L’INTERNEMENT DES BOURBAKIS EN SUISSEL’INTERNEMENT DES BOURBAKIS EN SUISSEParc de canons à Colombier, tiré de A. Meyer et H. Horat, op. cit.En outre, des paysans avaient recueilli des bêtes isolées. Il fallut envoyer desenquêteurs dans le Jura afin de récupérer tous ces chevaux qui restaient la propriétéde l’armée française. On en retrouva 675 rien que dans le canton de Vaud.<strong>Le</strong>s ventes eurent lieu entre le 27 février et le 11 mars. 4.109 chevauxfurent vendus pour la somme totale de frs 1.154.459,04, soit une moyenne d’environfrs 279.- par cheval. <strong>Le</strong> plus bas prix ayant été payé était de frs 10.-, le plus élevé,de frs 1.000.-. La France ayant entre temps répondu qu’elle désirait qu’on lui rendeses chevaux, les ventes furent stoppées et ce sont 6.639 chevaux qui furent rapatriésplus tard.Toutes les armes, tous les équipements entrés en Suisse restaient aussi lapropriété de la France. Il s’agissait là encore d’inventorier ces monceaux de matérieldispersés dans les arsenaux helvétiques d’Yverdon, Grandson, Colombier, Morges etThoune, afin de les rendre le moment venu. En outre, il convenait de s’occuperparticulièrement de l’armement, le réparer, l’entretenir, détruire éventuellement lesmunitions qui pouvaient présenter un danger vu l’état dans lequel elles se trouvaient.On décida d’utiliser un certain nombre d’internés pour ce gigantesque travail.92 <strong>Le</strong> <strong>Brécaillon</strong>Comme pour les chevaux, il fallut encore retrouver tout le matériel, armes etéquipements, qui avaient été soit abandonnés dans le Jura, soit ramassés par lespaysans ou achetés par eux aux soldats. On ne retrouva pas tout et on renonça àengager des poursuites contre les «nouveaux propriétaires» de ces objets. Onconstata aussi que de nombreux soldats suisses en poste aux frontières lors dupassage s’étaient appropriés quelques «souvenirs» et les avaient envoyés chez eux.Là encore, on se contenta de récupérer les objets sans poursuivre les«collectionneurs»...On ne peut reproduire ici la liste de tout ce matériel inventorié ; nous nouscontenterons de citer quelques chiffres qui montrent que cette tâche fut remplie demanière minutieuse, bien «helvétique», pour tout dire :42 canons de campagne de 12 livres, 151 de 4 livres, 19 mitrailleuses, 23forges de campagne modèle 1827, 227 caissons à munitions pour pièce de 4 livres,797 selles d’artillerie, 328 surfaix de parade 2 cordes à fourrage : 65mousquetons Remington,14 mousquetons Sharp, 58.262 fusils Chassepot modèle1866, 605.772 cartouches modèle 1866, 534 étuis vides, 3.772 sabres de cavalerielégère modèle 1822, 610 fourreaux de sabres-baïonnettes, 230 lances, 69 cuirasses,87 caisses de tambours, 78 tire-balles, modèle 1842, 2 cantines d’infirmerievétérinaire,18 couvercles de marmite, 41 marmites, etc, etc.Ce travail d’inventaire et de nettoyage ne se fit pas sans incident. Il fautdire ici quelques mots du grave accident qui se produisit à l’arsenal de Morges les 2et 3 mars 1871.L’arsenal de Morges était installé, comme aujourd’hui, à côté du châteauqui abrite l’actuel <strong>Musée</strong> militaire vaudois. Dans les hangars, se trouvaient descanons, des affûts ainsi que quelques ateliers. A l’intérieur du château étaiententreposés des munitions, des fusils de réserve et d’autres ateliers étaient installés.<strong>Le</strong>s troupes fédérales du canton de Vaud, rentrant de «l’Occupation des frontières»,venaient d’entreposer dans l’arsenal les batteries d’artillerie et les caissons encoreéquipés en guerre. Une quantité de matériel et de munitions à laquelle s’était ajoutéeune grande partie des armes, des munitions et de l’équipement de l’armée de l’Est,qui continuait d’arriver. Ainsi, le 3 février parvinrent à Morges sept voitures demunitions d’artillerie, le 8 février, seize wagons de munitions, le 10, douze wagonset le 15, sept wagons ainsi que «des tonneaux de poudre de mine».On commença à trier, inventorier et nettoyer tout ce matériel et notammentà «démolir» les cartouches de fusil défectueuses, c’est-à-dire à en retirer la poudreet la balle pour les détruire ensuite, Travail facile mais fastidieux qui fut confié à desinternés et aux employés de l’arsenal.<strong>Le</strong> 2 mars, une explosion se produisit dans «l’atelier des Français» situédans le hangar abritant les pièces et les caissons des batteries suisses.Immédiatement, les explosions se suivent et bientôt ce sont toutes les voitures demunitions de la batterie 9 qui explosent, entraînant l’effondrement de la toiture duchâteau et un gigantesque incendie. Toutes les fenêtres et les cloisons éclatèrent, lesdommages s’étendirent aux immeubles voisins du château.Cette suite d’explosions se vit et s’entendit jusqu’à Lausanne et produisitun énorme feu d’artifice. Cela dura toute la nuit du 2 au 3 mars.On tenta d’éteindre l’incendie et de retirer les caissons encore sous lehangar pour les jeter au lac. Dans ces tentatives le lieutenant aide-major Thury du<strong>Le</strong> <strong>Brécaillon</strong>93
