30 - mondomix.com - PortraitRégis GizavoAccordéon partageurQueens, il enchaîne à peine arrivé les camarades de jeux dans les registresles plus divers. Le batteur Francis Lassus l’invite dans Bohé Combo, puis on val’entendre aux côtés de Graeme Allwright, sur les albums de Zao, Higelin, desTêtes Brûlées... En 1993, il devient l’accordéoniste d’I Muvrini, en remplacementde Daniel Mille. En 2002, il t<strong>ou</strong>rne en Afrique du Sud avec l’accordéonisteMarc Berth<strong>ou</strong>mieux et collabore à l’album Falange Canibal du Brésilien Lenine.L’année suivante, il participe au Voz de Amor de Cesaria Evora et s’impliquedans le Malagasy All Stars, avec Fenoamby, Justin Vali, Dama et Erick Manana.On l’a aussi entendu avec B<strong>ou</strong>bacar Traoré et sur les derniers albums de ManoSolo. T<strong>ou</strong>s deux seront ses invités à F<strong>ou</strong>gères, ainsi que Graeme Allwright, “lepremier artiste que j’ai accompagné en arrivant en France”, raconte Gizavo.C’est la première fois qu’on lui offre une carte blanche. Il se réj<strong>ou</strong>it de ce n<strong>ou</strong>veaumoment partagé en perspective. Inutile de dire que si les budgets étaientextensibles, il en inviterait du monde ! Son carnet d’adresses, on l’aura compris,est particulièrement f<strong>ou</strong>rni. “J’aurais bien v<strong>ou</strong>lu que L<strong>ou</strong>is Mhlanga soit là, maisil n’était pas dispo. En t<strong>ou</strong>t cas, j’espère aussi p<strong>ou</strong>voir faire venir, si le festivalest ok, la chanteuse flamenco Joséphina, que j’ai connue avec I Muvrini”.D’où lui vient cette envie permanente de se connecter avec tant de musiciens etchanteurs, comme il le fait depuis son arrivée en France ? “J<strong>ou</strong>er avec des gensd’univers différents qui n’ont rien à voir avec la musique malgache m’a t<strong>ou</strong>j<strong>ou</strong>rsintéressé. Ma culture, ce sont mes oreilles, je suis un musicien d’instinct etp<strong>ou</strong>r moi, c’est très excitant de faire des choses n<strong>ou</strong>velles, que je ne connaispas. Par exemple, avec Mano Solo, je j<strong>ou</strong>e de la valse alors que je n’en avaisjamais fait. C’est enrichissant, une <strong>ou</strong>verture p<strong>ou</strong>r moi d’aller à la rencontred’autres mondes.” Dans son prochain album, il y aura une kora et puis un j<strong>ou</strong>eurde tabla indien, rencontré au c<strong>ou</strong>rs de son périple en Inde il y a quelques mois.Car ses multiples collaborations ne lui font pas <strong>ou</strong>blier l’essentiel, sa proprecarrière. “J’aime bien rencontrer les gens, mais si j’ai fait 12.000 bornes, c’estque j’ai mon truc à faire passer aussi”. Un “truc” qui a germé autrefois “là-bas”,quand il pêchait près de Tuléar (auj<strong>ou</strong>rd'hui Toliary), sur la côte sud-<strong>ou</strong>est deMadagascar d'où il est originaire. Il n'arrêtait pas de chanter. C'est comme çaqu'il s'est fait la voix. Une voix ample et forte, à l'émotion acérée, qu'il lancedésormais conquérante au-dessus de son accordéon, un instrument appris dèsl'enfance, à l'époque où sur l'île on payait en têtes de zébus les meilleurs accordéonistesqui animaient fêtes et rituels.Le festival Voix des Pays, à F<strong>ou</strong>gères, offre une carte blanche à RégisGizavo. Par Patrick LabesseAng<strong>ou</strong>lême, 1 er juin 2005, <strong>ou</strong>verture du festival Musiques Métisses. Sur scène,de pimpantes mamies portant jupettes sur collants noirs, petites socquettesr<strong>ou</strong>ges et blanches, baskets : les Mahotella Queens, messagères revigorantesde la musique sud-africaine. Ce soir, un orchestre