D O S S I E RLe « trésor » <strong>de</strong> Sainte-ReineNouvelle acquisition archéologique pourles collections départementalesAversReversLes collections départementales se sontaccrues, cette année, d’un lot d’objetsgaulois tout à fait exceptionnel. Il s’agit <strong>de</strong> « disquesà gravures monétiformes », dénomination quiindique d’emblée une incertitu<strong>de</strong> sur la fonctionexacte <strong>de</strong> ces artefacts métalliques et par là-mêmeen souligne l’originalité et l’intérêt.C’est en 1995 qu’était signalée la trouvaille d’un lot<strong>de</strong> quinze objets archéologiques, mis au jour dans lemassif <strong>de</strong>s Bauges, sur le territoire <strong>de</strong> la commune<strong>de</strong> Sainte-Reine, par Monsieur Jean-Pierre Berthet.Dans les années qui suivirent la découverte, plusieursexpertises eurent lieu afin d’authentifier ces curieuxobjets et comprendre leur fonction. En 1996, MichelDhénin, conservateur en chef au Cabinet <strong>de</strong>sMédailles <strong>de</strong> la Bibliothèque nationale <strong>de</strong> France,expert désigné par le Ministère <strong>de</strong> la culture, enréalise l’inventaire précis, authentifie le lot et le date<strong>de</strong> la pério<strong>de</strong> gauloise: sept disques présentent unegravure <strong>de</strong> type monétaire au cheval galopant attribuéaux Cavares, peuples <strong>de</strong> la vallée du Rhône, datable<strong>de</strong>s années 70 avant J.-C., <strong>de</strong>ux sont attribués auxLingones, peuples situés sur un vaste territoire autour<strong>de</strong> <strong>La</strong>ngres, au type datable <strong>de</strong>s années 80 à 58avant J.-C., un disque avec un décor en relief <strong>de</strong> typenon monétaire et le reste non déterminable ou fragments<strong>de</strong> disques sans traces <strong>de</strong> travail.Il précise qu’il ne s’agit ni <strong>de</strong> coins monétaires ni<strong>de</strong> moules car le métal dont ils sont constitués peutfondre à basse température. Il pense, car il n’existepas d’objets similaires qui puissent leur êtrecomparés, qu’il pourrait s’agir <strong>de</strong> modèles ou d’exercices<strong>de</strong> graveurs.François Planet, responsable du médaillier du musée<strong>de</strong>s Beaux-Arts <strong>de</strong> Lyon, consulté en 2000, arriveaux mêmes conclusions sur leur authenticité et posele problème <strong>de</strong> leur utilisation en évoquant l’hypothèsed’une étape dans la fabrication <strong>de</strong>s coinsmonétaires.Le lot d’objets est ensuite confié, à la fin <strong>de</strong> l’année2000, à Jean-Noël Barrandon, directeur <strong>de</strong> rechercheau CNRS et directeur du Centre Ernest-Babelon àOrléans, pour effectuer leur étu<strong>de</strong> métallographique.L’analyse par activation avec <strong>de</strong>s neutrons rapi<strong>de</strong>s<strong>de</strong> cyclotron, métho<strong>de</strong> globale et non <strong>de</strong>structive,a montré que la composition <strong>de</strong>s objets va <strong>de</strong> l’étainpratiquement pur (99,7 %) à un alliage <strong>de</strong> plombétain.Il a pu mettre ainsi trois groupes en évi<strong>de</strong>nce:– premier groupe : en étain pratiquement pur,rassemble la majorité <strong>de</strong>s gravures du type monétaireau cheval galopant attribuées au peuple gaulois<strong>de</strong>s Cavares.– <strong>de</strong>uxième groupe : en alliage plomb-étain avec<strong>de</strong>s teneurs variables en plomb, regroupe un typemonétaire du cheval galopant attribué égalementaux Cavares, un autre <strong>de</strong> la vallée du Rhône et unfragment illisible– troisième groupe: en alliage plomb-étain avec <strong>de</strong>steneurs variables en étain, concerne les <strong>de</strong>uxgravures du type monétaire attribué au peuple <strong>de</strong>sLingones, <strong>de</strong>ux <strong>de</strong> type incertain, une gravure dutype monétaire au cheval galopant attribué auxCavares et un fragment sans trace. Il conclut à unebonne corrélation entre alliages et types monétaires,mais précise cependant que, si ce type d’alliage estbien ancien, il n’est pas utilisé en numismatique.Enfin, l’ensemble est étudié, en 2003, par GérardAubin, conservateur général du Patrimoine, experten numismatique antique. Il indique que l’avancement<strong>de</strong> la recherche, entre 1996 et 2003, permetd’attribuer plutôt au peuple gaulois <strong>de</strong>s Allobrogesles séries au cheval galopant ainsi que les typesmonétaires dits au cavalier <strong>de</strong> la Vallée du Rhône.Il signale que certains disques montrent <strong>de</strong>s gravures<strong>de</strong> droit, les plus grands, d’autres <strong>de</strong>s gravures <strong>de</strong>revers, que les représentations monétaires concernent<strong>de</strong>s monnayages en argent et propose, avecpru<strong>de</strong>nce, une datation entre 80 et 50 avant J.