L’INTERNEMENT DES BOURBAKIS EN SUISSEL’INTERNEMENT DES BOURBAKIS EN SUISSEbataillon de carabiniers 5 laissa sa vie.<strong>Le</strong> bilan final s’éleva à vingt-deux morts français et vingt-cinq blessés. Onavait pourtant évité le pire : la veille, on avait retiré de l’arsenal trois cent vingt-cinqkilos de «poudre de démolition»Une enquête fut diligentée qui établit les faits : le démontage descartouches avait été ordonné par la direction de l’arsenal sans en référer à l’autoritésupérieure ; cette manutention très délicate avait été menée sans surveillanceparticulière, notamment aucun officier français n’avait daigné superviser le travaildes internés. Seul le capitaine suisse Gard allait d’un atelier à l’autre, présencenaturellement insuffisante. Enfin, les soldats français montraient une certainenonchalance dans l’exécution de leur travail :«L’enquête démontre, que les soldats français qui y étaient employés, necessaient de babiller et qu’ils n’apportaient aucun sérieux à leur travail, malgré lesobservations qui leur furent faites par des personnes présentes. Ils se servaient àl’insu des officiers de pointes de fer, clous, poinçons, pour désagréger la poudrecoagulée dans les douilles. Sur l’observation qui leur en fut faite par un lieutenantd’infanterie vaudois, M. Frédéric Monod, dont la troupe était de garde en ville et quiune fois, les regarda travailler, ils répondirent «qu’ils connaissaient leur métier»(21).L’enquête établit que les dégâts se montaient à frs 385.030.21. Après unlong échange de correspondance, ces frais furent portés à la charge de la France quireconnaissait ainsi sa responsabilité indirecte.<strong>Le</strong> retour des internés<strong>Le</strong>s autorités suisses étaient prêtes à rapatrier les internés et avaient priscontact avec la France à ce sujet. Mais les hostilités n’étaient pas terminées. Or, lesconventions internationales n’autorisaient le retour des prisonniers, internés, etc.dans leur pays que sous la garantie qu’ils ne seraient pas incorporés à nouveau dansl’armée et qu’ils ne participeraient pas aux combats. La France n’ayant pu donnercette garantie, on avait retardé le rapatriement.<strong>Le</strong> 26 février, la paix fut signée à Versailles - le 10 mai le traité de Francfortentérinera ces dispositions et mettra fin officiellement à la guerre franco-prussienne.<strong>Le</strong> gouvernement suisse, cependant, avait déjà commencé la préparation dece retour. Tâche considérable et qui demandait une organisation rigoureuse.L’internement touchait à sa fin et la Suisse pouvait se féliciter desconditions dans lesquelles s’était déroulé cet événement exceptionnel. <strong>Le</strong>s craintesqu’on avait nourries dès le début, notamment en ce qui concernait la discipline àmaintenir dans cette masse de soldats, s’étaient révélées infondées.En effet, au moment du passage on craignait qu’une armée aussi éprouvée,désorganisée, composée d’éléments hétéroclites et indisciplinés etsouffrantd’un moral au plus bas suscite des incidents graves que les autoritésmilitaires n’auraient pu maîtriser. On soulignait notamment que la présence dansl’armée del’Est de «francs-tireurs .» - qu’on ne pourrait d’ailleurs jamais recensercomplètement -, de bataillons disciplinaires d’Afrique (*), etc. constituait un danger94 <strong>Le</strong> <strong>Brécaillon</strong>pour l’ordre nécessaire à un internement dans de bonnes conditionsEn fait, ces craintes étaient infondées. <strong>Le</strong>s soldats français avaient vécu desi terribles épreuves que le fait de se retrouver en vie, hébergés dans de bonnesconditions, nourris de façon satisfaisante, contribua à établir une discipline naturelleet évita les plus graves délits.<strong>Le</strong>s trois Conseils de guerre prévus par les autorités militaires n’eurent àjuger que vingt-neuf cas :«Huit vols simples, trois tromperies et malversations, une usurpation degrade accompagnée de malversation, un pour mauvais traitements envers uncamarade, un pour coups et blessures à un supérieur, huit impliqués dans l’affairede la Tonhalle à Zurich (voir plus bas, ndlr) et un a été mis en accusation pour actescontraires au droit international (Huot et consorts) (voir plus bas, ndlr)» (22)Ce sont là les fautes les plus graves ; les délits mineurs sont des casd’insubordination, d’indiscipline, d’ivrognerie, etc. Ce sont en tout cent cinquantetroishommes dont trois officiers de «mobiles» qui furent enfermés au fort deLuzienstieg. d’où, après avoir purgé leur peine - peines qui s’étendaient de quinzejours à un an de prison - ils furent renvoyés dans leur pays.L’affaire Huot fut un casparticulier. <strong>Le</strong> 6 février, une patrouilleallemande prit contact avec un postefrontière suisse pour remettre auxautorités helvétiques mille fusilsChassepot saisis par les Allemands etappartenant à l’armée de l’Est. Ce quifut fait sous protection du drapeaublanc des parlementaires. A sonretour, sur territoire français, lapatrouille fut attaquée par un groupede francs-tireurs commandée par unnommé Huot. Ces derniers blessèrentdeux Allemands et en tuèrent un.Ensuite, le groupe se rendit au postefrontière pour réclamer les fusils.L’officier suisse refusa de les remettreet arrêta les francs-tireurs , septhommes____________(*) Il y avait, en effet, de «l’infanterie légèred’Afrique» incorporée dans la 2e brigade de laIIe division du 18e corps d’armée. Ceux qu’onappelait «les Joyeux» étaient le plus souventdes fortes têtes et des condamnés par la justicemilitare.<strong>Le</strong> <strong>Brécaillon</strong>Des touristes viennent voir le capitaine Huot enprison à Neuchâtel.95
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