMENT DES BOURBAKIS EN SUISSEL’INTERNEMENT DES BOURBAKIS EN SUISSEIl s’agissait ensuite de mettreun peu d’ordre dans les colonnes qui necessaient de défiler. On ne pouvaitcomme on l’aurait voulu les faireavancer en corps constitués ; on se bornaà les regrouper par cent ou deux centshommes. <strong>Le</strong>ur garde étant confiée à unou deux soldats ce qui suffisait largementcar il n’y avait aucune velléitéd’insoumission chez les malheureuxFrançais.Toutes les routes, tous leschemins du Jura, fortement enneigés,étaient couverts par cette maréehumaine. Dans les villages traversés, leshabitants avaient préparé de quoi veniren aide aux soldats : de la soupe, dupain, du vin, mais aussi des cigares, descouvertures, des médicaments, etc.Certains malades, ne pouvant plusmarcher furent accueillis dans les fermeset restèrent plusieurs jours voireplusieurs semaines chez leurs hôtes. ASainte-Croix, par exemple, quatre<strong>Le</strong>s soldats français en route pour les lieux ambulances (*) privées furent installéesd'internement; dessin de A. Bachelin, «Aux Tous les témoignages concordent :frontières» et «L’Armée de l’Est en Suisse», l’accueil réservé aux malheureuxLausanne, 1871.«bourbakis» fut extraordinaire debienveillance et de sollicitude. Beaucoupde soldats durent leur vie aux habitants des villages qu’ils traversèrent. Réconfortés,restaurés, soignés ils voyaient peut-être la fin de leur calvaire :«(...) en peu d’instants, chaque porte était entourée d’un cercle de gensavides, dont les yeux brillaient de convoitises ; au milieu, les femmes puisaient etdistribuaient la soupe qui était, hélas ! toujours plus vite à sec que les appétitsétaient apaisés. <strong>Le</strong>s soldats, réconfortés par cette bonne nourriture, par lachaleureuse sympathie qui leur était témoignée de toutes parts (...) reprenaient leurroute d’un pas plus allègre, après avoir affectueusement serré la main que leurtendaient leurs hôtes.» (9)____________(*) A cette époque, le terme «ambulance» désigne à la fois, comme aujourd’hui, un véhiculetransportant les blessés, et un établissement sanitaire comprenant des voitures, le matériel médical et lepersonnel sanitaire, médecins et infirmiers. Une «ambulance» de ce type peut être comparée à unhôpital de campagne.Si on en croit le «Rapport sur les troupes françaises internées en Suisse» dumajor Davall, il y eut des soldats qui se remirent plus vite que les autres :«<strong>Le</strong>s turcos et autres indigènes d’Afrique (*), pour lesquels la satisfactiondes instincts matériels est la première condition du bonheur, étaient au grandétonnement de tous les campagnards les premiers ragaillardis, malgré le froid etleur costume peu fait pour le supporter. A bout d’un ou deux jours, ceux d’entre euxqui n’étaient pas malades étaient gais comme des pinsons, tandis que le Françaisresta longtemps encore sous le poids des malheurs de son pays et des désastres del’armée.» (10)<strong>Le</strong> transport et l’internementLa Suisse se trouvait face à une situation exceptionnelle. Bien qu’on aitprévu l’entrée de troupes françaises en Suisse et qu’on ait pris des dispositions pourleur internement, le nombre de soldats, les conditions de leur passage, leur étatphysique et moral rendirent caduc tout ce qu’on avait préparé.<strong>Le</strong> département militaire et l’armée, responsables de l’internement, durenttout réorganiser à la hâte, Ce fut untravail énorme.Il fallait tout d’abord assurerle transport des Français vers leurslieux d’internement. On avait renoncéà les loger tous en caserne et c’estvers tous les cantons sauf le Tessinque devaient être dirigés les internés.La plupart d’entre eux et d’abord lesmalades transportables (les autresrestaient pour l’instant dans lesambulances et les hôpitaux, voirechez les particuliers qui les avaienthébergés) voyagèrent en train.Beaucoup pourtant rejoignirent leurslieux de cantonnements à pied. Cestransports furent organisés en untemps record alors qu’il fallait assurerun service d’étapes, des escortessuffisantes ainsi qu’un accueiladéquat.La Confédération avaitassigné à chaque canton un nombred’internés proportionnel____________(*)Il s’agit probablement de tirailleursalgériens appartenant à la 2ème brigade, IIème division du 15ème corps d’armée.Turcos au bivouac.80 <strong>Le</strong> <strong>Brécaillon</strong><strong>Le</strong> <strong>Brécaillon</strong>81