-C.Il termine son rapport par une hypothèse d’interprétation<strong>de</strong> ces disques, sans aucun doute liés à lafabrication <strong>de</strong>s monnaies. Après avoir souligné que<strong>de</strong>ux éléments importants doivent être pris encompte: la gravure en creux et inversée <strong>de</strong>s typesmonétaires et le support mou, donc facile à gravermais inutilisable comme coin monétaire ou moule ;après avoir mis <strong>de</strong> côté l’hypothèse d’exercices d’unapprenti graveur, car les représentations montrentune parfaite maîtrise <strong>de</strong> la gravure, et celle d’ébauchescar il n’y a pas <strong>de</strong> raison <strong>de</strong> les conserver,Gérard Aubin avance l’idée que ces objets pourraientêtre <strong>de</strong>s modèles, <strong>de</strong>s « patrons » ainsi qu’illes qualifie dans son expertise.Il constate, d’après l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s monnaies gauloises,que les coins étaient utilisés au maximum <strong>de</strong> leurspossibilités,etconclut:«…Cetteprolongation <strong>de</strong>la durée <strong>de</strong> vie <strong>de</strong>s coins traduit sans doute unedifficulté à se procurer <strong>de</strong> nouveaux coins, que cesoit pour <strong>de</strong>s raisons économiques ou techniques.On conçoit donc le soin apporté à leur fabricationet le souci <strong>de</strong> ne pas gâcher par une erreur un coinen cours <strong>de</strong> gravure. Un brouillon ou un modèleétait donc précieux. En effet, il était plus facile etplus sûr <strong>de</strong> reproduire exactement un modèle déjàen creux et inversé que <strong>de</strong> partir d’un positif (unemonnaie) et <strong>de</strong> procé<strong>de</strong>r mentalement à une doublecorrection (relief-creux ; orientation). En développantcette idée, on peut aussi penser au travail d’unmaître graveur qui fournit à un tâcheron un modèleà reproduire sur le coin définitif. Dans cette hypothèse,faut-il penser à du matériel issu d’un atelier<strong>de</strong> frappe ou bien à celui d’un graveur itinéranttransportant avec lui les outils <strong>de</strong> son art?… »Il s’agit là <strong>de</strong> premiers regards dans le cadre <strong>de</strong>rapports d’expertise. L’évolution <strong>de</strong> la recherche etpeut-être d’autres découvertes <strong>de</strong> ce type apporteront,souhaitons-le, <strong>de</strong> nouvelles précisions sur lesobjets du « trésor » <strong>de</strong> Sainte-Reine.Françoise Ballet14
Une nouvelle toileau musée FaureD O S S I E RLe musée Faure a récemment enrichi ses collections, puisque le 4 juin<strong>de</strong>rnier, à la faveur d’une vente aux enchères chez Maître Jacques<strong>La</strong>faury à Chambéry, il s’est porté acquéreur d’une belle toiled’inspiration romantique, œuvre du peintre suisse Johann-Jacobus Ulrich(1798-1877), « <strong>La</strong> Casca<strong>de</strong> <strong>de</strong> Grézy », sans doute exécutée vers 1850.né à An<strong>de</strong>lfingen dans le canton <strong>de</strong>Zurich, le jeune Ulrich était <strong>de</strong>stinéà une carrière commerciale, mais abandonna viteses étu<strong>de</strong>s pour <strong>de</strong>venir peintre. Il vint souventen France, et fut l’élève <strong>de</strong> Jean-Victor Bertin(1775-1842), l’un <strong>de</strong>s grands paysagistes dudébut du XIX e siècle dont le musée Faurepossè<strong>de</strong> une aquarelle, d’inspiration très britannique.Car c’est dans la peinture <strong>de</strong> paysagequ’Ulrich va se spécialiser, notamment dans <strong>de</strong>sreprésentations <strong>de</strong> sites montagneux <strong>de</strong> sonpays. Il vint aussi en Normandie pour y peindre<strong>de</strong>s paysages aux côtés <strong>de</strong>s Frères Leprince.« <strong>La</strong> Casca<strong>de</strong> <strong>de</strong> Grézy » est dans le même espritque certains paysages qu’il a peints aux alentoursd’Annecy, tout à fait représentatifs <strong>de</strong>l’école romantique. Ce tableau met en relief unsite cher au cœur <strong>de</strong>s vieux aixois, mais aujourd’huitombé en désuétu<strong>de</strong>, les gorges du Sierroz,en aval <strong>de</strong> Grésy-sur-Aix, qui fut jusque vers1900 un élément touristique incontournable pourles visiteurs <strong>de</strong> la Ville d’eaux. Lieu aussi d’untragique événement, puisque c’est là qu’en 1813,Mme <strong>de</strong> Broc, l’une <strong>de</strong>s suivantes <strong>de</strong> la reineHortense (Hortense <strong>de</strong> Beauharnais, alors reine<strong>de</strong> Hollan<strong>de</strong>), se noya sous les yeux <strong>de</strong> sa maîtresse.C’est en commémoration <strong>de</strong> cet acci<strong>de</strong>ntqu’une stèle fut élevée au pied <strong>de</strong> la casca<strong>de</strong>.On aperçoit d’ailleurs le monument sur le côtédroit du tableau. De fort belle facture, celui-ciest parfaitement équilibré, dans une palette trèsdélicate où dominent les verts et les bleus,rendant une ambiance très psychodramatique.Comme tout paysage romantique, quelquespersonnages, touristes <strong>de</strong> passage, viennentanimer la scène sur fond <strong>de</strong> ciel magnifique.L’œuvre est bien sûr un témoignage importantquant à l’aspect du site au milieu du XIX e siècle,alors que le moulin, au sommet <strong>de</strong> la casca<strong>de</strong>,était en pleine activité. Plus tard, un petit bateauà vapeur permit aux visiteurs <strong>de</strong> venir jusquesous la casca<strong>de</strong> en remontant les gorges. Les plusillustres personnages en villégiature à Aix, lareine Victoria en tête, vinrent visiter ce lieu.Aujourd’hui rattrapé par l’urbanisation galopante,le site est envahi par la végétation et n’offre plusguère d’intérêt. C’est pourquoi cette évocationpeinte est si importante pour la mémoire collectiveaixoise.André Liatard15