62∑PHOTOGRAPHIESMARTPHONE Les montagnes manipulées avecune application, par Penelope Umbrico, à Rossinière.LE CIEL EST LA LIMITE Les voûtes baroquesphotographiées par Cyril Porchet, à Rossinière.TRACÉS ET RETRACÉS Les pierriers de Nicolas Crispini,à Rossinière, avec l’ajout de la ligne du dénivelé GPS.PHOTOS LUC DEBRAINE|NICOLAS CRISPINIindustriel (l’intention artistique). Leséchelles jouent elles-mêmes du contraste:les photos sont monumentales lorsqu’onles regarde de près, mais minusculesquand on les appréhende de loin, dans ledécor grandiose de Mauvoisin.Cette conversation silencieuse permet desaisir une qualité diffuse: l’intelligence deslieux. C’est ce qui arrive également àAlt. +1000 dans le Pays-d’Enhaut, à Rossinière.Le thème de la troisième éditionde ce festival consacré à la photographiede montagne est l’altitude (voir L’HebdoN o 22).La douzaine d’expositions installées dansles habitations séculaires, ou en plein air,multiplient les approches conceptuellesde l’altitude. Nicolas Crispini photographieles pierriers sur lesquels il a l’habitudede se promener, et parfois de seperdre, à près de 2000 mètres. Il y ajouteaprès coup le tracé des dénivelés enregistrépar son GPS, superposant une nouvellemontagne à celle enregistrée sur place.Simon Norfolk s’est installé dans la valléede Bamiyan, en Afghanistan, à2500 mètres, pour contempler le cycle dessaisons avec un dispositif toujoursmagique: un même lieu photographié auprintemps, en été, en automne et en hiver.Avec en toile de fond une dernière saisonmenaçante, celle des catastrophes causéespar la violente fonte des neiges. Cyril Porchetmet son objectif à la verticale pourphotographier les voûtes peintes deséglises baroques, ces représentations del’altitude infinie de la divinité. Mais le noiret blanc, la lumière et la perspectivesèment le doute: que voit-on? Un trompel’œil,à coup sûr…Là encore, le tête-à-tête entre les œuvreset leur environnement permet de mieuxcomprendre le thème choisi. Montrer lesaltitudes en altitude, si l’on ose dire, c’estfavoriser la contemplation, celle qui prendson temps et s’imprègne des lieux. Tout lemonde y gagne, les spectateurs comme lesartistes.Cet été, la montagne propose d’autresexpositions excursions. A Rossinière toujours,un parcours mêlant photographieset objets permet de découvrir l’œuvre enbambou de l’architecte colombien SimónVélez. A Verbier, entre les Ruinettes et LaChaux, le festival de musique classiquerevient sur ses 20 ans avec une promenadephotographique. A Champex, au JardinFlore-Alpe, l’exposition de sculptures fêteses 10 ans avec une rétrospective desartistes qui ont participé aux éditions précédentes.Enfin, le village de Morginsprend l’allure d’une galerie d’art grâce à laparticipation d’une vingtaine d’artistes.√www.museedebagnes.ch, www.plus1000.ch,http://learning-from-vernacular.epfl.ch, www.verbier.ch,www.flore-alpe.ch, http://efaexpo.com
LIVRE∑63«Chaque époque choisitses chefs-d’œuvre»Eric Bulliard et Christophe Dutoit se sont attelés à des recherches sur la naissanced’œuvres devenues des «classiques», des incontournables. Les deux journalistes de«La Gruyère» les ont compilées dans un bouquin.VICKY HUGUELETerrière tout chef-d’œuvre se«D trouvent de la sueur et desdoutes.» Dans le livre Naissance d’un classique,les journalistes culturels Eric Bulliardet Christophe Dutoit retracent la genèse dedouze œuvres devenues «classiques». DesMisérables d’Hugo à Apocalypse Now deCoppola en passant par Le penseur deRodin, le livre touche à tous les domainesartistiques. Une sélection effectuée dans lecadre d’une série d’été que les deux rédacteursont créée en 2012 pour leur journal LaGruyère.Parfois fulgurants, souvent difficiles à l’accouchement,les douze classiques choisissont racontés au travers d’anecdotes toujoursétonnantes. Deux exemples.Cyrano: un pied de nez au destin. Le Cyranode Bergerac d’Edmond Rostand était voué àl’échec. Personne ne croyait en cette pièce dethéâtre racontant, en alexandrins, l’histoired’un obscur poète du XVII e siècle. Un conseillerde Rostand lui avait même suggéré de supprimerla tirade des nez qui, d’après lui, allait«faire crouler la pièce sous le ridicule». Heureusement,Rostand ne l’a pas écouté.Cette nuit du 27 décembre 1897, au théâtreparisien de la Porte-Saint-Martin, Cyrano deBergerac entrait dans la légende. Quaranterappels. Assez pour que le régisseur finisse parlaisser le rideau ouvert. Un triomphe qu’EdmondRostand lui-même n’attendait pas.Born to run: la naissance du Boss. 1975. L’annéeoù Bruce Springsteen devint le Boss. Avecl’album Born to Run, il passe d’espoir local àstar mondiale. Une galette qui n’a pas été facileà produire. A l’époque, Bruce Springsteen commenceà peine d’être connu sur la côte Est desEtats-Unis. On se rappelle de cette phrasedésormais légendaire lâchée par le critique JonLandau, qui deviendra son manager: «J’ai vule futur du rock’n’roll et son nom est BruceSpringsteen.» Mais ses deux premiers albumsse vendent mal et son label, Columbia, s’impatiente.Le chanteur sait que ce troisième seradécisif. Trop exigeant, jamais satisfait, ilpousse ses musiciens à bout: c’est lui le Boss.Après dix-neuf mois d’écriture et d’enregistrement,8 titres voient le jour. Trente-neufminutes qui entreront dans l’histoire durock. Un succès immédiat qui, quarante ansaprès, dure toujours: 27 500 spectateurssont allés écouter le Boss au Stade deGenève le 3 <strong>juillet</strong> dernier!√«Une œuvre, une histoire»«CYRANO DE BERGERAC» Une première, un succès immédiat.<strong>31</strong> JUILLET 2013 L’HEBDOAKG-IMAGESPourquoi est-ce que certaines œuvres deviennent des classiques, alors qued’autres disparaissent? Les réponses de trois historiennes de l’art neuchâteloises.Sara Petrucci: «Des œuvres précieuses à une époque peuvent être successivementoubliées parce que le goût change, ou parce qu’elles subissent desdétériorations liées à des intempéries, à des mauvais traitements, à denouvelles expérimentations techniques ratées.» Une œuvre peut «tomberen désuétude si elle ne correspond plus au goût d’une époque ou que les clésutiles à sa lecture sont trop éloignées du spectateur». Sara Petrucci affirmeque «ce qui assure la postérité d’une œuvre c’est sa capacité à raconter deshistoires à travers les siècles. Une histoire qu’elle figure, ou sa propre histoire».Pour Eloïse Weiner, le côté populaire, «dans le bon sens du terme», de cesœuvres classiques joue un grand rôle. «Au Louvre, tout le monde se pressepour voir le portrait de Mona Lisa. La culture se fixe sur certaines œuvres.»Pamella Guerdat, quant à elle, note l’importance du lieu de conservation.«Dans un musée une œuvre perdure. Tandis que dans une collection privée,elle peut être vendue à tout moment, gagner le marché ou n’importe queltype d’habitat. Et peut peut-être disparaître un jour. Le musée assure uneforme de protection.»√PASSIONS