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LoisirsJOYEUX REBELLESLE VIEUX SAINT-SYLVESTRE EN APPENZELLImaginez un parcours de vingt kilomètres sur les collines,un jour d’hiver, avec quarante kilos sur le ventre et sur le dos !Ce « jogging » plus masochiste que d’habitude, les Appenzelloisle pratiquent une fois l’an.TERESA WEGRZYNCette poignée d’hommes issus des tribusd’Urnäsch célèbrent à leur manière unerévolte vieille de plus de quatre centsans : le Nouvel An. A Appenzell-RhodesExtérieures, c’est le 13 janvier qu’on le fête,d’après l’ancien calendrier Julien. Un vacarmeassourdissant d’énormes cloches devaches envahit les collines jour et nuit. Dèspotron-minet, des groupes déguisés les balancenten courant et alertent le village encoreendormi. Cette ancienne et mystérieusetradition baptisée « Silvesterklausen », leVieux Saint-Sylvestre, est demeurée intacte.Elle révèle une Suisse étonnement magique,à l’exotisme insoupçonné. Masques et costumesen ont même inspiré les Africains !Echos du paysIl n’y a pas que le mystère des voix bulgares,corses ou géorgiennes sur la routepolyphonique qui traverse notre continent.On trouve aussi son pendant helvétique : le« zäureli », une alternance de voix de tête etde poitrine, avec sa tenue de notes longues.Cette sonorité familière au monde alpin sepratique couramment en Appenzell. Elleattire de grands talents, comme ChristianZehnder, Arnold Alder et Erika Stucky. Tousces protagonistes de l’art vocal alpestre,détachés des clichés folkloriques, ont étéfilmés par Stefan Schwietert dans « Echosdu Pays » (Heimatklänge). Le film a été saluécomme le meilleur documentaire présentéau Festival de Soleure et à Vision duRéel, à Nyon. (http://www.youtube.com/watch?v=LlT6jh7zkgo)Baigné dans la liturgie ancestrale, ce jodelsans parole nous accompagne déjà vers sixheures du matin dans la cuisine de Regina,Urs Dörig-Kramis et leur fils Urs-Kaspar. Ilsnous accueillent chaleureusement pour unpetit déjeuner urnäschois. Au menu, röstis etdifférents « appenzellerkäse ». Dans la pièced’à côté, des hommes en chemises blanches,foulard rouge autour du cou, sont attabléscomme dans un refuge de montagne. Ils accordentune dernière fois leurs voix. Leurseule boisson : le vin blanc, dont les villageois« pharmaciens » prétendent qu’il a uneffet bénéfique sur les cordes vocales. « DerVorzauer », la voix la plus forte, entame unemélodie mélancolique qu’enchaînent doucementbasses et ténors. Tous enveloppésde ces échos de la montagne, nous transitonsdoucement du sommeil vers une journéefroide qui se lève sur les collines blanches.Là, les hommes sont prêts pour la route. Ilsse déguisent rapidement en « Wüeschti » – les« Vilains ». Ils agitent alors leurs cloches, dansentet chantent en cercle devant la maisonde leur hôte, puis disparaissent dans la nature,poursuivis par l’aboiement des chienseffrayés. C’est ainsi que commence le 13janvier, dernier jour de l’an à Urnäsch. Unejournée qui date pour tous.Jamais le dimancheSi la fête tombe par hasard un dimanche,elle est déplacée au samedi précédent.Car les Urnächois respectent sans rancunele jour sacré de l’église, même si le VieuxSylvestre a été condamné par le clergé aucours des siècles comme rite barbare. Touta commencé par l’insoumission des protestantsd’Appenzell, au XVI e siècle. Ils refusèrentl’introduction du nouveau calendrier deGrégoire XIII, en lieu et place de celui deJules César. Le petit canton continua ainsid’observer le Nouvel An le treize janvierjusqu’à son entrée dans la République helvétique,deux siècles plus tard. Aujourd’huila division religieuse demeure : AppenzellRhodes-Extérieures reste majoritairementprotestante, tandis qu’Appenzell Rhodes-Intérieures est catholique. Mais au pieddu Säntis (2500 m), à Urnäsch (AppenzellRhodes-Extérieures), les héritiers des exrebellesdansent et chantent le trente et undécembre et le treize janvier !La fête n’a rien à voir avec une célébrationreligieuse. Toutefois ses origines païennessont peu connues. Avec le peintre naïf RuediAlder, bien connu dans la région et hommelégende, Urnäsch a perdu voici quelquesannées son gardien de la mémoire du« Silversterklausen ». Il était aussi l’ami de lafamille Dörig-Kramis. Bien qu’il n’ait laisséaucun héritier digne de son nom, les nostalgiquesdu vieux calendrier attendent toujoursquelqu’un à la hauteur de son savoir.Non sans espoir. « Il faut admettre que la traditiontrouve beaucoup d’adeptes parmi lesjeunes Appenzellois », confirme Urs Dörig-Kramis, un grand apprenti bien en chairde l’Ecole hôtelière, fort sympathique audemeurant. « Les habitants d’autres villagesessayent de s’introduire dans notre célébration,mais Urnäsch n’accepte que ses propreshabitants pour les groupes déguisés ».Chefs-d’œuvre d’ornementationCes indigènes masqués s’éloignent, commedes extraterrestres, en serpentant les sentiersenneigés. Ils montent et descendent les collinesselon un itinéraire préalablement établi,tenu secret, avec toutes les fermes à visiterau cours de la journée. Trois groupes despersonnages participent aux processionspaïennes du « Silvesterklausen ». Les « Vilains »,que nous avons rencontrés le matin. Leurscapes sont couvertes de couches épaissesde foin, de pailles, de branches de houx, depins et de feuilles mortes. Leurs effrayantsmasques avec dents et cornes d’animaux rappellentle temps de la chasse aux démons. Ilsparadent dans un bruit terrible de cloches.Les seconds sont les « Schö-Wüeschti » – les« Affreux-Magnifiques » – qui ressemblent auxmaquisards cachés dans la forêt. Leurs habits46 – <strong>UN</strong> <strong>Special</strong> – Décembre 2009

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