50 <strong>Mondomix</strong>.comLivresTueurs de chanteursArnaud Le Gouëff<strong>le</strong>c/Olivier Ba<strong>le</strong>zAvant même que l’importance du chanteur Dominique A ne monte d’un cranaprès sa Victoire d’interprète masculin de l’année, une bande dessinée sortieen début d’année soignait sa légende. Rencontre avec Arnaud Le Gouëff<strong>le</strong>c,<strong>le</strong> scénariste de J’aurai ta peau Dominique A.Texte : Benjamin MiNiMuMLe vendredi 8 février 2013, lorsque <strong>le</strong> nom du lauréat dumeil<strong>le</strong>ur chanteur interprète de l’année à été révélé lors de lacérémonie des Victoires de la Musique, Arnaud Le Gouëff<strong>le</strong>cs’est <strong>le</strong>vé d’un bond de son fauteuil en s’écriant « Putain ! ».Il faut dire que ce musicien, romancier et scénariste breton,avait livré quelques semaines auparavant un album de bandedessinée concocté avec son complice dessinateur OlivierBa<strong>le</strong>z ayant pour titre J’aurai ta peau Dominique A.« Mais pourquoi cette menace ? », se demande <strong>le</strong> chanteur,catapulté héros à bul<strong>le</strong>s, après avoir reçu la missive rédigée enpapier découpé annonçant cet inquiétant message. « C’est peutêtreà cause de ton look ?», suggère son ami Philippe Katerinealors en p<strong>le</strong>in succès exubérant. Tout est possib<strong>le</strong> tant il paraîtincongru que quelqu’un souhaite une mort vio<strong>le</strong>nte au sobrechanteur. « Ca nous a faire rire, parce que personne ne veut tuerDominique A, c’est <strong>le</strong> chanteur <strong>le</strong> moins « à abattre » du showbusiness, justement parce qu’il trace son sillon relativement àl’ombre », explique Arnaud quant au choix de <strong>le</strong>ur cib<strong>le</strong>.moins, une bel<strong>le</strong> chanson sur l’amitié ». Bien sûr, dans la vraie vie<strong>le</strong>s deux auteurs n’ont pas décidé de mettre la vie de DominiqueA en danger sans en prévenir <strong>le</strong> principal intéressé : « Quand onlui a proposé l’idée, il s’est montré curieux de voir jusqu’où on iraitet nous a laissé une tota<strong>le</strong> carte blanche. Ce qui à la réf<strong>le</strong>xion estassez courageux, voire légèrement inconscient. Mais il avait lu nosprécédentes BD et savait que nous n’allions pas l’entraîner surdes terrains trop différents. » Comme on a pu <strong>le</strong> constater lors dela cérémonie des Victoires, <strong>le</strong> triste sire de papier n’est pas arrivé àses fins et Dominique A n’en a pas voulu à Olivier Ba<strong>le</strong>z et ArnaudLe Gouëff<strong>le</strong>c : « Il a beaucoup aimé et ça nous a soulagés. Le butétait de <strong>le</strong> faire rire et je crois que ça a fonctionné ».Le scénariste et <strong>le</strong> chanteur se connaissaient déjà, carArnaud avait écrit pour la chanteuse ooTi un album sur <strong>le</strong>quelDominique A avait fait deux duos. Toutefois, pour écrire cettehistoire, il a préféré ne pas se documenter. « On a choisi dene pas en savoir plus sur sa vie. Le personnage de la BD n’apas d’attaches, pas de compagne, pas d’enfant, peu d’amis.C’est une sorte de Tintin, avec Katerine qui intervient commeune sorte de Capitaine Haddock. On l’a caricaturé en star devariété M6 pour accentuer <strong>le</strong> contraste entre l’austérité de l’unet <strong>le</strong> côté baroque de l’autre ». Mais cette bande dessinée trèsréussie est à mil<strong>le</strong> lieues de la pantalonnade. Comme dans<strong>le</strong>ur précédent album, Le chanteur sans nom, inspirée par unmystérieux chanteur masqué des années 20, l’humour et lapoésie se partagent <strong>le</strong> terrain.Carte blanche tota<strong>le</strong>Si cette nouvel<strong>le</strong> histoire fait fi de la réalité traversée par <strong>le</strong> chanteur,l’évocation de ses chansons est omniprésente : « Les référencesaux chansons servent de lignes de force et de contraintes. Parexemp<strong>le</strong> la scène où Dominique A rejoint Philippe Katerine surscène est inspirée d’un duo des deux chanteurs, Manque moin J’aurai ta peau Dominique AArnaud Le Gouëff<strong>le</strong>c/Olivier Ba<strong>le</strong>z Glénatl Interview complète sur www.mondomix.com
