18<strong>Briser</strong> <strong>le</strong> si<strong>le</strong>nce – La vio<strong>le</strong>nce sexuel<strong>le</strong> <strong>au</strong> <strong>Cambodge</strong>être <strong>la</strong>issées en grande partie à l’appréciation des policiers sollicités. Amnesty International aconstaté que <strong>la</strong> police ne montrait pas particulièrement d’empressement à donner suite <strong>au</strong>xsigna<strong>le</strong>ments de vio<strong>le</strong>nce sexuel<strong>le</strong>, à quelques exceptions près.Certaines victimes ont été confrontées à un retard particulier de l’enquête de police lorsque<strong>le</strong>s crimes avaient eu lieu pendant un week-end ou un jour férié et que <strong>le</strong>s policiers n’avaientpas <strong>le</strong> temps de <strong>le</strong>s voir ou de <strong>la</strong>ncer une intervention. Par ail<strong>le</strong>urs, certains policiers étaientréticents à enregistrer une p<strong>la</strong>inte quand <strong>la</strong> victime ne connaissait pas l’identité de l’<strong>au</strong>teurprésumé des faits.De plus, <strong>le</strong>s policiers n’informaient pas <strong>le</strong>s victimes de ce qu’ils faisaient ni de <strong>la</strong> progressionde l’enquête. Plusieurs victimes ignoraient si <strong>la</strong> police avait terminé l’enquête et transmisl’affaire <strong>au</strong> ministère public, et certaines ne savaient même pas si el<strong>le</strong> avait ouvert uneenquête.Les engagements internation<strong>au</strong>x en matière de droits humains exigent que <strong>le</strong>s victimes decrimes soient p<strong>le</strong>inement informées et protégées, et ils demandent que <strong>le</strong>s affaires soientrésolues dans <strong>le</strong>s meil<strong>le</strong>urs dé<strong>la</strong>is. L’artic<strong>le</strong>6 de <strong>la</strong> Déc<strong>la</strong>ration des principes fondament<strong>au</strong>xde justice re<strong>la</strong>tifs <strong>au</strong>x victimes de <strong>la</strong> criminalité et <strong>au</strong>x victimes d’abus de pouvoir adoptéepar <strong>le</strong>s Nations unies dispose:«La capacité de l’appareil judiciaire et administratif de répondre <strong>au</strong>x <strong>be</strong>soins des victimesdoit être améliorée:a) En informant <strong>le</strong>s victimes de son rô<strong>le</strong> et des possibilités de recours qu’il offre, des dates etdu dérou<strong>le</strong>ment des procédures et de l’issue de <strong>le</strong>urs affaires, spécia<strong>le</strong>ment lorsqu’il s'agitd’actes criminels graves et lorsqu’el<strong>le</strong>s ont demandé ces informations;b) En permettant que <strong>le</strong>s vues et <strong>le</strong>s préoccupations des victimes soient présentées etexaminées <strong>au</strong>x phases appropriées des instances, lorsque <strong>le</strong>urs intérêts personnels sont enc<strong>au</strong>se, sans préjudice des droits de <strong>la</strong> défense, et dans <strong>le</strong> cadre du système de justice péna<strong>le</strong>du pays;c) En fournissant l’assistance voulue <strong>au</strong>x victimes pendant toute <strong>la</strong> procédure;d) En prenant des mesures pour limiter <strong>au</strong>tant que possib<strong>le</strong> <strong>le</strong>s difficultés rencontrées par <strong>le</strong>svictimes, protéger <strong>au</strong> <strong>be</strong>soin <strong>le</strong>ur vie privée et assurer <strong>le</strong>ur sécurité, ainsi que cel<strong>le</strong> de <strong>le</strong>urfamil<strong>le</strong> et de <strong>le</strong>urs témoins, en <strong>le</strong>s préservant des manœuvres d’intimidation et desreprésail<strong>le</strong>s;e) En évitant <strong>le</strong>s dé<strong>la</strong>is inuti<strong>le</strong>s dans <strong>le</strong> règ<strong>le</strong>ment des affaires et dans l’exécution desdécisions ou arrêts accordant réparation <strong>au</strong>x victimes 27 .»Amnesty International mars 2010 Index: ASA 23/001/2010
