14∑PRESSEACTUELSREVUE XXI Le trimestriel a trouvé sa rentabilité sans publicité et grâce à ses lecteurs.FINANCER LA PRESSEAUTREMENTSOLUTIONS. Les aides étatiques ne sont pas les seules possibilitésde soutenir le journalisme. Inventaire en Suisse et à l’étranger.LUC DEBRAINEPAR GOOGLELe premier moteur de recherche,qui est aussi la première régiepublicitaire au monde, dit queles journaux profitent du référencementde leurs articles. Lapresse européenne parle aucontraire de captation de valeuret d’injure faite au droit d’auteur.Les éditeurs veulent faire payerGoogle – et les autres agrégateurs– pour la reprise de leurscontenus. Grâce à la Lex Google,approuvée par le Bundestag, lesgroupes de presse allemandspeuvent réclamer dès le 1er aoûtdes droits d’auteur sur lesextraits d’articles publiés enligne par le géant américain. Enretour, celui-ci menace de neplus du tout référencer cesmêmes articles, ce qui seraitpréjudiciable à l’audience desjournaux sur l’internet. La loiallemande pourrait être remiseen question.Evitant l’exemple allemand, laFrance a conclu un marché avecGoogle. L’entreprise finance unfonds d’innovation qui soutiendradès la fin 2013 la mue numériquedes journaux et magazines.Mais la dotation de cefonds est faible (60 millionsd’euros sur trois ans), surtoutlorsqu’il est mis en relation avecle chiffre d’affaires de Google(50 milliards de dollars en2012).Les éditeurs belges francophones,qui ont longtempsbataillé avec le moteur derecherche, ont conclu avec lui unpartenariat commercial fin 2012.Google s’est engagé à augmenterla fréquentation de leurs sitesd’information en ligne et àmieux monétiser leurs contenus.Trois pays, trois modèles différentsde partenariats avecGoogle… Ces scénarios au caspar cas, chacun âprement discuté,font le jeu de l’américain.Ce qui n’empêchera pas les éditeurssuisses et italiens de bientôtlui demander des comptes.PAR LES MURS PAYANTSAux Etats-Unis, les éditeursl’appellent désormais le «péchéoriginel». A la suite d’un accordfondateur entre Yahoo et Reutersen 1993, la presse s’est décidéeà mettre gratuitement enligne ses articles. La gratuité,c’était l’assurance de plus d’audience,donc plus de publicité,plus de revenus, plus de valeurboursière. Or, la publicité est peuvenue, de surcroît à bas prix. Sibien que la presse en ligne s’estrefaite à l’idée de l’accès payantà ses contenus, même si entretempsune génération s’est trèsbien accoutumée à une autreidée: l’information à l’œil. Heureusement,l’argument selonlequel le journalisme de qualitéa une valeur, et que cette valeura un prix, a été compris.Des journaux comme le NewYork Times, qui a réintroduit un«mur payant» en 2011, tirentdésormais plus de revenus enligne que par l’encre d’imprimerie.Ce nouveau type de contratentre les journaux et leurs lecteurspeut prendre l’aspect d’uncercle vertueux qui encourage, ànouveau, l’abonnement surpapier.A quelques exceptions près, lesgrands titres de presse ont élevéce fameux mur, le construisentactuellement (le puissant Bild enAllemagne) ou s’apprêtent à lefaire. Avec des stratégiesdiverses, dont celle du freemium:une offre libre d’accès et uneoffre haut de gamme payante.La Suisse n’échappe pas à la tendance.Le Temps a son paywalldepuis 2011, L’Hebdo depuis2012, le Blick l’aura cet automne.PAR LE MÉCÉNATActeur essentiel du débatdémocratique, le journalisme dequalité doit absolument subsister.C’est le raisonnement desphilanthropes et mécènes quifinancent depuis 2008 le sited’investigation Pro Publica.Avec ses 35 limiers, celui-ciforme désormais la plus grandeéquipe de journalisme d’investigationaux Etats-Unis. ProPublica a obtenu en 2010 unprix Pulitzer pour un article surles conséquences de la tempêteKatrina en Louisiane. Le site àbut non lucratif est aussi soutenupar ses lecteurs. Le financementparticipatif du journalismeest également uneexpérience tentée par des sitesd’enquête comme Spot Us. Ou,dans le photojournalisme, pardes plateformes internationalescomme Emphas.is.L’HEBDO <strong>31</strong> JUILLET 2013