Sé<strong>le</strong>ction / BD 51/ Bienvenueà JoburgPascal Rabaté(Futuropolis)Contrairement aux idées reçues,<strong>le</strong>s obligations professionnel<strong>le</strong>s desdessinateurs de bande dessinée ne<strong>le</strong>s obligent pas à quitter <strong>le</strong>ur tab<strong>le</strong>de dessins uniquement pour rendrevisite à <strong>le</strong>ur éditeur ou faire des dédicacesà la chaîne dans des festivalsspécialisés. Il <strong>le</strong>ur arrive, pourexercer <strong>le</strong>ur art, de visiter <strong>le</strong> <strong>monde</strong>. En 2001, Pascal Rabaté(Ibicus, Les petits ruisseaux...) s’est ainsi rendu à Johannesburg,invité par l’Institut Français pour une résidence d’artiste. Cet album,déjà édité en 2003, est une histoire imaginée à partir desobservations et impressions récoltées pendant son voyage enAfrique du Sud et agrémentée de croquis pris sur <strong>le</strong> vif. Comme<strong>le</strong> dessinateur, son personnage est frappé dès la <strong>le</strong>cture des guidesde voyage par la vio<strong>le</strong>nce qui semb<strong>le</strong> régner à Joburg. Il s’yest rendu pour épau<strong>le</strong>r un ami de son père dans une imprimerieet rien de ce qu’il découvre à son arrivée ne vient contredire cettemauvaise réputation. Au fil des rencontres et des évènements, ilse rend aussi compte que la vil<strong>le</strong> multiracia<strong>le</strong> possède une bel<strong>le</strong>énergie et que ses habitants ont souvent bien d’autres chosesà partager que <strong>le</strong>s mauvais coups. Impeccab<strong>le</strong>ment scénariséet croqué sur <strong>le</strong> vif en noir et blanc, Bienvenue à Joburg tient àla fois du reportage dessiné, de la fiction réaliste et du plaidoyercontre <strong>le</strong>s préjugés et <strong>le</strong> manichéisme. B.M./ Le plusmauvais groupedu <strong>monde</strong>José Carlos Fernandes(Editions Cambourakis)C’est un <strong>monde</strong> à peine plus dérangéque <strong>le</strong> nôtre que décrit <strong>le</strong>Portugais José Carlos Fernandesdans <strong>le</strong>s cinquième et sixième volumesde sa série Le plus mauvaisgroupe du <strong>monde</strong>. Dans la partieintitulée Le dépôt central des rebuts, <strong>le</strong>s doux dingues, obsessionnelsde tous crins et scientifiques de l´inuti<strong>le</strong> s’adonnent àd’étranges occupations comme la col<strong>le</strong>ction de tickets de fi<strong>le</strong>d’attente. Ils sont en proie à des phénomènes étranges commela combustion spontanée de la batterie du plus mauvais groupedu <strong>monde</strong> dans Les archives du prodigieux et du paranormal.Ces 46 histoires indépendantes mais où certains personnagesse recoupent, se dérou<strong>le</strong>nt sur deux pages dessinées en noiret blanc teintées de jaune dans des paysages urbains approximativementsitués à la fin des années cinquante dans un paysd’Amérique. L’auteur s’est amusé à y disséminer des citationsde Melvil<strong>le</strong>, Borges ou T.S. Eliott et signa<strong>le</strong> que ces albums duplus mauvais groupe du <strong>monde</strong> utilise des samp<strong>le</strong>s de CharlieMingus, David Krakauer ou Rabih Abou Khalil tout en ayant <strong>le</strong>bon goût de ne pas y avoir adjoint de copie CD. On peut démarrercette série ici, on aura du mal à ne pas chercher à se procurer<strong>le</strong>s volumes antérieurs. B.M.n°56 Mars/Avril 2013