40 38<strong>Mondomix</strong>.comVOYAGEC’est vraiment <strong>le</strong> Pérou !Î<strong>le</strong> de Taquil<strong>le</strong>, lac Titicaca.Enfin l’origine de l’expression s’éclaircit. Y a-t-il plus beau pays ? Peut-être et peu importe.Petit carnet de voyage, entre vestiges andins et immersion amazonienne.Texte et photographies : Ludovic TomasUn bil<strong>le</strong>t d’avion, un guide de voyage dans <strong>le</strong> sac à dos et un vague itinéraire imaginéà la hâte en jetant un œil sur une carte. Le hasard, l’intuition et <strong>le</strong>s pulsionsferont <strong>le</strong> reste. C’est dans cet esprit que je suis parti, seul, à la découverte duPérou. L’unique règ<strong>le</strong> : en prendre p<strong>le</strong>in la vue et sentir au plus près cette terre, sespeup<strong>le</strong>s, <strong>le</strong>ur quotidien et <strong>le</strong>urs cultures millénaires, débarrassé d’un quelconqueprisme ethnocentrique.« au réveil,mieux vaut vérifier que <strong>le</strong>s bottesne sont pas occupées par quelquesfourmis venimeuses, araignées etautres scorpions »Lima, la mégapo<strong>le</strong> de 8 millions d’habitants impressionne. Malgré son immensité,son ciel bas et sa circulation incessante, la vil<strong>le</strong> présente bien des attraits. Uncentre historique colonial p<strong>le</strong>in de charme, une corniche aux nombreux jardinspublics surplombant <strong>le</strong> Pacifique, des quartiers à la vie nocturne animée et mêmequelques sites archéologiques en p<strong>le</strong>ine jung<strong>le</strong> urbaine. Lima grouil<strong>le</strong> de vie etd’envies.Dix-huit heures de bus plus au sud, Arequipa, cité andine, deuxième du pays ennombre d’habitants, est cernée de volcans. Vil<strong>le</strong> blanche du fait du sillar, rochevolcanique avec laquel<strong>le</strong> sont bâtis la plupart des édifices, Arequipa est poséeà 2 350 mètres d’altitude. Plus encore qu’à Lima, l’imposante Plaza de armasaccueil<strong>le</strong> une fou<strong>le</strong> de badauds venus profiter d’un banc public, profiter de lafraicheur d’une imposante fontaine ou épier <strong>le</strong>s coup<strong>le</strong>s d’amoureux... Fierté dela vil<strong>le</strong>, la momie congelée d’une jeune Inca sacrifiée au dieu So<strong>le</strong>il est surnomméeprincesse Juanita. Retrouvée quasi-intacte par des archéologues du sièc<strong>le</strong>dernier, el<strong>le</strong> trône dans un petit musée et émeut inévitab<strong>le</strong>ment. Incontournab<strong>le</strong>spour <strong>le</strong>urs cou<strong>le</strong>urs et <strong>le</strong>urs atmosphères opposées, l’immense monastère SantaCatalina et <strong>le</strong> marché conçu par Gustave Eiffel méritent plus que <strong>le</strong> coup d’œil.Il est temps de quitter <strong>le</strong>s ambiances citadines et de respirer <strong>le</strong> grand air du Val<strong>le</strong>edel Colca. C’est là que se trouve <strong>le</strong> deuxième plus profond canyon au <strong>monde</strong>,qui plonge de 3 191 mètres. Un lieu magnifique qui peut s’explorer sans guide.n°56 Mars/Avril 2013
Voyage / Pérou41Pendant des heures de marche, on se sent seul au <strong>monde</strong>, entre ciel et terre. Leso<strong>le</strong>il cogne mais l’arrivée dans une oasis, équipée d’hôtels improbab<strong>le</strong>s avecpiscine, récompense <strong>le</strong>s efforts.Tourisme autogéré sur <strong>le</strong> lac TiticacaL’aventure continue avec un autre record, celui du lac navigab<strong>le</strong> <strong>le</strong> plus haut du<strong>monde</strong> – environ 4 000 mètres - au nom légendaire de Titicaca. Depuis <strong>le</strong> portde Puno, j’embarque pour <strong>le</strong>s î<strong>le</strong>s d’Amantani et de Taqui<strong>le</strong>. Petits paradis habitésde peuplades parlant <strong>le</strong> quetchua, sans hôtels ni voitures, où l’on dort chezl’autochtone. Du tourisme équitab<strong>le</strong> autogéré. A destination, <strong>le</strong> capitaine du bateauattribue aux visiteurs <strong>le</strong>s famil<strong>le</strong>s qui <strong>le</strong>s logeront. Je suis accueilli dans unemaison aussi spacieuse que spartiate. Même basiques, <strong>le</strong>s échanges avec meshôtes laissent apparaître une profonde humanité et beaucoup de dignité chez cespersonnes accueillant des étrangers pour subvenir à <strong>le</strong>urs besoins, à des annéeslumièredes nôtres. A cette altitude, j’ai ressenti pour la première fois el soroche,<strong>le</strong> fameux mal des montagnes qui, en plus des difficultés respiratoires, provoqued’incroyab<strong>le</strong>s dou<strong>le</strong>urs à la tête proche d’une sinusite, assèche <strong>le</strong> nez et laisseapparaître du sang sur <strong>le</strong>s muqueuses. Le bon remède est la feuil<strong>le</strong> de coca. I<strong>le</strong>st donc très fréquent de voir <strong>le</strong>s Péruviens mastiquer cette plante sacrée dont <strong>le</strong>pays est <strong>le</strong> premier producteur mondial.paysages, la gastronomie, <strong>le</strong>s activités de la populationcomme sa physionomie ou son accent proche du brésilienet du