L’INTERNEMENT DES BOURBAKIS EN SUISSEL’INTERNEMENT DES BOURBAKIS EN SUISSEà sa population, charge à lui de répartir les soldats dans les localitéscapables de les recevoir. Ainsi, par exemple, Zurich logeait 11.556 soldats, (dont 727malades à l’hôpital) dans vingt-trois localités, Saint-Gall 3652 (259 malades) dansquatorze localités, Genève 74 soldats dont 46 malades. (*). Ce sont les cantons deBerne et Zurich qui reçurent le plus d’internés : respectivement 19.565 et 11.556.Dès la répartition de l’armée de l’Est en Suisse, on avait séparé les soldatsdes officiers, conformément aux termes de la convention. On se rendit compte trèsvite que c’était là une sage décision. En effet, si quelques officiers protestèrent etvoulurent rester près de leurs hommes, l’écrasante majorité voulut s’en éloigner leplus vite possible. Cette attitude choqua tous les officiers suisses et le rapport dumajor Devall s’en fait l’écho.<strong>Le</strong> moral des troupes, sous-officiers et soldats, était très mauvais, lestribulations et les souffrances qu’ils avaient subies avaient de graves conséquencessur la discipline. Tous reprochaient aux officiers de tous grades leur incompétence,ce qui était vrai, et les accusaient même de trahison, ce qui était faux. Ce climatfaisait craindre de vifs incidents. En réalité, cet état de choses n’était pas dû qu’auxterribles conditions de la déroute mais avant tout aux rapports entre officiers etsoldats dans l’armée impériale. Ils vivaient dans deux mondes différents où lesavantages des uns étaient une insulte constante à la condition précaire des autres. Lacaste des officiers cultivait un mode de vie qui ne permettait aucune sollicitude,aucun partage des bons et des mauvais moments que tous traversaient en campagne.Cet état de fait en temps de paix ne pouvait que s’aggraver dans les durs momentsde la défaite. La confiance n’existait pas.D’ailleurs, de très nombreux officiers, non contents d’être séparés de leurshommes cherchèrent par tous les moyens à s’échapper, rompant ainsi la paroledonnée à leur entrée en Suisse. Certains officiers français furent, paraît-il, trèssurpris de voir en Suisse des officiers vivre au plus près de leurs soldats et partagerleurs préoccupations.Citons pour illustrer cette détestable attitude une circulaire envoyée deBordeaux le 25 janvier 1871 à tous les généraux de l’armée française par LéonGambetta, ministre de l’intérieur,«Général, l’ensemble des observations que j’ai recueillies me démontreune chose, c’est que l’officier ne vit pas assez avec le soldat et ne s’occupe pas assezde lui. Contrairement aux prescriptions de décrets et d’arrêtés récents, on voit lesofficiers logés en ville alors que les soldats sont au camp sous la tente. Pendant lejour, très peu de contact entr’eux ; leur existence est pour ainsi dire séparée : ondirait deux classes différentes. Il n’en doit pas être ainsi ; l’officier doit être l’amiet le tuteur de ses soldats.(...).Il doit leur montrer sa sollicitude constante pour leur bien-être et pour leur moral ;pour les aider à supporter les privations, il doit les supporter lui-même et leurdonner l’exemple. Il ne suffit pas d’être à leur tête le jour du combat ;(...) il doit êtreconstamment à côté d’eux, dans la vie obscure du camp, dans les labeurs de lamarche ; en un mot, dans toutes les situations variées où le soldat a besoin de sesentir soutenu et réconforté par la présence de ses chefs.Je vous prie, général, d’être d’une sévérité inexorable à l’égard desofficiers qui manqueraient à ce devoir sacré ; vous voudrez bien me les signaler,pour que je puisse à mon tour leur faire sentir les effets de mon mécontentement (...).Léon Gambetta» (11)Lors de la répartition des soldats français, on avait renoncé très vite à lesregrouper par unité ou corps constitués tant le mélange des troupes était grand.Seules deux ou trois unités purent être rassemblées, comme le 92 ème régimentd’infanterie de ligne - interné à Zurich -, le dernier à passer aux Verrières, en bonordre et avec ses officiers. Il avait couvert la retraite jusqu’au bout en retenant lesAllemands le plus longtemps possibleL’installation des internés dans leurs cantonnements se déroula d’unemanière satisfaisante. <strong>Le</strong>s localités logèrent les soldats dans tous les bâtiments____________(*)Genève fut le canton qui reçut le moins d’internés. On craignait en effet,- à juste titre on le verraquela proximité de la frontière qu’on constata le plus d’évasions encourageât les soldats à s’évader.C’est en effet dans les cantons frontières82 <strong>Le</strong> <strong>Brécaillon</strong>Ambulance de fortune; dessin de A. Bachelin, «Aux frontières» et «L’Armée del’Est en Suisse», Lausanne, 1871.<strong>Le</strong> <strong>Brécaillon</strong>83
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