<strong>Briser</strong> <strong>le</strong> si<strong>le</strong>nce – La vio<strong>le</strong>nce sexuel<strong>le</strong> <strong>au</strong> <strong>Cambodge</strong>193.3.1 CORRUPTION ET ABSENCE D’ENQUÊTES EN BONNE ET DUE FORME«La police ne travail<strong>le</strong> que si on a de l’argent, si on peut payer. Cent mil<strong>le</strong> riels 28 et vous faites arrêterquelqu’un, mais nous n’avions pas cet argent. Si on ne l’a pas, <strong>la</strong> police ignore tout simp<strong>le</strong>ment l’affaire.»Le père d’une jeune femme de 18ans atteinte d’un handicap mental qui a été violée à deux reprises –<strong>la</strong> dernière fois en novembre 2009.Deux hommes ont violé Mom à cinq reprises en 2006, alors qu’el<strong>le</strong> n’avait que 11ans. Sa mère s’est rendue<strong>au</strong>près de <strong>la</strong> police du district, où <strong>le</strong> chef de <strong>la</strong> police lui a demandé un pot-de-vin de 10dol<strong>la</strong>rs américainspour payer «l’enquête et <strong>le</strong>s fournitures de papeterie». Étant donné qu’el<strong>le</strong> n’avait pas l’argent qu’ilréc<strong>la</strong>mait, <strong>le</strong> chef de <strong>la</strong> police lui a demandé de <strong>le</strong> retrouver dans une chambre d’hôtel, <strong>la</strong>issant entendrequ’un rapport sexuel à <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce de l’argent faciliterait l’enquête sur <strong>le</strong> viol de sa fil<strong>le</strong>.«Dans un premier temps, <strong>la</strong> police ne nous a pas aidés du tout. Il est très diffici<strong>le</strong> de lui faire confiance, et ona vraiment <strong>be</strong>soin du soutien d’ONG pour obtenir véritab<strong>le</strong>ment l’aide de <strong>la</strong> police. Nous avions peur de nousadresser <strong>au</strong>x policiers: nous savons qu’ils harcè<strong>le</strong>nt, intimident et torturent des gens, et qu’ils extorquent del’argent, surtout <strong>au</strong>x famil<strong>le</strong>s faib<strong>le</strong>s et p<strong>au</strong>vres», a expliqué <strong>la</strong> mère de Mom.Une nette majorité des personnes interrogées ont déc<strong>la</strong>ré à Amnesty International qu’el<strong>le</strong>savaient versé des pots-de-vin à <strong>la</strong> police, ou qu’on <strong>le</strong>ur avait demandé d’en payer maisqu’el<strong>le</strong>s n’avaient pas d’argent. Dans 21 des 30cas, <strong>le</strong>s victimes ont indiqué que <strong>la</strong> policeavait «enquêté» sur <strong>le</strong>s faits. Seize d’entre el<strong>le</strong>s ont répondu qu’el<strong>le</strong>s savaient qu’el<strong>le</strong>savaient dû verser des pots-de-vin pour obtenir l’ouverture d’une enquête. Généra<strong>le</strong>ment, on<strong>le</strong>ur avait demandé de payer entre cinq et 10dol<strong>la</strong>rs pour ouvrir une enquête, une sommeque presqu’<strong>au</strong>cune d’el<strong>le</strong> ne pouvait payer.Dans un cas de viol dont <strong>la</strong> victime était une fil<strong>le</strong>tte de neuf ans issue d’une famil<strong>le</strong> <strong>au</strong>xrevenus modestes, <strong>le</strong>s parents ont dû payer l’équiva<strong>le</strong>nt de 45dol<strong>la</strong>rs (environ 34euros) rienqu’à <strong>la</strong> police. Ils ont d’abord signalé <strong>le</strong> crime à <strong>la</strong> police de <strong>le</strong>ur commune, qui a exigé50000riels pour prendre l’affaire en charge. Après que des policiers eurent tenté defaciliter un règ<strong>le</strong>ment extrajudiciaire illégal, que <strong>le</strong>s parents de <strong>la</strong> victime ont refusé, ils sesont rendus <strong>au</strong>près de <strong>la</strong> police provincia<strong>le</strong>, où <strong>le</strong>s gardiens ont demandé 20000riels pour<strong>le</strong>s <strong>la</strong>isser entrer, et <strong>le</strong>s policiers 50000riels supplémentaires pour enquêter sur <strong>le</strong>ursallégations. La famil<strong>le</strong> a payé toutes ces sommes.Les victimes et <strong>le</strong>urs proches ont éga<strong>le</strong>ment déc<strong>la</strong>ré que <strong>le</strong>s policiers ne semb<strong>la</strong>ient pasprendre <strong>le</strong>ur p<strong>la</strong>inte <strong>au</strong> sérieux, en particulier lorsqu’il n’y avait pas de gains financiers à <strong>la</strong>clé pour eux. La famil<strong>le</strong> de Mony a localisé <strong>la</strong> scène du crime après que <strong>la</strong> police eut ignorésa p<strong>la</strong>inte et insinué que cette jeune femme atteinte d’un handicap mental avait consenti àavoir un rapport sexuel avec ses deux agresseurs présumés. Ce n’est que quand sa tante atrouvé une culotte tachée de sang sur <strong>la</strong> scène du crime que <strong>la</strong> police a ouvert une enquête.«Les policiers de <strong>la</strong> commune sont amis avec <strong>le</strong>s agresseurs, donc ils n’ont pas vraimentd’intérêt à enquêter sur cette affaire», a indiqué <strong>le</strong> père de Mony à Amnesty International.Le fait de n’enquêter sur un grave crime qu’à condition qu’un pot-de-vin soit versé constitueIndex: ASA 23/001/2010 Amnesty International mars 2010