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Domination et impérialisme en psychologie - Institut des Sciences ...

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G. Tiberghi<strong>en</strong>, J.-L. Beauvois / Psychologie française 53 (2008) 135–155 143(hystérie, <strong>en</strong>vie du pénis...) Mais, les psychologues sociaux se souvi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t aussi aisém<strong>en</strong>t dela critique faite par <strong>des</strong> féministes de la théorie du développem<strong>en</strong>t moral avancée par Laur<strong>en</strong>ceKohlberg <strong>et</strong> de son insistance sur l’émerg<strong>en</strong>ce de principes abstraits supposés universels commesummum cognitif de la morale, pour r<strong>en</strong>dre compte de ce qu’est chez nous le développem<strong>en</strong>t <strong>des</strong>jeunes mecs 18 . Rappelons d’ailleurs que l’instrum<strong>en</strong>tation de c<strong>et</strong>te théorie (le célèbre « test dejugem<strong>en</strong>t moral ») conduisait à trouver que les femmes n’atteignai<strong>en</strong>t que rarem<strong>en</strong>t les niveauxd’élaboration morale <strong>des</strong> hommes. Une reformulation fut alors avancée (Gilligan, 1982/1986) poursubstituer à l’émerg<strong>en</strong>ce de principes abstraits (comme ceux de justice <strong>et</strong> de démocratie) celled’attitu<strong>des</strong> à l’égard d’autrui plus ajustées aux femmes (comme la compassion ou la sollicitude) 19 .C’est de telles discussions <strong>et</strong> sur <strong>des</strong> bases comparables qu’est née c<strong>et</strong>te <strong>psychologie</strong> d’oppositiondite <strong>psychologie</strong> féministe. Celle-ci se prés<strong>en</strong>te donc à la fois :• comme une critique de la <strong>psychologie</strong> dominante <strong>et</strong> <strong>des</strong> pratiques que c<strong>et</strong>te <strong>psychologie</strong> justifie(notamm<strong>en</strong>t éducatives, thérapeutiques, psychiatriques) ;• <strong>et</strong> comme une recherche de théories alternatives fondant une « autre » <strong>psychologie</strong>. Par exemple,Walker (1990) pointe six positions typiquem<strong>en</strong>t féministes d’une théorie thérapeutique :◦ relations égalitaires <strong>en</strong>tre le cli<strong>en</strong>t <strong>et</strong> le thérapeute ;◦ incitation (de la cli<strong>en</strong>te) à l’acquisition de pouvoir social ;◦ valorisation <strong>des</strong> t<strong>en</strong>dances propres aux femmes ;◦ non-ori<strong>en</strong>tation de l’analyse vers la pathologie <strong>et</strong> vers la victimisation ;◦ accepter une éducation <strong>en</strong> tant que femme ;◦ acceptation <strong>et</strong> validation <strong>des</strong> s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts.Il n’est pas innoc<strong>en</strong>t de remarquer que l’œuvre théorique de Kohlberg, critiquée comme unepratique théorique de mec par Gilligan (Gilligan, 1982/1986), fut aussi critiquée par Shweder,1982 (l’année où paraissait le livre de Gilligan aux États-Unis), comme une pratique théoriquelibérale dans un texte au titre provocateur : le libéralisme comme <strong>des</strong>tinée ? De fait, la critique de la<strong>psychologie</strong> dominante comme étant une <strong>psychologie</strong> libérale (pour ne pas dire : « capitaliste »),crispée sur le statu quo social, donc une <strong>psychologie</strong> <strong>en</strong> collusion avec les groupes qui jouiss<strong>en</strong>tde ce statu quo <strong>et</strong> qui de fait port<strong>en</strong>t le capitalisme (dont le libéralisme est l’idéologie), n’est pasréc<strong>en</strong>te (voir les textes de Herbert, 1966 ; Caplan <strong>et</strong> Nelson, 1973 ; Tiberghi<strong>en</strong>, 1979 ; Sampson,1981). Mais, elle ne s’est pas toujours assortie de la proposition <strong>et</strong> de l’incitation à d’ « autres »<strong>psychologie</strong>s, non embrigadées dans les statu quo capitalistes <strong>et</strong> libéraux. Ces incitations sontv<strong>en</strong>ues, qui se sont volontiers regroupées sous les expressions de <strong>psychologie</strong> « radicale » (Heather,1976) ou de <strong>psychologie</strong> « critique », par exemple avec Sullivan (1990) 20 , Fox <strong>et</strong> Prillelt<strong>en</strong>sky(1997) ou Walkerdine (2002), <strong>en</strong>tre autres 21 . Ces <strong>psychologie</strong>s ont leur site 22 , leurs journaux(International Journal of Critical Psychology), leurs séries d’ouvrages <strong>et</strong> leur congrès. L’université18 Voir la traduction de l’ouvrage de Gilligan, 1982/1986.19 On trouvera une bonne évocation de ces débats dans Tostain, 1999.20 « C’est la tâche de la <strong>psychologie</strong> critique d’id<strong>en</strong>tifier les facteurs structurels <strong>des</strong> hégémonies de notre société quicré<strong>en</strong>t une oppression systématique à l’égard de certains groupes culturels spécifiques : noirs, femmes, <strong>en</strong>fants...»(p. 91).21 Qu’on excuse nos tics de psychologues formés dans le sérail <strong>et</strong> qui persist<strong>en</strong>t à ne regarder qu’outre-Atlantique ! Onpeut faire démarrer le courant de la <strong>psychologie</strong> critique <strong>en</strong> Allemagne, dans les années 1970 avec l’œuvre théorique dumarxiste Klaus Holzkamp.22 On a un faible pour www.raspsyn<strong>et</strong>.org <strong>et</strong> www.criticalm<strong>et</strong>hods.org, ce site proposant d’excell<strong>en</strong>ts articles de psychologuesd’Afrique du Sud sur le mouvem<strong>en</strong>t critique dans leur pays (http://www.criticalm<strong>et</strong>hods.org/collab/critpsy.htm).

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