TECHNOLOGIE Mission MSLPremière explorationmartiennepour laLIBSLe 26 novembre dernier, le Rover Curiosity, véhicule d’exploration de haute technologie,quittait la Terre pour Mars à bord de la fusée Atlas V de la Nasa. Des ingénieurs de la Directionde l’énergie nucléaire du <strong>CEA</strong> <strong>Saclay</strong> ont pu assister au lancement : une façon de saluerleur contribution à cette mission MSL (Mars Science Laboratory).Ce week-end-là n’était pourtant pas extraordinaire,du point de vue météorologique,à la base de Cap Canaveral de laNASA en Floride : doux mais couvert. La probabilitéque les conditions de lancement soientacceptables pour un lancement était de 70 %.Attendre le lundi aurait fait descendre ce chiffreà 40 %. L’émotion était donc à son comble quandle Rover Curiosity 1 a finalement été lancé, avecsuccès, le samedi 26 novembre 2011, à 16 h 02heure de Paris. Son voyage vers Mars va durer9 mois, sa mission sur place, une année martiennesoit environ deux années terrestres.Les objectifs de la mission MSL sont ambitieux :il s’agit de déterminer si la vie a pu exister surMars, de caractériser le climat et la géologiede la planète, enfin de préparer l’explorationhumaine. Sur les dix instruments qui équipentle Rover, deux sont français : SAM (SampleAnalysis at Mars), qui recherchera la présence demolécules organiques, et ChemCam (ChemistryCamera), dont le but est d’analyser à distance lacomposition chimique des roches martiennes.Fait remarquable : une équipe de la Direction del’énergie nucléaire du <strong>CEA</strong> <strong>Saclay</strong> a participé àla conception de cet instrument. En partenariatavec l’Institut de recherche en astrophysique etplanétologie (Irap) de Toulouse, ces ingénieursont su adapter une méthode d’analyse, développéede longue date au <strong>CEA</strong> pour des applicationsdans le nucléaire : la LIBS 2 .Une expertise développéepour le nucléaireLa LIBS (voir encadré) consiste à produire unplasma en focalisant un faisceau laser sur lamatière à caractériser, et à analyser la lumièreréémise pour en déterminer la composition.Méthode entièrement optique, elle permet10 CENTRE <strong>CEA</strong> DE SACLAY LE JOURNAL
Mission MSL TECHNOLOGIE© NASA / JPL-CALTECH« Le but est d’analyser àdistance la composition chimiquedes roches martiennes. »Vue d’artiste du Rover Curiosity utilisantl’instrument ChemCam : le faisceau laser est dirigévers la roche à étudier, la lumière réémise étantanalysée par des spectromètres embarqués.Le faisceau laser, représenté en rouge, esten réalité un faisceau infrarouge, invisible à l’œil.La LIBS en brefChaque élément chimique porté dansun état électronique excité émet unelumière qui le caractérise.La LIBS exploite cette propriété de lamatière. Lorsqu’on focalise un rayonlaser suffisamment énergétique surun matériau, celui-ci est vaporisé sousforme de plasma. La lumière émise parce plasma est alors captée et dirigéevers un spectromètre. L’analyse desrésultats de la mesure permet dedéterminer la composition chimique dumilieu qui a été vaporisé. Avec cettetechnique, tous les éléments depuis leplus léger (l’hydrogène), jusqu’aux pluslourds (uranium, plutonium), peuventêtre analysés. Le milieu étudié peut êtreaussi bien un solide, un liquide, ouun gaz. Méthode entièrement optique,la LIBS permet les mesures en tempsréel, et à distance, en particulier enmilieu hostile.d’effectuer des mesures en temps réel et àdistance, en particulier en milieu hostile. Cescaractéristiques sont un réel atout pour larecherche nucléaire. Aussi les ingénieurs duDépartement de physico-chimie (DPC) de laDirection de l’énergie nucléaire ont-ils déve loppéune expertise dans le domaine, aujourd’huiinternationalement reconnue. « La LIBS est lapremière application du laser, explique PatrickMauchien, du DPC. Les premières publicationsdatent de 1962. Ses applications sont multiplesdans le nucléaire. Elle peut être utilisée,par exemple, pour contrôler la composition dematières en fusion à haute température, poureffectuer des analyses chimiques en présence deradioactivité en milieu confiné ou en atmosphèretrès corrosive. Elle peut également être utilisée endehors du laboratoire d’analyse pour détecter despolluants ou identifier rapidement des matériauxà partir de leur composition chimique ».Comment passe-t-on du nucléaireà Mars ?C’est donc tout naturellement aux ingénieursdu DPC que se sont adressés les astronomesde l’Observatoire Midi-Pyrénées, quand ils ont© P. STROPPA / <strong>CEA</strong>décidé d’exploiter les avantages de la LIBS pourl’exploration des roches martiennes. Cependant,d’un laboratoire de recherche du <strong>CEA</strong> <strong>Saclay</strong>à Mars, il n’y a pas… qu’un pas. La plupart desapplications développées jusque-là l’étaient enatmosphère terrienne. Pour adapter la LIBS àl’analyse sur Mars, il a donc fallu recréer en laboratoirel’atmosphère martienne pour réaliser lesexpériences, vérifier la possibilité de faire desmesures jusqu’à 10 mètres de distance (objectifvisé à l’époque), développer une optique dedimension et de poids compatibles pour uninstrument destiné à aller dans l’espace. Pour cefaire, le DPC a accueilli pendant quelques tempsdans ses locaux des chercheurs post-doctorauxen physico-chimie, et les équipes ont pu croiserleurs compétences. Financés par le CNES 3 , cestravaux de recherche ont permis d’étalonnerle dispositif avec diverses roches terrestresplongées en atmosphère martienne et d’évaluerles performances envisageables. Sur la base desrésultats obtenus, la NASA a sélectionné l’équipefrançaise pour développer ChemCam enpartenariat avec le laboratoire américain deLos Alamos.Le pilotage par objectifL’arrivée du Rover sur Mars est prévue en août2012. Il se posera à l’intérieur du cratère Gale,à un endroit où se trouvent des argiles et dessulfates, espèces qui se forment en présence1/ En 2009, la NASA lance un concours auprès du publicpour baptiser le Rover de la mission MSL. Sur plus de9 000 propositions, le vote des internautes a finalementretenu le nom de Curiosity.2/ Acronyme anglais pour Laser Induced BreakdownSpectroscopy : analyse spectroscopique sur plasma induitpar ablation laser.3/ Centre national d’études spatiales.Plasma formé à la surfaced’un liquide lors de l’analysepar LIBS de sa compositionélémentaire.CENTRE <strong>CEA</strong> DE SACLAY LE JOURNAL11