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Domination et impérialisme en psychologie - Institut des Sciences ...

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G. Tiberghi<strong>en</strong>, J.-L. Beauvois / Psychologie française 53 (2008) 135–155 145rev<strong>en</strong>dication politique tant d’un refus de l’influ<strong>en</strong>ce idéologicoculturelle américaine que d’uneexig<strong>en</strong>ce de reconnaissance de la valeur intrinsèque <strong>des</strong> cultures dominées. De nombreux psychologuesasiatiques voyai<strong>en</strong>t, <strong>en</strong> eff<strong>et</strong>, l’importation de la <strong>psychologie</strong> occid<strong>en</strong>tale (notamm<strong>en</strong>taméricaine) comme une forme d’<strong>impérialisme</strong> culturel qu’ils t<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t pour la perpétuation d’unecolonisation de l’esprit 24 . Ce mouvem<strong>en</strong>t s’est donc rapidem<strong>en</strong>t ét<strong>en</strong>du à l’Asie du Sud-Est, <strong>et</strong>,via Hong Kong <strong>et</strong> Taiwan, à la Chine, pour toucher par la suite l’Afrique <strong>et</strong> l’Amérique du Sud 25 .Le proj<strong>et</strong> <strong>des</strong> <strong>psychologie</strong>s indigènes repose sur deux registres de propositions :• la <strong>psychologie</strong> américaine (ainsi que son satellite europé<strong>en</strong>) conti<strong>en</strong>t <strong>des</strong> postulats qu’elleemprunte à la culture américaine, notamm<strong>en</strong>t à l’individualisme libéral américain, postulatsqu’elle diffuse à travers le monde sous le manteau d’une « sci<strong>en</strong>ce psychologique ». Ce quila r<strong>en</strong>d, malgré ses prét<strong>en</strong>tions à l’universalité, inapte à compr<strong>en</strong>dre <strong>des</strong> faits psychologiquesinsérés dans <strong>des</strong> cultures hétérogènes. On peut même avancer que la <strong>psychologie</strong> dominant<strong>en</strong>’est, tout simplem<strong>en</strong>t, qu’une <strong>psychologie</strong> indigène américaine ;• les cultures <strong>des</strong> pays appelés à importer c<strong>et</strong>te <strong>psychologie</strong> dominante conti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t <strong>des</strong> propositionssusceptibles de fournir <strong>des</strong> postulats pour <strong>des</strong> <strong>psychologie</strong>s différ<strong>en</strong>tes, tout autant« sci<strong>en</strong>tifiques » que la <strong>psychologie</strong> occid<strong>en</strong>tale, mais ayant plus de signification pour le traitem<strong>en</strong>t<strong>des</strong> problèmes locaux. D’où la définition : une <strong>psychologie</strong> indigène est « l’étude ducomportem<strong>en</strong>t humain <strong>et</strong> <strong>des</strong> processus m<strong>en</strong>taux au sein d’un contexte culturel qui s’appuiesur les valeurs, les concepts, les systèmes de croyances, les méthodologies <strong>et</strong> autres ressourcesindigènes dans le groupe <strong>et</strong>hnique ou culturel sous investigation. » (Ho, 1998).Nous pouvons nous satisfaire ici de deux comm<strong>en</strong>taires :• la critique initiale était une critique géopolitique. Il ne s’agissait pas de rem<strong>et</strong>tre <strong>en</strong> cause lesambitions sci<strong>en</strong>tifiques portées par les psychologues occid<strong>en</strong>taux. Il ne fait aucun doute que<strong>des</strong> chercheurs asiatiques importants ont un proj<strong>et</strong> à la fois indigène <strong>et</strong> sci<strong>en</strong>tifique. C’est laraison pour laquelle <strong>des</strong> chercheurs occid<strong>en</strong>taux ont pu participer à la promotion de ces proj<strong>et</strong>s(dont surtout John Berry, voir Kim <strong>et</strong> Berry, 1993). Une contradiction est néanmoins très rapidem<strong>en</strong>tapparue. Comm<strong>en</strong>t concilier la valeur d’universalité de la sci<strong>en</strong>ce <strong>et</strong> le relativisme (ouparticularisme) <strong>des</strong> <strong>psychologie</strong>s fondées chacune dans sa culture. Comme on dit quelquefois,comm<strong>en</strong>t allier l’étique (constructs à signification large <strong>et</strong> abstraite, à prét<strong>en</strong>tion universelle)<strong>et</strong> l’émique (constructs spécifiques, concr<strong>et</strong>s, à forte signification culturelle) 26 ? La réponseà c<strong>et</strong>te question variera évidemm<strong>en</strong>t avec l’appart<strong>en</strong>ance soit à la doctrine de la <strong>psychologie</strong>« interculturelle » (cross-cultural), doctrine très proche du proj<strong>et</strong> d’une <strong>psychologie</strong> universelle<strong>et</strong> pure, ou à la doctrine du constructivisme social, plus proche d’une anthropologie sanssci<strong>en</strong>ce psychologique concurr<strong>en</strong>te. Elle n’est de toute façon pas évid<strong>en</strong>te, <strong>et</strong> même <strong>des</strong> théorici<strong>en</strong>saussi sophistiqués que le taiwanais Hwang ont dû avancer <strong>des</strong> solutions qu’on peut jugertarabiscotées. Hwang (2004, 2005) propose, <strong>en</strong> eff<strong>et</strong>, aux chercheurs indigènes d’accepter que24 Aujourd’hui <strong>en</strong>core, San Juan (2006) donne à la <strong>psychologie</strong> (indigène) philippine (Sokolohiyang Filipino) <strong>des</strong>objectifs de « décolonisation ».25 Le proj<strong>et</strong> porté dans les années 1970 par Moscovici, Nuttin <strong>et</strong> Tajfel d’une « <strong>psychologie</strong> sociale europé<strong>en</strong>ne » relevaitd’une résistance de même nature d’un milieu europé<strong>en</strong> « indigène ».26 Voir Headland <strong>et</strong> al. (1990).

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