PRESSE∑15PAR LES LECTEURSL’exemple de publications auxcontenus de qualité mais sanspublicité aucune commence àfaire école. Le succès en Francede la revue XXI ou de sites d’investigationcomme Mediapartmontre qu’une aventure depresse peut être viable avec lesseuls revenus de son lectorat.Reste la question de la taille critique.XXI vend 60 000 exemplairespar numéro et Mediapartcompte 75 000 abonnés dans unpays de 66 millions d’habitants.La Suisse en compte près de dixfois moins, ce qui pose la questionde la validité d’un tel modèleéconomique dans le pays, a fortiorien Suisse romande.PAR L’ABSENCE DEPUBLICITÉ À LA TV PUBLIQUEL’absence de publicité à la BBC,sauf sur ses canaux internationaux,fait le jeu des autres médiasen Grande-Bretagne, en particulierlorsque les annonceurs sefont plus rares. C’est égalementle cas sur le site d’information enligne de la même BBC, sur sonpropre territoire (à l’étranger, lesite accueille des annonces). Ilserait inconvenant, pour une telleréférence culturelle, qui vit de laredevance publique, de voir sesprogrammes hachés menus parde la publicité. Cela n’empêche legroupe étatique de produireparmi les meilleurs contenus aumonde, de les revendre à bonprix et de tirer de ce commerceune bonne part de ses revenus.L’enjeu de la publicité sur leschaînes de télévision publiqueset sur leurs sites en ligne mérited’être reconsidéré, à l’heure desdifficultés économiques de lapresse. L’exemple britannique,mais aussi celui de France Télévisions,qui a supprimé la publicitéen 2009, prend un singulier reliefdans une période où même lespartis politiques cherchent denouveaux financements pour lapresse. √<strong>31</strong> JUILLET 2013 L’HEBDOL’ÉROSION S’EST ACCÉLÉRÉE DEPUIS LES ANNÉES 2000¬ÉVOLUTION DU NOMBRE DE TITRES DE JOURNAUX ET DES TIRAGES DEPUIS 1939450Nombre de titres406400350300250200150100%90%80%70%60%50%40%30%20%10%0%Nombre de titres Tirage moyen journalier Tirage global1939194<strong>31</strong>95019551960196519681971197<strong>31</strong>9741976197719781979198019811982198<strong>31</strong>98419851986198719881989199019911992199<strong>31</strong>994199519961997199819992000200120022003200420052006200720082009201020112012¬DISTRIBUTION DE L’IMPRESSION PUBLICITAIRE DANS LES MÉDIASPresse quotidienne, presse régionalehebdomadaire et dominicalePresse publique, financière et économiquePresse spécialiséePresse professionnelleTélévisionRadioCinéma4,5Tirage en millionsTélétexteInternetOut-of-Home (affichage, écrans)Publicité numérique2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 YTD 2013 Juin 2013Sources: Media Focus, juin 2013. Médias Suisses, janvier 2013Maximum en 19954 261 970Maximum en 19863 450 940En 20123 429 401En 20121 893 185SUISSE En dix ans, les recettes publicitaires de la presse écrite ont, en Suisse, fondu de 1 milliard de francs, soit d’un tiers.L’arrivée des gratuits, la crise financière et l’émergence du numérique ont modifié les comportements des annonceurs.1894,03,53,02,52,01,51,0SOURCES: MEDIA FOCUS, JUIN 2013. MÉDIAS SUISSES, JANVIER 2013ACTUELS