3. Quelle est la place de la thérapie cognitive en Italie, ses particularités, les tendances actuelleset l'évolution du modèle cognitif?Comme dans d’autres pays, les thérapies cognitivo-comportementales sont passées en moins de trente ans dela psychologie expérimentale de laboratoire aux applications thérapeutiques qui recouvrent en pratique toutle champ de la psychothérapie. La behaviour therapy (thérapie comportementale), dont la paternité estattribuée à Volpe et Skinner, et plusieurs techniques se sont développées n’accordant pas d’importance, saufexception, à la relation thérapeutique. Les thérapies cognitives de type rationaliste ont bénéficié des apportsd’auteurs tels que Chris Brewin (1988). Il n’est pas simple de séparer les thérapies cognitives constructivisteset rationalistes, car ces dernières ont incorporé des éléments constructivistes. Rappelons que dans l’optiquedu modèle constructiviste, l’homme est vu comme générateur actif de sa propre réalité. La théorie desconstructions personnelles de Kelly (1955) est largement représentée en Italie. Elle se base sur le postulatque les processus psychologiques d’un sujet sont canalisés par la manière dont il anticipe les événements.Parmi les développements récents du constructivisme citons ceux du cognitivisme systémique. La formulationde la théorie de l’attachement de Bowlby, et de manière plus générale la théorie des systèmes motivationnelsinterpersonnels, représentent une importance cruciale dans le cognitivisme contemporain, particulièrementdans la pensée et les écrits de Gianni Liotti (1994). Une telle optique cognitive évolutive et interpersonnellepermet d’expliquer les processus de développement et de construction de l’identité personnelle et s’attacheparticulièrement à la relation thérapeutique.4. Quelles sont les modalités de remboursement par les assurances sociales des thérapiescognitives et leur reconnaissance en Italie?Le remboursement des psychothérapies suit des directives régionales imposées, sans différence entre lesthérapies cognitives et les autres psychothérapies. Dans les services publiques, l’activité de diagnostic et deconsultation est plus importante que la psychothérapie au sens strict. Il s’y déroule donc beaucoup d’activitésde premier niveau, de premier filtre, face au malaise de l’individu et de la famille. Nous ne partageons pasl’avis de ceux qui ont tendance à considérer l’activité de consultation comme un acte simple et limité en nelui accordant qu’un rang inférieur par rapport à la psychothérapie. Au contraire, pour bien travailler dansune activité de consultation il est nécessaire d’avoir une grande expérience psychothérapeutique. L’acte deconsultation est un acte très complexe et délicat car il agit dans un espace et un temps limités dans unesituation de crise. Il peut constituer une source puissante et importante de co-construction de significationsassimilables et praticables par le patient lui-même et peut contenir des valeurs génératrices et évolutivesplutôt que des valeurs de maladie et de souffrance. La situation actuelle fait peser un grand stress sur lespsychothérapeutes du service publique, qui doivent traiter de nombreux patients avec un travailadministratif important.Propos recueillis parDonatella Campus Souche et Alain SoucheRéférenceRezzonico G. & Lambruschi F. (1998). Evoluzione del modello cognitivista. In La psicoterapia cognitiva nelservizio pubblico. Milano: Franco Angeli, pp 19-56.REVUE DE LA LITTERATURE ETPRESENTATION D'OUVRAGESTROUBLES ANXIEUX: L’OUVRAGE DE REFERENCE DE BARLOW MIS A JOUR• Barlow, D.H. & al. (2002). Anxiety and its disorders. The nature and treatment ofanxiety and panic. New York: Guilford Press, 2 nd edition, 704 p.Une nouvelle édition du livre de David Barlow consacré aux troubles anxieux vient de sortir. C’est une bonnenouvelle pour tous ceux qui s’occupent des troubles anxieux et pour leurs patients. Il existait jusqu’àmaintenant deux ouvrages de référence sur ce thème. Publiés quasiment en même temps (1987 et 1988), ilsétaient dus à des pionniers de la thérapie comportementale puis cognitivo-comportementale: Isaac Marks et