créo<strong>le</strong>. La vil<strong>le</strong> est très bruyante mais très reposantedès qu’on lui tourne <strong>le</strong> dos pour faire face au f<strong>le</strong>uve.C’est d’Iquitos que l’on s’enfonce <strong>le</strong> plus aisément dans lajung<strong>le</strong>. Des dizaines d’agences proposent des excursionsà la durée et au confort variab<strong>le</strong>s. L’aventure débute àquelques kilomètres de la confluence qui donne naissanceà l’Amazone, f<strong>le</strong>uve <strong>le</strong> plus long du <strong>monde</strong>. Mon guideest originaire d’une petite communauté villageoise voisine.Par ses connaissances et sa capacité d’observation, cejeune Tarzan de 23 ans me fait passer un séjour inoubliab<strong>le</strong>.Marches de jour comme de nuit, machette à la mainet botte aux pieds, parfois en canoë à moteur. Le si<strong>le</strong>ncen’existe pas. Il y a toujours un son et l’on entend beaucoupplus que ce qu’on voit car la faune est plus rapideFresque mura<strong>le</strong> dans une rue de LimaUn lama veil<strong>le</strong> sur <strong>le</strong> Machu PichuLe Machu Picchu à 6 heures du matinVient <strong>le</strong> moment de s’attaquer à la région de tous <strong>le</strong>s superlatifs : la Vallée sacréedes Incas avec, en point d’orgue, l’un des plus célèbres vestiges du <strong>monde</strong> : <strong>le</strong>Machu Picchu. Depuis Cuzco, ancienne capita<strong>le</strong> de l’empire inca, on peut faci<strong>le</strong>mentgraviter dans cette province-musée à ciel ouvert. L’arrivée est épique :<strong>le</strong> voyage en bus est interrompu après avoir percuté et tué sur <strong>le</strong> coup un ânequi avait déboulé sur <strong>le</strong> bitume. Cuzco et la Vallée sacrée sont un concentré desites archéologiques, tous différents et dignes d’intérêt. On y trouve éga<strong>le</strong>ment denombreuses cultures en terrasse, expérimentées depuis plusieurs sièc<strong>le</strong>s. Cuzcoest aussi une merveil<strong>le</strong> de l´art colonial avec un nombre incalculab<strong>le</strong> d´églises, decours intérieures. Rien de tel pour la découvrir que de se perdre dans son labyrinthede ruel<strong>le</strong>s pavées dont certaines sont très pentues.Le Machu Picchu est à la hauteur de sa réputation. J´y accède dès son ouverture,à 6 heures du matin, avant que <strong>le</strong>s hordes de touristes ne viennent y poser pour laphoto. Excitation de découvrir <strong>le</strong> fameux panorama de carte posta<strong>le</strong> qui arrive aubout de quelques minutes de marche. Le point de vue est magique : la pierre grisedes ruines au milieu d’une nature verdoyante dans laquel<strong>le</strong> se promènent des lamaset au fond, la petite montagne en forme de pain de sucre, <strong>le</strong> Wayna Picchu.S’enfoncer dans la jung<strong>le</strong>Après la costa (<strong>le</strong> littoral pacifique) et la sierra (la chaîne des Andes), il me resteà m’aventurer dans <strong>le</strong> troisième type de milieu naturel qui caractérise <strong>le</strong> pays : laselva, c’est-à-dire la forêt amazonienne. Il n’y a que deux modes de transportspour rejoindre la capita<strong>le</strong> de l’Amazonie péruvienne : <strong>le</strong> f<strong>le</strong>uve ou <strong>le</strong>s airs. Iquitosest la plus grande vil<strong>le</strong> au <strong>monde</strong> (700 000 habitants) à ne pas être accessib<strong>le</strong> parvoie terrestre. Ici, c’est un Pérou radica<strong>le</strong>ment différent. A tout point de vue : <strong>le</strong>set agi<strong>le</strong> que <strong>le</strong> gringo. Sur cinq jours, nous campons deuxnuits en p<strong>le</strong>ine brousse, dans des hamacs protégés d’unemoustiquaire. Avant de se coucher, il faut toujours tuer<strong>le</strong>s quelques moustiques faufilés entre <strong>le</strong>s mail<strong>le</strong>s. Et auréveil mieux vaut vérifier que <strong>le</strong>s bottes ne sont pas occupéespar quelques fourmis venimeuses, araignées et autresscorpions. Au fil des jours, nous observons plusieursvariétés de singes, de serpents, un paresseux, un bébécaïman, des oiseaux en tous genres dont deux espècesissues de la préhistoire, des grenouil<strong>le</strong>s et papillons detoutes cou<strong>le</strong>urs. Souvenir particulier, une baignade danscette eau cou<strong>le</strong>ur boue où nagent piranhas et dauphinsroses…Je choisis la voie fluvia<strong>le</strong> pour sortir du bassin amazonien.Trois jours sur un bateau mi-cargo, mi-ferry, à troisniveaux : au premier, des marchandises ; au deuxième, <strong>le</strong>commun des passagers, au troisième, quelques cabinespour <strong>le</strong>s privilégiés. L’intérêt est de faire comme la majoritédes passagers et s’instal<strong>le</strong>r au niveau intermédiaire,d’accrocher son hamac et de se laisser bercer en regardant<strong>le</strong> f<strong>le</strong>uve qui coupe la dense foret. Rien d’autre à faireque de lier connaissance avec ses compagnons de traversée.Une véritab<strong>le</strong> immersion dans la société péruvienne.Le <strong>le</strong>itmotiv de ces cinq semaines incroyab<strong>le</strong>s.n°56 Mars/Avril 2013