resserré les ent<strong>ou</strong>re. Un trioexemplaire de justesse, formé aut<strong>ou</strong>r de l’accordéoniste malgache Régis Gizavo,avec David Mirandon, son percussionniste-batteur attitré, et L<strong>ou</strong>is Mhlanga, unguitariste originaire du Zimbabwe. T<strong>ou</strong>s les trois vont sortir un album ensemblel’année suivante, Stories, sur le label Marabi. Ce trio associé aux Queens estune formule composée spécialement p<strong>ou</strong>r l'occasion, cela peut s'appeler unecréation.creditRégis Gizavo avait t<strong>ou</strong>t juste six ans lorsqu'il a commencé à j<strong>ou</strong>er dans lesfêtes de son école avec l'accordéon diatonique de son père instituteur. Plustard, quand papa est passé au chromatique, fiston a suivi naturellement. Il n’apas tardé ensuite à se constituer un répertoire, et commencé à faire danserles gens du coin avec son premier gr<strong>ou</strong>pe, Les Flibustiers. Puis Régis Gizavo aintégré les Sailors, un gr<strong>ou</strong>pe professionnel, un vrai. En 1989, il enregistrait déjàses propres compositions et fondait le gr<strong>ou</strong>pe Jihé avec le guitariste D'Gary.L'année suivante, lauréat des Déc<strong>ou</strong>vertes de RFI, il t<strong>ou</strong>rnait la page. En r<strong>ou</strong>tep<strong>ou</strong>r la France et les rencontres t<strong>ou</strong>s azimuts. S’il avait la possibilité d’offrir unecarte blanche à un artiste, qui donc choisirait-il ? "Lenine !" répond t<strong>ou</strong>t de goRégis Gizavo.* Carte blanche à Régis Gizavo le 5 juillet à F<strong>ou</strong>gères (35) au Festival Voix des Pays,du 5 au 7 juillet.> www.office-culturel-f<strong>ou</strong>geres.fr
Kreizh Breizh Akadémi 2Le modal en modèleReportage - mondomix.com - 31La Kreizh Breizh Akadémi 2 avec Erik Marchand (deb<strong>ou</strong>t à droite) et Medi Haddab (premier à gauche du premier rang)E.C.Sur une initiative d’Erik Marchand, la Kreizh Breizh Akadémi 2réunit une d<strong>ou</strong>zaine de jeunes musiciens bretons et remet augoût du j<strong>ou</strong>r la musique bretonne telle qu’elle se pratiquait il ya près d’un siècle. Entre innovation et transmission, le projet proposeà travers la modalité, une intéressante <strong>ou</strong>verture du patrimoinepopulaire breton aux musiques de la Méditerranée <strong>ou</strong> du Moyen-Orient.Reportage en Bretagne par Églantine Chabasseur.Les musiciens se retr<strong>ou</strong>vent petit à petit aut<strong>ou</strong>r d’un café léger et de tartinesau beurre salé. Erik Marchand les salue chaleureusement et décide ce matinde concentrer son attention sur les deux chanteuses. L’une d’elles arrive deloin : hier soir, elle a chanté du kan ha diskan à Brest avec sa mère, “le chantet déchant” si populaire dans la région. Bientôt, la Kreizh Breizh Akadémi est aucomplet. “L’Académie de Centre Bretagne” entame ce matin le troisième j<strong>ou</strong>r desa seconde session de travail, dirigée cette fois-ci par le j<strong>ou</strong>eur de <strong>ou</strong>d MehdiHaddab. Créée en 2005 sur une initiative d’Erik Marchand, la KBA articule sontravail aut<strong>ou</strong>r de la transmission et l’innovation, et se situe évidemment assezloin de l’autre académie, aux visées nettement moins culturelles.Erik Marchand, chanteur, j<strong>ou</strong>eur de treujenn gaol, la clarinette bretonne, etpersonnage incont<strong>ou</strong>rnable de la culture bretonne, a collecté pendant desannées des chants d’anciens, des kan ha diskan <strong>ou</strong> des gwerz chantées,dans t<strong>ou</strong>te la Bretagne. Avec une d<strong>ou</strong>zaine de jeunes musiciens, il travaillece