David Barlow. Malheureusement, ils commençaient à dater et l’absence de données récentes se faisait sentir.La mise à jour de l’ouvrage de Barlow est donc particulièrement bienvenue.Barlow, une figure marquante du traitement de l’anxiétéDavid Barlow est un psychologue américain installé actuellement à Boston après avoir dirigé un centre detraitement pour les troubles anxieux à Albany (N.Y.). Il a travaillé dans différents domaines cliniques,s’intéressant aux troubles anxieux, sexologiques et post-traumatiques, ainsi qu’aux questions de diagnostic etde classification des troubles anxieux. Il est de ceux qui, dans les années 70, ont contribué à distinguer letrouble panique de l’anxiété généralisée, et à l’identifier comme un trouble spécifique et de grandesignification clinique. Dans le domaine du traitement des troubles anxieux, l’apport de Barlow estconsidérable, puisqu’avec d’autres il a élaboré plusieurs concepts et techniques thérapeutiques quiconstituent encore aujourd’hui la base du traitement psychothérapeutique des troubles anxieux.C’est ainsi qu’à la fin des années 60, il conduit des recherches pionnières sur l’exposition comme principe dutraitement des phobies. Ces travaux sont contemporains de ceux de Marks et coll. en Angleterre. Dans lesannées 80, Barlow souligne le rôle essentiel des intéroceptions dans la panique, et l’effet thérapeutique del’exposition aux intéroceptions déplaisantes de la panique. A la même époque l’équipe d’Oxford (D. Clark, P.Salkovskis, etc.) découvre le rôle pathogène de l’interprétation erronée de ces mêmes intéroceptions etdéveloppe un modèle cognitif du traitement de la panique puis des autres troubles anxieux. En réalité cesdeux approches se complètent parfaitement et le thérapeute a tout intérêt à les intégrer dans sestraitements. En relation avec ses travaux sur les intéroceptions liées à l’anxiété, Barlow développe la notiond’alarme et de fausse alarme pour rendre compte du phénomène panique. Pour les cliniciens, cettemétaphore est très utile car elle parle aux patients et les aide à mettre en place des attitudes et descomportements alternatifs.Anxiety and its disorders: 1 ère édition (1988)En 1988, Barlow publie Anxiety and its disorders, ouvrage magistral qui est une somme de l’essentiel desconnaissances disponibles à l’époque sur les troubles anxieux. Le seul ouvrage d’ambition comparable est decelui de Marks, Fears, phobias and rituals, publié un an auparavant. Ces deux ouvrages se complètent plutôtqu’ils ne se concurrencent, dans la mesure où celui de Barlow intègre l’approche cognitive que Marks neprend presque pas en compte, alors que ce dernier donne un aperçu enrichissant des racines animales etbiologiques de l’anxiété, dimension traitée avec moins d’ampleur par Barlow. Celui-ci présente un modèlethéorique des troubles anxieux. Ce modèle intègre plusieurs niveaux s’enchaînant les uns aux autres pourexpliquer la survenue et la persistance des troubles anxieux:- une certaine vulnérabilité biologique de base- des événements de vie ou facteurs de stress déclenchant une réaction d’alarme ("vraie alarme")- une vulnérabilité psychologique liée au sentiment que les événements sont imprévisibles et noncontrôlables- une réaction d’alarme apprise, avec diminution du seuil de déclenchement de l’alarme ("fausse alarme")- un stockage de cette "structure" dans la mémoire à long terme.La nouvelle édition de 2002C’est la seconde édition de cet ouvrage qui est publiée aujourd’hui, sous le même titre et avec quasiment lamême structure générale. Les premiers chapitres sont consacrés aux problèmes généraux: définition del’anxiété, discussion approfondie de la nature de l’anxiété et de ses ressorts biologiques et psychologiques.Une place particulière est accordée au phénomène de la panique. Le modèle théorique présenté dans lapremière édition est légèrement modifié. Si l’"alarme apprise" joue toujours un rôle central, Barlow définittrois sortes de vulnérabilité, et non plus deux, comme facteurs prédisposants à l’anxiété:- une vulnérabilité biologique- une vulnérabilité psychologique générale (ou non spécifique)- une vulnérabilité psychologique spécifiqueLa vulnérabilité psychologique générale serait liée à un sentiment de contrôle diminué, et serait déterminéepar la (mauvaise) qualité de la relation que le sujet a eu lorsqu’il était enfant avec les figures parentales. Lavulnérabilité psychologique spécifique serait une attention focalisée sur des stimuli spécifiques, perçuscomme dangereux. Ce facteur de prédisposition serait en partie acquis par apprentissage social, et seretrouverait dans d’autres troubles que les troubles anxieux, comme les troubles alimentaires et les troublessomatoformes.Un chapitre est consacré aux problèmes de classification et de diagnostic des troubles anxieux. Les sixderniers chapitres traitent des troubles anxieux spécifiques: Panique et agoraphobie, Phobie spécifique, Etatde stress post-traumatique, Phobie sociale, Anxiété généralisée et TOC. Chacun de ces chapitres présente enune cinquantaine de pages l’essentiel de ce qu’il faut savoir sur le sujet: aspects diagnostiques etépidémiologiques, mécanismes et modèles théoriques, évaluation, traitements psychothérapeutiques etpharmacologiques.