répertoire populaire local, en partant du matériau a cappella, p<strong>ou</strong>r ensuitemettre en place une orchestration. Cette année, la priorité a été donnée auxcordes. Ainsi, mandoline, la<strong>ou</strong>d, guitares, harpe, violons, contrebasse donnent laréplique aux flûtes, au cajon et aux voix. Le premier collectif de la Kreizh BreizhAcadémi, en 2005/2006, s’appelait d’ailleurs “Norkst”, “un orchestre” en breton.Le second cherche t<strong>ou</strong>j<strong>ou</strong>rs son nom…Le cœur de l’initiative d’Erik Marchand est de refaire de la musique bretonneune musique modale. Il y a un siècle, la musique bretonne —comme bonnombre de musiques populaires européennes— n’avait en effet pas suivi ledéveloppement harmonique de la majorité des musiques occidentales. Ellen’utilisait pas gammes et grilles d’accord. Erik Marchand explique : “La musiquebretonne est modale, mais dans son histoire récente, soit environ ces quatrevingtdernières années, t<strong>ou</strong>te son évolution a été orientée vers l’adaptation del’harmonie. Notre travail ici est de faire en sorte de créer une musique modernebretonne mais qui s’attache à des formes locales plutôt anciennes t<strong>ou</strong>j<strong>ou</strong>rsutilisées par les chanteurs de kan ha diskan dans la région, mais jamais dansla musique d’orchestre”. P<strong>ou</strong>r apporter de n<strong>ou</strong>veaux regards sur cette musiquebretonne, Erik Marchand fait intervenir des musiciens dont le langage est modalpar essence. L’Orient, le bassin méditerranéen, les pays du Moyen-Orient <strong>ou</strong>certaines formes de musiques populaires européennes n’ont en effet pas connuce que Mehdi Haddab appelle “le j<strong>ou</strong>g harmonique”. Ainsi, l’année dernière,Thierry Robin, Keyvan Chemirani <strong>ou</strong> Danyel Waro avaient proposé leur proprevision de la modalité aux musiciens de “Norkst” lors d’ateliers <strong>ou</strong> de masterclass.Mehdi Haddab possède une large culture musicale et dirige avec énergie cestrois j<strong>ou</strong>rs de travail. Il laisse la majeure partie du temps son <strong>ou</strong>d psychédéliquedans son étui et préfère faire travailler précisément les différentes sectionsentre elles. T<strong>ou</strong>te la difficulté réside dans le respect du thème initial et dans lapertinence des arrangements. Lors d’une petite pause, s<strong>ou</strong>s le soleil éclatantde Bretagne, il explique : "On prend les morceaux au niveau zéro. Dans ceque n<strong>ou</strong>s propose Erik, il y a un thème mais pas forcément de rythme puisquece sont des morceaux chantés. Résultat : on a une liberté totale p<strong>ou</strong>r lesarrangements rythmiques. Ensuite, il faut bien sûr respecter les identités dechacun…”. Un autre challenge que Mehdi Haddab relève avec enth<strong>ou</strong>siasme.Les musiciens de la Kreizh Breizh 2 ont entre 20 ans et 28 ans, possèdent desparc<strong>ou</strong>rs extrêmement diversifiés, entre apprentissage académique et approchespontanée de la musique. T<strong>ou</strong>s ont dû adapter leurs instruments aux quarts deton présents dans la musique modale et se faire l’oreille à ces n<strong>ou</strong>veaux modesde jeu.Après quelques autres séances de travail à La Grande B<strong>ou</strong>tique, “friche articole”de Langonnet, la Kreizh Breizh AKadémi 2 sera apte à présenter son répertoiresur les scènes de festivals. Le label Innacor, “haut-parleur des cultures deBretagne et du monde”, fondé par Erik Marchand, Bertrand Dupont, et JackyMolard, sortira sans d<strong>ou</strong>te le résultat de ce travail de revalorisation du répertoirepopulaire breton. À suivre !